samedi 12 octobre 2024

Rétro – OM : les souvenirs inédits de l’épopée de 1993

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Eric Mendes
Eric Mendes
Journaliste

Ils sont la mémoire et les relais privilégiés pour transmettre les émotions au grand public et aux supporteurs. Les journalistes sont les premiers témoins des évènements historiques. Suiveurs, analyseurs et passionnés, ils ont vécu OM-Milan 1993 chacun de manière différente. Ils témoignent.

Mario Albano : « Le sommet de l’OM »

« Que ce soit en termes de jeu, de spectacle, de ferveur ou de folie, je trouve que 1991, c’était plus fort. On découvrait cela avec des joueurs comme Pelé, Papin ou Waddle. 1993 est le sommet au niveau du résultat. Il n’y en a pas eu d’autres depuis. »

« L’an passé, la compagne de mon fils devait accoucher et, en venant à Marseille, quelques jours, alors qu’ils habitent en Belgique, elle est rentrée aux urgences à la maternité. Le mardi soir, mon fils m’envoyait un message en me disant que sa fille allait naître dans la nuit et en précisant qu’elle allait naître le 26 mai, que c’était sa Coupe d’Europe (sic). C’est une date qui reste. Il y a certainement beaucoup de gens qui l’utilisent comme un code à Marseille. »

« Sur ce match, on n’avait pas l’impression que ça allait être le grand soir. On jouait Milan qui avait été suspendu de Coupe d’Europe l’année d’avant. Tout n’est pas tombé du ciel. Il y a eu Fabien Barthez puis Basile Boli en première période. Ce n’était pas un miracle, mais Marseille marque un but alors qu’ils auraient pu en prendre trois auparavant. Avec le recul, on se rend compte que l’OM a bénéficié de la chance qui l’a souvent fui sur d’autres finales ou d’autres rencontres. »

« L’OM a eu un bol énorme qui a compensé la malchance qui l’a suivi au cours de ses quatre autres finales européennes. Personne n’aurait misé sur l’OM. Milan était favori et c’était logique. C’était cruel de voir Papin dans l’autre camp. Quand il rentre, on savait qu’il y avait danger. Il était motivé. Tous les regards étaient focalisés sur lui. A la fin, tout est allé vite. »

« Jusqu’à la dernière minute, il était compliqué de commencer à écrire alors qu’un but aurait pu tout changer. C’était délicat de le faire avant. Mon titre était Bravissimo. C’est une fois terminée qu’on prend conscience que l’OM vient de rentrer dans l’histoire en remportant la première coupe d’Europe du football français. Beaucoup d’Olympiens ont pu faire la fête avec les handballeurs qui remportaient la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe quelques jours plus tard au Palais des Sports. »

Grand reporter du quotidien La Provence

Avi Assouly : « Une aventure extraordinaire »

« Je le vis encore comme un rêve. A l’image de mon direct que j’avais fait à 18h. J’avais un fait un papier et tout s’est réalisé. C’est gravé dans ma mémoire. A chaque fois que je vais au Vélodrome, j’y pense. C’était une aventure extraordinaire à cette période-là. C’était la plus belle période de ce club avec l’ère de Tapie. Ceux qui étaient positifs, beaucoup estimaient que Marseille avait ses chances sur un match face au Milan AC que l’on avait déjà battu par le passé. »

« Au début, c’était incroyable, Milan devait mettre 3-4 buts, mais Barthez était un poulpe. Il avait 6 mains, 3-4 jambes ! C’était fou de voir comment Milan avait été malheureux et surtout maladroit. C’était la grosse équipe de Berlusconi. Tout est arrivé sur ce coup de boule de Basile Boli, deux minutes avant la pause. Ce n’était même pas un corner. Il était imaginaire. Et l’OM a pu marquer ce but. Chaque seconde, j’attendais et je tremblais aux commentaires. J’étais comme un fou. »

« Il se passait des choses. Il y a des coïncidences. On sentait qu’il allait se passer quelque chose. Capello a commis l’erreur de laisser Papin sur le banc comme Goethals avait laissé Stojkovic en 1991 face à l’Etoile Rouge. La veille, ce n’était pas comme à Bari où tout était verrouillé. A Munich, c’était ouvert. L’OM était au centre d’entraînement du Bayern Munich. »

