Le vainqueur du Tour de France 1967, Roger Pingeon à la personnalité complexe, a décroché le graal juste avant l’avènement d’un certain Eddy Merckx…
Inclassable Pingeon. Ce champion est rentré dans le cercle des vainqueurs du Tour de France en 1967 en s’imposant devant Julio Jimenez avec 3 minutes 40 d’avance et Franco Balmamion avec 7 minutes 23. Cette 54ème édition du Tour est restée gravée dans les mémoires avec la mort tragique du Britannique Tom Simpson à 29 ans lors de l’ascension du Mont Ventoux le 13 juillet 1967. Mais elle l’a été aussi par le degré de performance incroyable du Français originaire de la région du Bugey.
Deux ans plus tard, le natif de l’Ain a remporté le Tour d’Espagne devant le grand Luis Ocana. Entre l’ère Anquetil et la période de domination de Merckx, ils sont quatre à avoir porté le maillot jaune : Felice Gimondi (vainqueur du Tour en 1965), Lucien Aimar (vainqueur du Tour en 1966), Roger Pingeon (vainqueur du Tour en 1967) et Jan Janssen (vainqueur du Tour en 1968).
Roger Pingeon, le grand vainqueur du Tour 67
Jean-François Supié dans son livre intitulé entre « Grâces et Tourments » avec la préface rédigée par Bernard Thévenet, sorti en librairie le 8 mars 2018 aux éditions Mareuil, rend hommage à la magnifique carrière de « Pinpin » : « J’avais 10 ans quand Pingeon a gagné le Tour en 1967. A cette époque, le Tour faisait rêver les enfants. Roger Pingeon était de Hauteville, une ville à 50 km de Bourg-en-Bresse. Sa victoire dans le Tour avait eu un impact assez fort dans la région. Par la suite, il l’avait quittée pour aller vivre dans le nord, puis à Montpellier avant de revenir vivre dans sa région natale. A cette époque, j’avais eu l’occasion de le côtoyer sur différentes épreuves tout en remplissant également mon rôle de journaliste. Je le rencontrais donc assez souvent. Sa première épouse ainsi que sa veuve m’avaient raconté aussi pas mal de choses à son sujet. Dans ce livre, je reviens aussi beaucoup sur l’épisode de Tom Simpson. »
« Au-delà de l’histoire de Roger, j’ai voulu analyser l’environnement dont l’arrivée de Merckx dans le peloton. Ils ont été coéquipiers pendant deux ans en rencontrer à nouveau. La vie en a décidé autrement. J’ai alors opéré différemment en épluchant encore davantage les archives ».
Mais au fait pourquoi ce titre entre grâces et tourments ?
« Roger Pingeon a été marqué dans sa carrière par des moments de grâce. Il était alors quasiment irrésistible. En 1967, quand il prend le maillot jaune en gagnant l’étape à Jambes dans les Ardennes belges, il est phénoménal.
« Durant ses moments de grâce, il était quasiment irrésistible »
Il avait pris six minutes à tout le peloton. En 1968, quand il gagne l’étape entre Font-Romeu et Albi (15ème étape), il fait 190 km d’échappée solitaire en comptant même jusqu’à 11 minutes d’avance sur le peloton. Il a quand même réalisé des choses incroyables, mais il était aussi un coureur très tourmenté. Dans les primes années de sa carrière, il était capable de tout envoyer balader comme il l’avait fait sur un Paris-Nice en 1966.
Sur un Dauphiné aussi une année, il avait mis pied à terre car il en avait assez. Il était très cabochard. Mais beaucoup de champions le sont. Toutefois Pingeon n’avait pas que des amis dans le peloton. Il ne parlait pas à tout le monde. Il n’était pas forcément le plus aimé car il était un peu particulier.
Au regard de son talent, il aurait certes pu peut-être avoir un palmarès encore plus conséquent, mais il avait une santé assez fragile avec des soucis récurrents de genou qui l’avaient éloigné pas mal du peloton un temps. Il était aussi pas mal sensible des bronches. Dès que le printemps était un peu maussade, il prenait des trachéites. Et comme il était un peu de nature à s’écouter, cela ne facilitait pas les choses. Car quand il avait une idée en tête…
Daniel Pautrat m’avait conté l’anecdote suivante : en 2003, la société du Tour avait convié tous les anciens vainqueurs de l’épreuve encore de ce monde pour une photo de famille pour le centenaire. Le seul qui n’a jamais voulu venir était…
Roger Pingeon. Il n’a donc pas été sur la photo… Depuis sa Bresse natale, il préférait vivre comme un petit retraité tranquille, préférant aller danser avec son épouse dans des petits bals, aller à la chasse, ou participer au comité de fleurissement de sa commune. Vers la fin, il ne fallait plus trop qu’on lui parle de vélo ».
« Pinpin » a marqué de son empreinte les années 60 en assurant une véritable transition entre le cyclisme à l’ancienne, symbolisé par Bobet et Coppi et l’avènement de l’ère moderne marquée par le « Cannibale » Merckx.