Alors que la trentaine pointe au bout du tunnel, à l’issue d’une saison où il a accumulé les places d’honneur, le champion belge n’a toujours pas un palmarès à la hauteur de son talent.
Le 26 mars, son refus d’essayer d’ajouter un second Gand Wevelgem à son palmarès, pour laisser la victoire à son nouveau coéquipier, Christophe Laporte, avait fait débat. Parmi les nombreux commentaires, ceux d’Eddy Merckx, Johan Museeuw et Tom Boonen.
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Le premier « n’aurait pas fait ça. Il était largement plus fort et aurait pu écrire l’histoire en remportant la même année Harelbeke (Grand Prix E3), Wevelgem et le Tour des Flandres. »
Le successeur de Merckx tarde à faire ses preuves
Au final, il ne remportera que le premier, à l’inverse de son compatriote, Tom Boonen, trois fois vainqueur du Monument qui estimait aussi « qu’il allait le regretter. C’est sans doute très bien pour le marketing de son équipe, mais on ne brade pas une victoire dans une telle classique. »
Même son de cloche chez Museeuw : « Dans 15 ans, Wout s’en voudra peut-être en y repensant. Il ne réalise peutêtre pas ce qu’il a laissé échapper. Je n’aurais pas pu le faire. » Et le triple vainqueur de la Ronde et de Paris-Roubaix d’ajouter :
« Je n’imagine pas Pogacar faire ça. » Tout est dit ou presque, par ces trois légendes du cyclisme sur la manière avec laquelle le Belge de 29 ans traverse sa carrière, celle d’un glouton qui se jette sur toutes les opportunités de gagner et qui, en même temps, fait preuve d’une gestion plus que contestable de ses courses. On ne compte plus celles qu’il a laissé filer par orgueil peut-être, en surestimant ses forces ou en appliquant une stratégie suicidaire.
Au final, son profil de coureur complet, qui impressionne les observateurs par ses capacités physiques sur tous les terrains, qui bataille de janvier à novembre sur route ou en cyclo-cross, n’a pas le palmarès que son talent et sa débauche d’énergie mériteraient.
« J’ai le sentiment de passer… Juste à côté »
Nonobstant ses 9 étapes du Tour, depuis les Strade Bianche et Milan-San Remo en 2020, Gand Wevelgem et l’Amstel Gold Race en 2021, il n’a que 2 Grand Prix E3 (2022 et 2023), une Bretagne Classic (2022) à son actif. Léger, trop léger pour celui qui est souvent considéré comme l’un des coureurs les plus doués du peloton.
Mais un coureur qui souffre de la comparaison avec son meilleur ennemi, Van der Poel, et qui est régulièrement devancé par Pogacar, même dans les Monuments qui demeurent pourtant ses priorités. 3ème de Milan-San Remo, 4ème du Tour des Flandres, 3ème de Paris-Roubaix, 2ème des championnats du monde et des championnats d’Europe et donc 2ème de Gand Wevelgem… toutes ces places satisferaient la grande majorité de peloton, elles ne correspondent pas à son standing.
Et même lorsqu’il a la possibilité de se refaire, en se présentant par exemple au départ du Tour de Lombardie, il préfère s’aligner sur les championnats du monde de gravel et y terminer seulement 8ème.
« Il y a quelque chose que je ne peux pas nier, disait-il après les championnats d’Europe, d’un côté je suis satisfait d’être toujours en position de jouer la victoire, de l’autre, surtout cette année, j’ai le sentiment de passer… juste à côté ! »
Van Aert voit Vingegaard gagner un deuxième Tour de France
Au moment où il pouvait espérer franchir un cap, capitaliser sur son énorme expérience, c’est l’inverse qui se passe. Il coince et paye certainement tous les efforts accomplis pour briser, en vain, la suprématie de Van der Poel dans les labourés (comme ils disent en Belgique) l’hiver dernier et pour aider Vingegaard à gagner un second Tour de France cet été.
A ce stade de sa carrière, son incroyable polyvalence lui joue des tours car elle l’amène à être présent sur tous les terrains toute l’année, quand ses principaux adversaires affinent davantage leurs priorités, se dispersent moins. Avant de partie profiter de (courtes) vacances, le champion belge ne dramatisait pas.
« J’ai peut-être besoin de faire un reset. Et ensuite, je pourrai être dans une autre dynamique. » Pour entrer définitivement dans la légende, mine de rien, le temps presse… même pour le plus complet de tous les cyclistes du World Tour.
Tom Boissy