lundi 17 mars 2025

Yann Roubert : « Je voudrais qu’il y ait un juste équilibre entre continuité et renouvellement »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Goupre Entreprendre

Plus jeune président du Top 14, le président du LOU Rugby pourrait devenir, le 13 mars, à 47 ans, le plus jeune président de la Ligue Nationale de Rugby. L’adversaire du président sortant, René Bouscatel, nous explique son projet.

Comment sentez-vous ces élections à la présidence de la LNR ? 

On a eu le grand oral auprès des présidents qui a permis à chacun de présenter sa vision des choses pour les quatre ans à venir. Maintenant, c’est aux présidents de décider quelle image, quelle vision, quelle incarnation, quelle méthode ils veulent, quelle personnalité aussi pour les quatre ans qui viennent.

Est-ce deux visions du rugby de demain qui s’opposent ?

Plutôt deux méthodes, deux types de personnalités, deux types d’expérience, deux générations. Mais on est aussi d’accord sur beaucoup de choses avec René. On va travailler ensemble pour les quatre ans qui viennent et j’ose espérer qu’il y a beaucoup de points communs pour l’ensemble des clubs. Justement, la première mission du président de la Ligue est d’essayer d’animer cette communauté. 

Qu’est-ce qui vous différencie alors de René Bouscatel ?

On a chacun nos méthodes, notre énergie, notre provenance, nos expériences, notre génération. Aux présidents de faire leur choix pour l’incarnation qu’ils veulent pour les quatre ans qui viennent. 

René Bouscatel a été président du Stade Toulousain. Cela complique-t-il votre tâche quand on connaît le poids de ce club ? 

Ma candidature n’est nullement contre René ou contre le Stade Toulousain, mais pour le rugby. René a été président du Stade Toulousain pendant 25 ans (de 1992 à 2017, Ndlr). Moi je suis celui du LOU Rugby depuis 12 ans (depuis décembre 2012, Ndlr). Chacun a son expérience. Je crois être encore en contact quotidien et au courant des soucis du quotidien d’un président de club. Je le serai au moins jusqu’au 13 mars. Je suis donc évidemment parfaitement conscient de ce que vivent les clubs. Ça me paraît important que le président de la Ligue ait eu l’expérience justement en club pour pouvoir les comprendre et les accompagner au mieux. 

« J’ai passé 12 ans à la tête du LOU, j’ai une légitimité »

Mais ne pas être du sérail n’est-ce pas un handicap ?

J’ose espérer avoir une légitimité par le fait d’avoir passé 12 ans à la présidence du LOU. Oui, je n’ai pas joué à haut niveau. Mais la diversité des profils et des expériences est une richesse pour le rugby. Et j’espère avoir montré au LOU Rugby en le rendant dans une meilleure situation qu’il n’était il y a 12 ans mes capacités. Cette expérience pourra bénéficier à la Ligue Nationale de Rugby. J’ai une expérience qui permet à la fois de lier l’ambition sportive et la performance économique. Avant le rugby, j’ai fait d’autres sports, de l’alpinisme et de la voile en particulier. J’ai aussi connu des expériences dans de grands groupes et à l’international. 

Qu’avez-vous dit aux présidents pour qu’ils votent pour vous ? 

Tout simplement de se mettre d’accord sur les enjeux qui vont nous animer. Le président de la Ligue anime les débats et gère les relations avec les clubs, mais les décisions se prennent au sein des instances de la Ligue, que ce soit le comité directeur qui lui est décisionnaire ou l’Assemblée générale. Il faut évidemment tenir compte de la majorité. J’ai présenté l’ensemble des enjeux que ce soit bien sûr pour le rugby professionnel, mais aussi des relations avec la Fédération Française de Rugby avec qui on va devoir partir sur une nouvelle convention, de l’international, des valeurs, de consolider nos pépites que sont le Top 14, la Pro D 2, le Super Seven et puis surtout, les 30 clubs.

Faut-il attendre davantage de droits télés alors que le rugby est le sport qui monte ?

On a une vision qui est claire jusqu’à 2032, donc ça permet de donner une visibilité à la Ligue et à l’ensemble des clubs. On a un partenariat qui fonctionne avec Canal +. Ça fait partie des richesses qu’il faut consolider, à savoir nos compétitions, notre relation avec Canal +. J’ai participé au comité de pilotage des quatre derniers appels d’offres que ce soit sur le droit français ou internationaux. Evidemment qu’il faudra continuer là-dessus. Pour l’instant, ce n’est pas un sujet immédiat parce qu’on y voit clair jusqu’à 2032 et ça, c’est évidemment un gage de stabilité et de sérénité pour la Ligue et pour l’ensemble de ses clubs. 

