Fondé en 1948, le club d’Aubervilliers attaque sa trentième saison chez les pros. Cette régularité est une vraie performance en soi qui ouvre forcément de nouvelles perspectives pour tenter d’accéder en ProTeam dans le sillage d’une accession envisagée en World Tour avec les féminines. L’arrivée d’un nouveau sponsor et l’augmentation du budget accréditent cette thèse.
Et d’abord honneur aux femmes. Parce que la montée en puissance du cyclisme féminin ne pouvait pas s’extraire d’un contexte si favorable, le passage chez les pros des demoiselles d’Aubervilliers la saison passée révèle peut-être encore davantage que la permanence des résultats des hommes au plus haut niveau la capacité du club du 93 à rebondir, à assumer ses ambitions, à s’inscrire dans un ADN profondément ancré dans le professionnalisme.
Champion de France sur route en 2000 avec Christophe Capelle, après avoir gagné une étape du Tour en 1996 au lac de Madine avec Cyril Saugrain, un enfant du club, ceux qu’on appelait alors affectueusement « Les P’tits Gars d’Auber » sont toujours là.
Avant eux (1994), jamais un club amateur n’avait réussi à accéder au monde professionnel. Après cinq participations au Tour (1996, 1997, 1998, 1999 et 2001), une Vuelta (2002), les passages de Pascal Lino, Thierry Bourguignon, Stéphane Heulot, Alexei Sivakov, Félix Garcia Cassas (dans le Top 10 de la Vuelta) ou Jérémy Hunt, champion de Grande-Bretagne, le départ de BigMat en 2004 a plongé le club de Tony Gallopin dans une nouvelle ère, axée sur la formation, sans perdre de vue la gagne, la preuve avec un second titre de champion de France en 2015 grâce à Steven Tronet devant un… Tony Gallopin version Lotto Soudal.
Big Mat n’est plus là
En amenant les filles dans leur sillage dès 2012, les Oranges n’imaginaient certainement pas retrouver en 2022 grâce à elles la route du Tour, 21 ans après la dernière participation des hommes. A la tête de la structure pro du club depuis sa création en 1994, Stéphane Javalet est le fil rouge d’un club qu’il incarne. Un club où il a tout connu, les hauts et les bas, et qu’il continue, à 61 ans, de défendre contre vents et marées.
Si la perte de son principal sponsor titre, BigMat, à deux reprises, n’a pas eu de graves conséquences, c’est aussi grâce à son réseau, sa capacité à fédérer toutes les énergies. L’arrivée cet hiver de Mavic comme co-sponsor, aux côtés de Saint Michel, pour les deux équipes pros, permet d’augmenter le budget des hommes (Conti, 3ème division), de doubler celui des femmes (2ème division).
« C’est un tournant de notre histoire commune et de notre projet mixte, se félicite le manager général. En 2022, l’arrivée d’une équipe pro femmes correspondait à un premier palier. En 2023, en devenant St Michel-Mavic-Auber93, nous en franchissons un second avec l’objectif de monter en World Tour avec les filles. Surtout, nous nous donnons les moyens de continuer à grandir car une synergie doit s’installer avec les hommes grâce à la mutualisation et l’exemplarité qu’elle génère. »
« Un tournant de notre histoire commune »
Désormais articulés autour de deux axes, « Les P’tits Gars d’Auber » laissent volontiers la lumières aux frangines, dont l’accession en World Tour féminin, dans le sillage de Coralie Demay (3ème coureuse française du Tour) est une perspective beaucoup plus accessible et envisageable à court terme que celle des coéquipiers de Delbove et Cardis en ProTeam.
Même compensés par les arrivées de deux anciens pensionnaires de World Tour (Rudy Barbier d’Israel-Premier Tech et Théo Delacroix d’Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux), les retraites des « historiques » Rossetto et Hurel et les départs de Paillot et surtout de Tesson (4 victoires) chez TotalEnergies ouvrent un nouveau cycle et une période forcément plus incertaine. Pas suffisamment pour déstabiliser Stéphane Javalet qui en a vu d’autres :
« Nous avons une belle équipe et la possibilité de nous adapter à terme, nous aussi, à l’évolution d’une Proteam et de son modèle économique. » Directeur sportif, Stéphane Gaudry, s’inscrit dans la même logique :
« Pour notre trentième saison professionnelle, nous avons toujours le projet d’accéder à la Proteam, mais il nous faudrait un budget deux ou trois fois supérieur, donc des partenaires supplémentaires. Ce n’est donc pas encore d’actualité. En attendant, on s’améliore petit à petit, les budgets augmentent tous les ans un peu plus (autour de 2,7 M€ cette année, Ndlr). Avec les garçons en Conti et les filles en 2ème division, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur deux locomotives qui doivent permettre à l’ensemble du club de progresser en restant fidèle à ses valeurs et sa volonté de former le plus de coureurs et coureuses possibles, d’en accueillir aussi pour nous permettre de gagner davantage de courses. »
Pour le reste, « si on trouve de nouveaux partenaires ou si ceux qui sont déjà là nous aident encore davantage, on ne se refusera rien » conclue Stéphane Javalet.
Tom Boissy