vendredi 4 octobre 2024

Rolland Courbis : « Je me demande si Kylian Mbappé est bien sûr de ne pas regretter »

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Joueur et entraîneur à l’immense carrière, personnage truculent qui n’a jamais sa langue dans sa poche, Rolland Courbis nous régale par ses analyses sur RMC, avec qui il collabore depuis 17 ans. Luis Enrique, Kylian Mbappé, Jean-Louis Gasset et l’OM… En exclusivité pour Le Quotidien Du Sport, il nous donne son avis, à sa manière.

Vous vous sentez bien sur RMC ?

On ne s’en rend pas compte, mais ça fait 17 ans maintenant que je collabore avec RMC. Quand j’étais entraîneur, sur les dernières années, je reconnais que ça pouvait poser un petit problème. Je me souviens quand j’étais à Montpellier… Quand on gagnait, je n’avais pas de réflexion, mais quand on perdait, Loulou, il me disait : « au lieu de conseiller les gens sur RMC, conseille plutôt tes joueurs ». Je ne répondais pas, mais je me disais : « qu’est-ce qu’il a raison ! ». C’est assez marrant, parce que je suis en train de travailler sur un documentaire sur ma vie, ma carrière… et je me rends compte que RMC, ils sont sur des maillots que j’ai portés. Notamment à Monaco avec qui j’ai été deux fois champions de France à deux reprises (sourire).

C’est une sorte de continuité logique alors… Un partenaire dans votre vie de footballeur qui ne s’arrête jamais…

Quand je rencontre des gens dans la rue, qui m’interpellent, je me dis que je dois cette popularité au football, à ma carrière de joueur puis d’entraîneur. Je suis fier, même si je me dis que j’aimerais bien être moins populaire et avoir 20 ans de moins. Même si, quand je vois tous ceux qui ont disparu, je suis bien content d’être encore là. Je ne sais pas si j’ai accompagné le football ou si c’est le football qui m’a accompagné, mais toujours est-il que je n’ai fait que cela depuis l’âge de 8 ans. 

Rolland Courbis, ici dans un studio de fortune en 2009, collabore avec RMC depuis 17 ans.

Aujourd’hui que vous êtes un peu plus éloigné du terrain, vous vous sentez un peu plus libre dans vos commentaires ?

Peut-être… Mais, même quand j’étais en poste quelque part, je ne me suis pas trop gêné pour dire ce que je pensais. J’ai toujours eu ma façon de m’exprimer. Elle est ce qu’elle est, mais c’est la mienne. 

On sent que la communication a toujours été un élément important pour vous, notamment quand vous étiez en face des micros…

J’ai toujours accordé beaucoup d’importance aux interviews, particulièrement avant et après les matchs. Aujourd’hui, quand je vois certains entraîneurs, dont certains sont des anciens collègues, j’en vois des bons, des moyens et d’autres… Je ne vais pas dire de noms, mais quand j’en vois certains parler après les matchs, je me pose des questions. Je n’ai pas l’impression qu’il est en train de préparer le match à venir. 

On est quand même dans une époque ou la communication, avec la technique d’aujourd’hui, les réseaux sociaux… es très importante. Tout ce que tu dis est commenté, analysé. Il faut faire deux fois plus attention qu’à mon époque. 

Il y a des progrès à faire encore dans ce domaine, au niveau de la formation ?

Je ne sais pas exactement comment se passe aujourd’hui les formations d’entraîneurs. J’espère qu’on insiste sur la façon de présenter un match. Je vous donne un exemple : 8 fois sur 10, les entraîneurs n’arrêtent pas de faire des louanges sur l’entraîneur d’en face, sur l’équipe d’en face… C’est un peu l’équivalent de dire « bonjour » et que tu rajoutes : « ça va ? ». Ça sonne un peu comme une obligation de politesse, mais on ne va pas passer la conférence de presse la-dessus ! Je ne vois pas l’intérêt, il y a des gens qui écoutent. Moi je préfère écouter un gars qui va dire : « cet adversaire là, il va nous permettre de progresser et je pense que l’on ne vas pas être du tout un adversaire facile ». Je me suis pas mouillé en disant ça quand même ! Mais même ça, on ne l’entend pas !