« C’était magnifique. Deux jours avant, Raymond Goethals me présentait l’équipe tout en me parlant du scénario du match avec le sel et le poivre ou les verres de la table… Une fois le coup de sifflet final donné, j’étais l’un des rares journalistes à aller à l’hôtel des joueurs avec Boli qui faisait sa starlette et Sauzée qui jouait des maracas. On était des privilégiés. On a vécu une soirée inoubliable. »

« Le lendemain, c’était incroyable dans la ville avec un Vélodrome plein. Ils ont présenté la Coupe d’Europe aux gens. C’était extraordinaire. Des moments inoubliables et uniques. C’est rare. C’est l’histoire d’un club et d’un coup de boule de Boli. On était une famille avec les joueurs, les journalistes et le club. Ça a changé maintenant. On vivait plus avec l’OM que sa propre famille. J’ai vibré et j’étais sur le terrain avec eux. C’est indescriptible. »

Ancien journaliste et commentateur pour France Bleu Provence

Jean-Paul Delhoume : « Ils avaient oublié Goethals au stade… »

« Je me souviens d’une ambiance autour du match et le coup de tête de Basile Boli. J’ai aussi vu deux supporteurs vivre la finale dos au terrain. Ils étaient superstitieux et ils pensaient que, s’ils regardaient le match, l’OM allait se prendre un but. Il y en avait un autre qui leur racontait le match en direct. C’étaient des gagas. Ils viennent de loin et se prennent un billet pour ne pas voir un match ! »

« A la fin du match, il y avait des journalistes italiens qui pleuraient en tribune de presse. Si j’avais pleuré à chaque défaite de l’OM, je n’aurais plus de larmes (sic). Après le match, je me souviens de Raymond Goethals avec les journalistes marseillais, dans un coin du stade, qui racontait comment il avait vécu le match. A moment donné, il se retourne et on voit le car partir sans lui. Ils avaient oublié Goethals. Ils ont fait demi-tour pour revenir le chercher. C’était la folie à Marseille. »

« L’arrivée au stade Vélodrome, c’était incroyable. Tapie avait organisé tout cela. En repartant de Munich et du stade, on voyait un type marcher dans les rues. Il semblait ne pas savoir où il allait. On s’approche de lui en voiture et on lui demande s’il était perdu. Il nous répond que non et qu’il cherche à s’installer. Surpris, on ne comprend pas trop. »

« Il précise en nous disant que comme l’OM venait de gagner à Munich, il ne voulait plus repartir et il voulait s’installer pour toujours à Munich. Ça se trouve, il y est toujours et il a fondé une famille ! Juste parce que l’OM avait gagné la coupe d’Europe là-bas. Pour revenir au match, au départ, on sentait que ça ne pouvait pas bien se passer sans un grand Barthez dans les cages. Milan n’a rien mis au fond. On a alors cru à un coup de Trafalgar et il est arrivé avec ce but de Boli. C’était parfait. Ça plaçait l’OM dans la cour des grands. »

Ancien chef des sports de La Marseillaise

Gilbert Dulac : « Un aboutissement »

« Pour le club et l’OM, c’était l’aboutissement des années d’efforts. Surtout après les déceptions de Lisbonne, en demi-finales, en 1990, contre le Benfica, avec la fameuse main de Vata qui prive l’OM d’une finale contre le Milan. (2-1, 0-1). Ensuite, il y a eu la déception de Bari, avec la défaite aux tirs au but (0-0, 5 tab 3, Ndlr) contre l’Etoile Rouge de Belgrade avec une très belle équipe. »

« En 1993, c’est l’aboutissement de tous les efforts et des moyens mis en œuvre par Bernard Tapie pour gagner. C’est la consécration de joueurs qui avaient été fidèles au club depuis plusieurs saisons comme Basile Boli, Eric Di Meco, l’enfant du pays et d’autres comme Didier Deschamps. Au niveau du football français, après les déceptions de Reims et de Saint-Etienne, enfin, un club français remportait la plus belle des coupes d’Europe. »

« Les déceptions passées ont forgé également cette victoire que ce soit pour les différents clubs qui avaient connu des finales européennes comme Reims, Saint-Etienne ou même Bastia. C’était tout de même maigre par rapport à d’autres pays. C’est un moment de joie et de bonheur partagé par toute une nation. Avec la télévision, il y a eu un partage dans toute la France. Marseille avait déjà perdu une demi-finale en Coupe des Vainqueurs de Coupes en 1988 contre l’Ajax d’Amsterdam. »