« Il ne faut pas que l’on se croit à l’abri des maux de la société »

Le prix payé par Canal+ (696,8 M€ sur 5 ans, Ndlr) est-il le juste prix ?

On peut toujours faire mieux, mais il faut se réjouir de l’excellente relation qu’il y a avec Canal+ qui, au-delà des droits, est un véritable accompagnateur du rugby. Son exposition, son traitement, la qualité des retransmissions, tout ça fait grandir le rugby. Avec Canal, comme avec les clubs amateurs du plus petit niveau jusqu’à l’équipe de France, on a un combat commun pour le rugby, la pratique et ses valeurs. Et c’est tant mieux d’avoir des partenaires qui nous aident là-dessus. L’enjeu, c’est de continuer cette croissance, cette popularité du rugby. On l’a vu grâce à la Coupe du monde, même s’il a manqué le bouquet final avec la victoire de la France qu’on espérait tous. 

Quand on voit ce qui se passe dans le foot avec notamment les droits télés ou les arbitres, vous dites-vous que le rugby n’a pas à se plaindre ?

Chacun ses caractéristiques. Mais c’est vrai que chez nous on met souvent en avant les valeurs comme le respect, y compris celui de l’arbitre. Il faut évidemment rester fidèle à ces valeurs. Ce sont des vertus essentielles du rugby. Il ne faut pas qu’on se croit à l’abri des maux de la société parce qu’on a vu qu’on pouvait avoir, nous aussi des soucis, des turpitudes et des problèmes. Il faut être intransigeant sur toute atteinte à ces valeurs, sur toute tricherie potentielle, sur tout manquement qu’il puisse avoir. 

« Je suis pour une baisse modérée et progressive du salary cap »

Quelle est votre position sur le salary cap ?

J’ai une conviction qui est connue, une position qui est constante depuis un moment. Je suis pour une baisse modérée et progressive. C’est le garde-fou essentiel pour la durabilité du rugby français. Dans l’ensemble des clubs, ils restent toujours des déficits. Merci à ceux qui les couvrent et prenons soin de ces garde-fous pour que les situations économiques soient durables. C’est aussi un des garde-fous essentiels pour l’équité de notre championnat. Il faut bien sûr le préserver. Je m’étais prononcé en tant que président du LOU pour une baisse modérée, progressive, j’y reste toujours favorable. Mais, sur ce sujet, comme sur les autres, la décision revient à la majorité des présidents. On en parlera sans tabou et sereinement. On sait qu’on restera dans la situation actuelle jusqu’en 2027. D’ici là, il faut qu’on ait un débat serein qui nous permette d’avoir une position qui soit claire, décidée par la majorité et du coup appliquée par tous. 

Une baisse jusqu’à quel niveau ?

A l’heure actuelle, les clubs peuvent dépenser 10,7 millions. On peut envisager une baisse jusqu’à 10,6 millions, puis 10,4 millions, puis 10,2 millions, puis 10 millions. Je trouve que 10 millions est un bon palier, dans la mesure où le championnat de France n’a pas de concurrence, est le mieux disant sur ces sujets et reste le championnat qui attire le plus de monde dans les stades, le plus de stars sur le terrain, le plus de téléspectateurs, le plus de droits télés. Il faut évidemment préserver cette position pour que l’ensemble des joueurs du 15 de France continuent à jouer en France. Mais si on peut avoir un modèle plus durable et du coup dépenser un petit peu moins tout en gardant des salaires attirants pour les joueurs, il ne faut pas se priver !

« Etre rémunéré en tant que président de la LNR n’est pas une condition à mon élection »

Il faut aussi mieux vendre à l’international le Top 14, non ?

Sans doute qu’il faut qu’on arrive à augmenter notre présence à l’international. On est évidemment écoutés et respectés, mais potentiellement un peu jalousés voire attaqués. Il faut non seulement défendre, mais promouvoir aussi notre modèle français. Quand on a une situation de leader, on a un devoir de partager, de tirer vers le haut. C’est ce qu’on doit s’atteler à faire en allant échanger avec nos homologues étrangers. Le rugby a des enjeux d’universalité, il faut qu’à notre juste place on essaie d’y contribuer. 

Aujourd’hui, le président de la LNR est bénévole. Vous souhaitez qu’il soit rémunéré, ce qui ne plaît pas à tout le monde…

J’ai exprimé une conviction. Encore une fois, sur ce sujet comme sur les autres, je m’en remettrai à la majorité des clubs. Simplement, ce que j’ai exprimé, c’est que n’ayant pas droit à la retraite, n’ayant pas de  fortune personnelle me permettant de faire quatre ans à plein temps bénévole, si les présidents choisissent que le président soit bénévole, j’aurai une activité en parallèle, tout simplement pour subvenir aux besoins de ma famille. 