« Vous perdez du temps à préparer l’équipe de la saison prochaine ou vous nous prenez pour des cons ? » 

Alors que penser d’un Luis Enrique qui parle de la pluie et du beau temps pour répondre à une question sur Kylian Mbappé…

Là, il faut lui poser la question : « après votre carrière d’entraîneur, vous envisagez une carrière de consultant ? Ce serait dommage de vous perdre pour le football… » Et s’il te répond : « pourquoi pas ». Et bien tu lui poses une autre question : « ça vous plairait d’avoir Luis Enrique en face de vous pour ? ». 

Vous qui avez longtemps été de l’autre côté du micro, vous ne trouvez pas parfois que les questions posées ne sont pas forcément les bonnes ? Ou mal posées ?

C’est évident que si tu veux des réponses intelligentes, il faut déjà poser les bonnes questions. Si j’avais le plaisir d’interviewer Luis Enrique, la première question que je lui poserais : « comment vous faites pour savoir que vous serez toujours l’entraîneur du PSG la saison prochaine ? Vous perdez du temps à préparer l’équipe de la saison prochaine ou vous nous prenez pour des cons ? ». 

« L’OM est capable de terminer quatrième et d’aller loin en Ligue Europa » 

Continuons sur le PSG, vous avez été le premier surpris de voir Kylian Mbappé annoncer son départ si tôt dans la saison…

Surpris et déçu, parce que jusqu’à maintenant, j’avais toujours eu tout bon à son sujet. Notamment en étant un des seuls, il y a deux ans, à penser qu’il allait rester alors que tout le monde pensait qu’il n’allait pas prolonger. Aujourd’hui, il y a un truc qui m’échappe… Et je me demande s’il est bien sûr de ne pas le regretter. 

Du coup, on voit que ça ternit un peu la fin de la saison… Pour l’instant, essentiellement la sienne, dans la course aux statistiques qui lui tiennent à coeur notamment, en jouant beaucoup moins…

Oui et non. N’oublions pas que la stat la plus importante pour le PSG, c’est la Champion’s League. Quand on a vu ce qu’il s’est passé en Côte d’Ivoire, on peut se dire que le Paris Saint-Germain peut gagner la Champion’s League cette année de soit-disant transition. Ça n’a pas échappé à Mbappé qui sait que si le PSG remporte la C1, ce sera avec un grand Mbappé. Il va donc tout faire pour finir la saison le mieux possible, et même en jouant moins en Ligue 1 ne l’empêchera pas de gagner le Ballon d’Or.

Vous pensez qu’il a de bonnes chances cette année pour le Ballon d’Or, en sachant qu’il a aussi l’option Equipe de France pour gagner un titre majeur ?

Ben oui, c’est évident. Et je trouverais ça marrant qu’il aille au Real Madrid* pour gagner le Ballon d’Or et qu’il le gagne avant, avec le PSG et l’Equipe de France !

Pour changer de sujet, quand vous voyez ce que fait Jean-Louis Gasset à l’OM, ça ne vous donne pas envie de reprendre du service sur le terrain ?

Avant que Jean-Louis Gasset ne soit choisi, on m’a posé la question. Des gens proches de l’OM, qui n’étaient pas de la direction, m’ont contacté pour me dire que j’allais recevoir un coup de fil et me demander ce que je répondrais. Ma réponse, sur un challenge de trois mois, c’est comme si un ami intime me demande un service, évidemment que je vais le rendre. En revanche, je dis non à la possibilité de reprendre un club pour toute une saison. Pour trois mois, j’aurais accepté. Mais, sans fausse modestie, quand je vois ce que fait Jean-Louis, avec beaucoup de calme, je n’aurais pas fait mieux. 

Vous êtes étonné ?

Pas spécialement, Jean-Louis Gasset est un excellent entraîneur, avec beaucoup d’expérience. Par contre, on voir ce qui va se passer dans les prochains matchs en Ligue 1, avec de sérieux adversaires. Un déplacement à Rennes, la réception du PSG, un déplacement à Lille et la réception de Nice. On attend de voir combien de points va prendre l’OM. Mais l’OM est capable de terminer quatrième et, selon le tirage au sort, d’aller loin en Ligue Europa. 

Avec Jean-Louis Gasset et Eric Roy, on a deux entraîneurs français, qui avaient été moqués en arrivant, à l’OM et Brest, et qui impressionnent aujourd’hui, c’est une leçon d’humilité ?

