Dans la famille des entraîneurs « locos », la Ligue 1 connaît bien Marcelo Bielsa et Jorge Sampaoli. Mais les deux techniciens argentins sont des enfants de cœur à côté de Béla Gutmann, mythique entraîneur hongrois que Benfica n’est pas prêt d’oublier.
Devenu entraîneur à la fin d’une belle carrière de joueur dans les années vingt, Bela Gutmann passera sur les bancs de 25 clubs différents en une grosse trentaine d’années de carrière (dont le Milan AC, le FC Porto, Quilmes, le FC São Paulo, le Servette, Honved ou encore Benfica) !
Une carrière d’entraîneur marquée par des titres (il gagnera notamment deux fois la Coupe d’Europe des clubs champions avec Benfica) mais aussi quelques coups d’éclat originaux (comme le rappelle notamment, dans un excellent article à son sujet, le site Footballski) de la part de celui qui, jeune, était prédestiné à faire une carrière de… danseur.
Tout commence au Macabi Bucarest, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, où Gutmann se fait payer… en légumes (rares à cet époque). Il quittera le club après que le président ait voulu lui imposer de titulariser certains joueurs.
Il sort un joueur qui ne le satisfait pas et préfère jouer à 10 !
Quelques mois plus tard, Bela Guttmann se distingue au Kispest AC, que l’on connaîtra surtout sous le nom de Honvéd. Nous sommes en 1947, lors d’un match face à Győr, l’entraîneur hongrois est très énervé par la prestation d’un de ses défenseurs, Mihaly Patyi.
Au point de lui ordonner de rester aux vestiaires à la mi-temps, imposant à son équipe de disputer la seconde période à 10 contre 11 ! Mais, Ferenc Puskás conteste cette décision et finit par persuader son coéquipier de revenir sur le terrain. Devant cette défiance, Guttmann ne dit rien, mais décide de monter en tribunes pour assister à la seconde période (au lieu de rester sur le banc), puis quitte le stade. Où il ne reviendra plus.
Habitué aux séjours cours, pour de multiples raisons (souvent des divergences avec ses dirigeants), Bela Guttmann fait apparaître une nouvelle clause dans son contrat : il ne peut pas se faire virer si son équipe est en tête du championnat !
Son premier passage sur le banc du Benfica Lisbonne, entre 1959 et 1962 restera marqué à jamais dans l’histoire du club. Si le club portugais remplit sa carte de visite (deux titres de champion, deux Coupes d’Europe des clubs champions, une coupe du Portugal), il est marqué par les décisions fortes du Hongrois, qui décide tout simplement de mettre fin aux contrats d’une vingtaine de joueurs dès son arrivée !
Il a lancé une malédiction sur Benfica
Viendra ensuite l’affaire du transfert d’Eusébio. Il découvre le jeune Eusebio au Mozambique, mais ce dernier est lié au Sporting Club de Lourenço Marques, club filiale du… Sporting Club Portugal.
Pour arriver à ses fins, Guttmann fait venir Eusébio en cachette au Portugal, sous une fausse identité, et le garde plusieurs jours caché dans un hôtel d’Algarve, le temps de signer son contrat…
La fin de son aventure avec le club de la capitale portugaise fait toujours parler aujourd’hui. Alors qu’il n’obtient pas la grosse revalorisation salariale exigée, Bela Guttmann quitte le club en colère, avec pertes et fracas.
L’entraîneur, qui lors de son passage aux Etats-Unis en tant que joueur dans les années vingt avait tenu un bar clandestin sous la prohibition, lance une malédiction : « Je m’en vais en vous maudissant. À partir d’aujourd’hui et pendant 100 ans, Benfica ne remportera pas une Coupe d’Europe. »
Depuis, le Benfica Lisbonne a échoué cinq fois en finale de Coupe d’Europe des Clubs Champions (1963, 1965, 1968, 1988 et 1990) et deux fois en finale de la Coupe de l’UEFA, ou League Europa (1983 et 2013).
À sa mort en 1981, Bela Guttmann est nommé parmi l’« International Jewish Sports Hall of Fame ». En 2007, le journal anglais The Times, le place à la 8e place des entraîneurs les plus influents de l’histoire.