« Les différents parcours de l’OM s’arrêtaient en 16èmes ou 8èmes. C’est vraiment l’aboutissement des saisons précédentes. C’était la consécration contre le grand Milan AC de l’époque pour la première formule de la Ligue des Champions. Je me souviens des commentaires de l’époque, c’était unanime. C’était la bonne année avec le vécu et l’expérience acquise tout au long des saisons précédentes. C’était un moment de joie partagée. »

« L’OM est un club particulier. Le club est à l’image de la ville. C’est un club de passion. Il y a un lien fort entre la ville et son club. Maintenant qu’il a 120 ans, c’est toujours le cas et ce trophée de 1993 restera à jamais particulier. Le but restera dans toutes les têtes. C’est une image forte. Avec un corner qui n’existe pas à la base. C’est un ensemble qui compte. L’équipe a livré un combat physique, technique et tactique pour gagner et soulever ce trophée. C’était de la folie dans la ville après. J’avais connu enfant le titre de champion de France en 1971 avec Bonnel, Skoblar et Magnusson, mais la Ligue des Champions en 1993, c’était la dimension supérieure. »

Ancien journaliste à La Marseillaise, Le Provençal et La Provence

Patrick Fancello : « Tout pour réussir l’exploit »

« C’était un match incroyable. J’ai toujours en moi ce moment où, après la rencontre, les joueurs avaient l’envie de revenir au plus vite à Marseille. Ils voulaient partager avec les supporteurs. Ils ne voulaient pas rester sur place. Ils voulaient communier à Marseille. »

« Ils nous demandaient tout le temps comment c’était en bas. Dans l’approche du match, après la tension et la fausse approche de Bari, Tapie avait pris la décision de faire l’inverse. Ça correspondait plus à l’état d’esprit des garçons. Il n’y avait pas de pression sur eux. Ils ne pouvaient que se lâcher. On ne pouvait que réussir un exploit. Il n’y avait pas de retenu à avoir. Vu de l’intérieur, avec le recul, finalement, on a pu voir que la deuxième fois a été mieux gérée que la première à Bari. »

« C’est cette préparation qui a fait la différence. On y allait presque comme pour y jouer un match de quartier. Il n’y avait pas de revanche à prendre sur le sort ou le destin. Il y avait l’envie de faire plaisir et se faire plaisir. Bernard Tapie avait retenu les leçons du passé. Quand Boli marque, il y a comme un déclic. Il n’y a pas d’euphorie. C’était un signe fort, mais la bête en face était encore bien vivante. On parle du grand Milan. »

« Tout était encore à faire. Il fallait tenir. Dans le football, il est difficile d’écrire les choses par avance. Que ce soit qui marque, c’est magnifique, mais je ne l’aurais pas parié. Avec une telle victoire, il y avait une folie indescriptible. On était tous transportés. C’était un moment historique. C’est extraordinaire d’avoir pu être journaliste sur ce match. J’ai essayé d’être à la hauteur de ce moment historique. On est passé d’un extrême à l’autre. »

Ancien rédacteur en chef adjoint à La Provence

Hélène Foxonet : « Un moment d’histoire qui va au-delà du sport »

« Le retour au Vélodrome reste une image forte. J’étais enceinte et je n’avais pas pu les accompagner là-bas. On les avait tout de même accompagnés les jours avant et on ressentait une grande confiance, surtout de la part de Bernès. La présentation du trophée au Vélodrome reste la plus grosse émotion que j’ai vécue. On a attendu très longtemps qu’ils arrivent. L’ambiance était bonne. C’était la chair de poule de bout en bout. »

« C’était unique. La communion avec le public et les joueurs. J’aime le foot pour ces émotions partagées uniques. J’ai même versé quelques larmes, je pense. C’était un mo ment d’histoire qui va au-delà du sport. On avait connu Bari avec un moment terrible dans l’autre sens. Cette victoire a permis de connaître un moment suspendu. C’était fort. Pour avoir vécu toute l’époque Tapie, c’était spécial et une grande émotion. En plus, contre Milan. En 1991, on avait été reçus comme des rois là-bas. »