Le président de la Ligue de Football est rémunéré, donc pour vous ce serait logique qu’il en soit de même pour celui de la Ligue de Rugby.

Ça existe ailleurs en France dans d’autres ligues comme le foot. Ça existe dans le rugby dans d’autres pays. Mais, comme je l’ai dit, je m’en remettrai à la décision de la majorité des présidents. Si c’est une activité bénévole, j’aurai une activité complémentaire en parallèle. J’ai quelques pistes, mais j’attends de savoir ce qu’il en est. 

On a parlé d’une enveloppe de 250 000 euros annuels pour vous rémunérer si vous étiez élu président de la Ligue…

Je n’ai jamais évoqué de montant. Encore une fois, c’est le principe d’abord qui doit être décidé et, le cas échéant, s’il devait y avoir une rémunération, il y aurait un comité de rémunération qui devrait statuer là-dessus. Il faut que les présidents se prononcent. Pour moi, ce n’est pas une condition d’être rémunéré pour cette fonction. Je m’en remettrai à leur décision. 

Si vous êtes élu, vous allez devoir quitter le LOU. Un crève-cœur, non ?

Choisir, c’est renoncer. C’est une évidence qu’il y a un attachement très fort issu de ces 12 années partagées. On a vécu des émotions assez extraordinaires, que ce soit avec les titres en  Pro D2 puis en Challenge Cup. Avoir connu l’ivresse du haut du classement, les premières places, de passer de 2500 personnes à 18 800 de moyenne, avec des pics à 59 000 en demi-finale de Top 14 à Lyon en 2018 ou de voir le Matmut Stadium de Gerland plein avec 33 500 personnes en fin de saison dernière contre Toulon, avec un peu plus de 10 000 qui restent faire la fête derrière, ça crée des souvenirs qui sont inoubliables. Ça a été un cheminement et une décision difficile à prendre. Si l’homme restera attaché au LOU, le président devra évidemment être impartial. 

Rester président du LOU et de la LNR, n’était-ce pas envisageable ?

Le président ne doit pas avoir de lien avec les clubs, il serait soupçonné de favoritisme. Il ne doit évidemment y avoir aucune connivence et une intransigeance totale.

« Ce n’est pas l’âge qui compte »

Etait-ce vraiment votre volonté de vous lancer dans cette campagne ou ne vous a-t-on pas plutôt incité à le faire ? 

Evidemment que les sollicitations de certains présidents ont été un déclencheur. Après, le fait que j’ai fait 12 ans au LOU Rugby, d’en parler avec ma femme et mes enfants, ce cheminement a pris quelques mois. Ce n’est pas une décision qui se prend à la légère. Il a fallu quelques mois entre le moment où j’ai eu les premières sollicitations début décembre et l’annonce de ma candidature fin janvier-début février. Maintenant, c’est officiel et je suis déterminé à apporter ma pierre à l’édifice pour les quatre ans qui viennent. 

Avoir été le plus jeune président du Top 14 et le plus jeune président de la Ligue, ce serait une fierté ?

Quand je suis arrivé à la  présidence du LOU, je disais que ce n’est pas l’âge qui compte. C’est vrai aussi pour la présidence de la LNR. C’est l’énergie qu’on y met, la méthode, les compétences qu’on apporte  qui comptent beaucoup plus que l’âge. 

Si vous ne deviez retenir qu’une idée forte qui vous tient à cœur pour les quatre prochaines années, quelle serait-elle ? 

Je voudrais qu’il y ait un juste équilibre entre continuité et renouvellement. La modernité, ce n’est pas la rupture. La modernité de la Ligue que je veux incarner, c’est d’avancer avec beaucoup de respect et de gratitude pour ce qui a été fait et avec beaucoup d’ambition pour ce qui reste à faire.

La situation financière de la Fédération Française vous inquiète-t-elle ? 

Ce n’est pas une bonne nouvelle que la Fédération Française de Rugby soit dans le dur financièrement. C’est vrai aussi pour les fédérations qui ont des difficultés à l’international. La Ligue ne peut pas résoudre tous les maux, les clubs français ont globalement un déficit aussi. Ça veut dire qu’il faut travailler main dans la main parce qu’on a un combat commun avec la Fédération et avec le reste des acteurs du rugby, pour le rugby, sa pratique et ses valeurs. 

Si vous n’êtes pas élu, retournerez-vous à la présidence du LOU alors que l’idée de passer la main a été évoquée ?

Je ne me projette pas ailleurs qu’à la Ligue pour l’instant. Si, à court terme, je n’étais pas élu, je reviendrai au LOU Rugby, mais le destin que j’envisage pour les quatre ans à venir est bien à la Ligue Nationale de Rugby ! 

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