lundi 14 octobre 2024

Saint-Etienne, Reims, Bastia, Strasbourg… Ces grands clubs qui sont revenus de l’enfer

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Tel le phénix, ils finissent toujours par renaître de leurs cendres. En France tous les grands clubs de L1, ou presque, qui ont touché le fond ont fini par rebondir parfois plus haut. A l’instar de Reims, Bastia, Sochaux, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulouse ou Brest, tous ont fini par reprendre leur place dans le trafic. Et les Girondins de Bordeaux, justement parce qu’il s’agit des Girondins de Bordeaux, ne devraient pas faire exception à la règle.

Depuis quarante ans en France, en moyenne, un club professionnel par an fait faillite. Selon la DNCG, entre 1979 et 2019, ils sont 45 à avoir ainsi été rétrogradés administrativement, 2 seulement ayant perdu leur statut professionnel en faisant partie de l’élite, Brest en 1991 et Bastia en 2019, tous les autres étaient déjà en difficulté sportive soit en Ligue 2, soit en National.

1992, déjà rétrogradé en D3, le Stade de Reims n’a pas d’autre choix que de vendre ses nombreux trophées à Alain Afflelou pour compenser une liquidation judiciaire qui l’oblige à repartir en DH. En 1996, à la lutte pour ne pas descendre en National, l’AS Saint-Etienne est proche du dépôt de bilan avant que la ville cède le club à Alain Bompart.

En 2001, doublement rétrogradé, sportivement en L2 et administrativement en National, le Toulouse FC passe entre les mains d’Olivier Sadran qui transforme la SAOS en SASP.

10 ans plus tard, en 2011, c’est au tour du RC Strasbourg de suivre la même trajectoire. Déjà descendu en National, la rétrogradation administrative en CFA pousse le club à déposer le bilan donc à perdre le statut pro avant d’être repris par des entrepreneurs locaux autour de l’ancien international alsacien, Marc Keller.

En 2023, sans l’intervention salvatrice de l’ancien président, Jean-Claude Plessis, déjà en National, le FC Sochaux n’aurait pas survécu à son improbable parenthèse chinoise. Si ces exemples de clubs emblématiques du football français ont chacun un contexte différent, ils témoignent tous d’une formidable résilience. Car depuis, tous sont revenus sinon au plus haut niveau en tout cas dans le monde professionnel.

Pour réintégrer la L1, il a fallu vingt ans à Reims (1992-2012), six ans à Strasbourg (2011-2017), trois ans aux Verts et deux ans aux Pitchouns toulousains (2001-2003). Pour passer du National 3 à la L2, Bastia a bataillé quatre ans (2017-2021) alors que Sochaux, encore en National, est toujours bien vivant. Quant à Brest qui brille cette saison en Ligue des Champions, le chemin a été encore plus tortueux depuis la fin de l’ère Yvinec et la liquidation de 1991 jusqu’à la remontée en L1 en 2010.

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« Le foot professionnel est une activité économique à part »

Dans un article paru dans la revue universitaire Risques en 2021, les deux économistes Luc Arrondel et Richard Duhautois cherchaient à comprendre pourquoi les clubs français de cette dimension finissaient toujours par rebondir au contraire d’entreprises lambda qui ne se remettent jamais d’un dépôt de bilan. Parce que pour eux, « les clubs de football sont parmi les affaires les plus durables et les plus anciennes qui soient, et finissent toujours par renaître de leurs cendres. Le foot professionnel est une activité économique à part. »

Et de se reposer sur la théorie du “too small to fail” (trop petit pour échouer) bien connue des économistes qui concerne la plupart des clubs français dont les budgets restent limités par rapport aux cadors du CAC 40 où les pertes sont irrémédiables quand elles se chiffrent en milliards. Les deux économistes font ainsi le parallèle :

« Le chiffre d’affaires des clubs des cinq grands championnats européens (environ 17 milliards d’euros en 2019) est six fois inférieur à celui d’une société comme AXA dans le monde. »

Autrement dit, les clubs de foot sont trop petits pour faire faillite, leur taille et la hauteur de leurs éventuelles dettes facilitent leur reprise par d’autres, à des conditions négociées, à un niveau plus bas donc moins coûteux, en attendant des jours meilleurs.