Pas nécessairement… Déjà, je pense qu’il ne faut pas dire que les entraîneurs français ne sont pas bons. C’est comme pour tous, il y a des bons, des moins bons et des mauvais. 

« Il y a beaucoup de clubs qui auraient un petit plus avec Antonetti » 

Il y a des entraîneurs français qui n’ont pas de clubs, comme Antonetti par exemple, ça vous agace ?

Je trouve que c’est du gâchis. Comme le fait qu’un jeune entraîneur comme Julien Stephan se retrouve sans club. Heureusement, cela n’a pas duré trop longtemps. Même chose pour Fred Antonetti… Il ya beaucoup de clubs, que je ne citerais pas, qui auraient un petit plus avec Antonetti. 

Il ya aussi d’autres jeunes, qui ont été sur le devant de la scène et dont on n’entend plus parler, à l’image d’un Didier Digard… Il y a des modes chez les entraîneurs ?

Non, je ne pense pas. Il y a surtout plusieurs catégories de clubs et d’entraîneurs. Le métier d’entraîneur, suivant où tu entraînes et dans quelles conditions n’est pas le même. A Paris, Marseille ou Lyon, le métier d’entraîneur est très différent que dans beaucoup d’autres clubs. Il faut voir aussi le contexte. Pour certains, il faut des joueurs pour essayer de prendre des points, quelle que soit la manière, dans d’autres clubs, il faut construire ses victoires… Moi, dans ma carrière, j’ai pu connaitre les deux. Et sans être prétentieux, je pense que je connais bien les deux. C’est à dire des clubs où tu dois préparer les matchs pour construire des victoires, quelque soit l’endroit, domicile ou extérieur, mais aussi des clubs où l’objectif n’est pas de terminer dans les trois premiers mais de ne pas terminer dans les trois derniers. C’est une façon de voir le métier totalement différente. 

Ce sont aussi des profils d’entraîneurs différents ?

Peut-être un peu, mais pas forcément… Tu as des « pompiers de service » comme on les appelle, qui vont être réputé pour intervenir dans des clubs en difficulté. Comme j’ai souvent eu l’occasion de faire ça, c’était un de mes surnoms, mais j’ai su aussi avoir des bons résultats, avec des clubs comme l’OM ou Bordeaux… Après, avec l’expérience, je connais une série de petits détails qui peuvent être efficaces pour aider les clubs en difficultés à s’en sortir.

Après le PSG, l’OM et Lille aux portes des quarts de finale en Coupe d’Europe, ça veut dire que la Ligue 1 n’est pas aussi nulle qu’on le dit ?

On envie les Anglais. Mais avec les sous qu’ils ont, notamment avec les droits TV, ça serait quand même anormal que le championnat anglais ne soit pas supérieur au championnat français. Tu as une demi-douzaine de clubs de Premier League qui termineraient aux premières places, quelque soit le championnat. C’est le contraire qui ne serait pas normal. Je trouve que, grâce à l’arrivée de certains investisseurs, grâce à l’arrivée de QSI au Paris Saint-Germain, la Ligue 1 . Quand je regarde notre championnat, et bien les 7 équipes qui sont devant, elles sont pas mal.  Même si 8 fois sur dix, le PSG gagne les trophées, heureusement qu’ils sont arrivés, parce qu’on était mal en point. 

Au lieu de critiquer, comme le fait John Textor, ne faut-il pas mieux essayer de s’accrocher pour aller vers le haut ?

Bien sûr. Mais aussi te dire que c’est une chance pour le football français d’avoir les Qataris qui ont amélioré le niveau de notre Ligue 1. Si tu finis deuxième, tu seras vice-champion, tu ne vas pas non plus être catastrophé, tu participes à la Champion’s League… On est dans une époque où tu peux terminer 4ème d’un pays et gagner la Champion’s League ! Moi j’ai connu une époque où seul le champion participait à la Champion’s League.. Et bien on se démerde, on se débrouille pour bien dépenser l’argent qu’on a. Parce que évidemment, une connerie qui est faite au PSG, elle s’efface beaucoup plus facilement que dans les autres clubs. Il vaut mieux ne pas se tromper sur la qualité d’un joueur et sur l’intégration au sein de ton club. Tu as des joueurs qui sont très bons dans des clubs moyens et qui sont moyens dans des gros clubs. Là aussi, ce sont deux métiers complètement différents. 

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