« On se rendait compte que c’était un grand club. On avait été reçus par Sacchi et Baresi. Costacurta nous avait offert un café. Des choses que l’on n’avait jamais connues à Marseille. J’ai découvert ce qu’était un grand club avec de la classe. On a eu un vrai partage. Milan, c’était le grand club et la grande classe en Europe. »

« Munich était l’aboutissement de toute une époque. On avait la chance de suivre les joueurs et l’équipe au plus proche. Il y avait un vrai respect. Au retour de Munich, Bernès et Tapie nous invitent à l’hôtel pour voir la Coupe d’Europe. Il n’y a toujours pas d’affaire VA-OM dans les têtes. On a pu refaire le match avec Goethals. Même si on a dit que Tapie faisait les équipes, Goethals était plus malin. Il nous racontait ses anecdotes. On partageait l’envers du décor. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. On a vécu de l’authentique. On aimait le foot et on refaisait sans cesse le match. »

Ancienne correspondante à Marseille pour l’Equipe et France Football

Alexandre Jacquin : « Tous les Marseillais connaissent cette date du 26 mai 1993 »

« 30 ans après, il reste une fierté des Marseillais d’être à jamais les premiers, de tout le temps commémorer l’évènement, de sanctuariser toutes les personnes qui ont participé à ce sacre, qui reste pour des générations, au-delà des fiertés familiales, la fierté marseillaise numéro 1. Tous les Marseillais ont cette date du 26 mai 1993 comme une référence. »

« C’est ancré. On n’y touche pas. Même quand certains peuvent remettre en doute et parler de match acheté, stop. C’est sacrilège. C’est la partie positive. Il y a cette fierté. Cela étant, ça pose aussi un problème. Depuis 30 ans, à force de vivre dans le passé, à force de toujours le ramener à ce titre et cette coupe aux grandes oreilles, les supporteurs ont toujours l’impression d’être une grande équipe en Europe. Alors que c’est plus le cas. Il y a un titre de champion de France depuis 1993, il y a trois Coupes de la Ligue.

« Il y a des finales de Coupes d’Europe perdues. Dans l’héritage, il faudrait tourner la page. Oui, c’est une fierté. Oui, ça fait partie de l’histoire. Oui, c’est beau ce que l’OM a fait à l’époque, mais depuis le football a changé. Ce n’est pas parce que l’OM a gagné en 1993 que ça reste une grande équipe. Ça reste un grand club, mais on a du mal à rivaliser avec les cadors européens aujourd’hui. A l’époque, j’avais 12 ans. J’aurais pu aller à Munich, mais je l’ai vécu sur le Vieux Port avec mes parents. C’était une formidable soirée aussi belle que le 12 juillet 1998. »

Journaliste et chef adjoint du service des sports à La Provence

Guy Sitruk : « C’était logique »

« Sur son talent pur, cette équipe méritait de remporter la Ligue des Champions. Elle était passée de peu à côté à Bari, face à l’Etoile Rouge. Elle avait d’ailleurs déjà éliminé le Milan AC avant de le retrouver en finale en 1993. Il y avait une forme de logique. Elle était régulièrement parmi les meilleures équipes d’Europe. L’histoire de la main de Vata représentait une forme d’injustice dans cette élimination, contre Benfica, même s’il restait du temps et que dans le football, tout est toujours possible. C’était une équipe dans le top européen. »

« Cela étant, il reste une part d’ombre dans ce succès. Cependant, rien n’a été démontré en Ligue des Champions, mais il y avait le contexte de l’époque avec l’affaire de VA-OM qui ne touchait que le championnat et des rumeurs qui revenaient régulièrement sur des arrangements. Mais rien n’a été démontré formellement. Ce n’était pas un vol. »

« L’OM dominait le foot français. 30 ans après, alors que le football français a gagné des titres mondiaux et européens avec son équipe nationale, le plus aberrant reste le fait qu’il ne compte qu’une Ligue des Champions à son palmarès. Chaque année, c’est dur. Il n’y a qu’un vainqueur de Ligue des Champions. Ce n’est pas donné à tout le monde, mais c’est étonnant de voir Marseille comme unique vainqueur français dans l’histoire. »

Ancien journaliste-reporter à France Football et L’Equipe

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