« Les grands clubs ne meurent jamais, se félicite Dominique Rocheteau sans son livre Foot sentimental. A l’instar de Saint-Etienne et de Bordeaux, ils finissent par rebondir, c’est sûr et certain. La question n’est pas de savoir s’ils y arriveront mais quand et comment ils y arriveront. La concurrence est dure aujourd’hui, c’est difficile, mais dans un monde où c’est la course effrénée à l’argent, on peut voir des réussites qui reposent sur d’autres valeurs, des clubs qui tirent leur épingle du jeu sans gros budgets comme le RC Lens. »

Jean-Claude Plessis : « A Sochaux, si on avait bataillé pour rester en L2, on était mort »

La rédemption n’est donc pas qu’une question financière, elle dépend aussi de la notoriété, du prestige et de l’image des clubs, du soutien populaire qui peut, comme à Sochaux, déboucher sur une mobilisation.

« Parce que derrière un club comme Sochaux, il y a une ville, une région, des emplois, et aussi et surtout des souvenirs sur plusieurs générations, nous dit Jean-Claude Plessis, l’ancien président revenu aux affaires pour éviter le dépôt de bilan. On a refusé l’argent de l’étranger pour miser sur des entrepreneurs locaux qui venaient au stade avec leur père voir des matches de coupe d’Europe et qui ont réussi depuis dans leur domaine. Avec le soutien des collectivités locales, c’est comme ça qu’on a récupéré une dizaine de millions d’euros, sans oublier la participation des supporteurs qui ont apporté 800 000 euros à travers Sociochaux. »

Le sauvetage du club franc-comtois, qui fait le plein aujourd’hui en National avec une moyenne de 12 000 spectateurs à Bonal, est un cas d’école que d’autres villes moyennes comme Tours, Le Mans ou Sedan n’ont pas su copier. “Dans la même situation que nous, mal conseillé par leur avocat, Sedan a fait l’erreur de se mettre la FFF à dos, précise Jean-Claude Plessis. A Sochaux, si on avait aussi bataillé pour rester en L2, on était mort !”

Les Lionceaux rugissent encore, moins fort que dans les années 80 lorsqu’ils parvenaient en demi-finale de la Coupe UEFA (C3), mais suffisamment pour entretenir la flamme.

« Quand une entreprise disparait, c’est que le produit qu’elle commercialise ou le service qu’elle propose n’est pas ou plus adapté, analyse Plessis. Le foot est toujours à la mode. Si vous faites venir le PSG à Sochaux, le stade sera toujours rempli. »

Bien au-delà des réalités socio-économiques locales, « c’est aussi une histoire d’amour entre une ville et un club. Il y a des villes de foot, d’autres qui ne le sont pas » et où, forcément, il sera toujours plus difficile de mobiliser les énergies et les moyens financiers.

Luc Dayan : “A Bastia, pour le premier match de N3, il y avait 8000 spectateurs à Furiani”

A travers sa société, WND Sport, Luc Dayan est intervenu dans la plupart des projets de sauvetage ou de restructuration du foot français au début des années 2000, à Cannes, Saint-Etienne, Strasbourg, Le Mans, Rennes, Valenciennes, Nice, Lens, Lille et Nantes, allant jusqu’à en assurer parfois la présidence. Son expertise permet de cibler les conditions nécessaires pour espérer relancer un club à la dérive.

« Il faut d’abord un tissu économique, démographique et politique qui le permette, comme c’est le cas dans les grandes métropoles comme Strasbourg et Lille, ou les villes moyennes à forte identité comme Bastia. Lorsqu’on est reparti en N3 avec le club corse, avec l’aide des collectivités locales, on a rapidement pu mobiliser du sponsoring et des recettes au guichet. Pour le premier match de championnat face à la réserve d’Ajaccio, il y avait 8000 spectateurs à Furiani ! Ça compte… Idem à Strasbourg lorsqu’on jouait face à Colmar. »

Et de poursuivre sur « un système français qui permet à une société anonyme qui dépose le bilan de repartir avec une structure qui conserve le numéro d’affiliation de la FFF quel que soit le niveau où vous évoluez. »

En s’appuyant sur des infrastructures déjà existantes ; stade, centre de formation, bureaux, etc ; et parfois des ossatures d’équipe qui demeurent, comme à Toulouse où plusieurs joueurs de L1 avaient accepté de relever le challenge en National (Revault, Lièvre, Prunier, Fauré…), dans un milieu amateur moins concurrentiel, il devient plus facile d’envisager une remontée rapide.

« Le défi est plus difficile dans des petites villes en crise économique comme Sedan qui ne bénéficie pas d’un bassin démographique important” conclue un Luc Dayan forcément plus optimiste pour l’avenir des Girondins de Bordeaux “où en théorie il y a tout pour relancer la machine, mais à condition que l’actionnaire laisse sa place… »

Ce qui pourrait prendre plus de temps que prévu sans toutefois remettre en cause la renaissance programmée d’un des plus gros palmarès du football français.

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