vendredi 29 mars 2024

Yoann Offredo : « Bardet et Pinot ont servi de tremplin pour la génération suivante, celle de Champoussin »

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

L’ancien coureur de la FDJ, Yoann Offredo est passé sans transition du peloton à France Télévisions où il a endossé avec beaucoup de facilité son rôle de consultant pour le Tour de France. Depuis ce nouveau poste d’observation, son regard distancié lui permet d’esquisser les contours du cyclisme du futur. ENtretien pour Le Quotidien du Sport et Cyclisme magazine.

Au regard de ses dernières évolutions, de l’émergence d’une nouvelle génération de coureurs, êtes-vous plutôt pessimiste ou plutôt optimiste quant à l’avenir du cyclisme ?

Si, à titre personnel, j’ai toujours été plutôt pessimiste, prendre du recul et regarder en simple observateur ce sport qui demeure plus que jamais ma passion me rend un peu plus optimiste. Je n’oublie pas que le vélo m’a beaucoup apporté notamment des valeurs fortes qui lui ont permis de traverser des moments très difficiles, de vraies tempêtes qui l’auraient emporté s’il n’était pas un sport fantastique.

Depuis que je commente le Tour, j’ai parfois été critiqué, certains me reprochant de ne plus avoir ma liberté de parole, de ne pas dénoncer telle ou telle performance comme je pouvais le faire lorsque j’étais encore coureur. Or, désormais, je vois aussi le regard que portent les gens au bord des routes, cet engouement qui reste le moteur du cyclisme, son énorme popularité.

Je vois avec plaisir l’émergence d’une génération de jeunes coureurs complètement décomplexée, débridée, et qui ne se pose pas la question du dopage tout simplement car elle n’a pas vécu le traumatisme que furent la fin des années 90. Le vélo est en train de changer en profondeur et j’espère que les instances vont maintenir la pression des contrôles.

Pour en avoir parlé avec des dirigeants de l’UCI, il est aussi important qu’ils interviennent dès la formation, pour la prise en charge des coureurs le plus tôt possible. C’est la seule solution pour ne pas voir arriver d’on ne sait où des profils qui n’auraient pas été suffisamment sensibilisés.

Yoann Offredo a un oeil particulier sur les équipes françaises

Le cyclisme de haut niveau est de moins en moins un sport à maturation lente. Peut-il aussi offrir des carrières aussi longues qu’avant ?

Quand j’ai commencé à la FDJ (en 2008, Ndlr), nous partions en stage en décembre près du siège de la société, puis en janvier à La Baule, dans des conditions qui n’avaient rien à voir avec la réalité d’aujourd’hui. Nous avions peu de capteurs de puissance, aucune géolocalisation, nous ne pesions pas nos aliments…

Nous avions une approche à l’ancienne nettement moins exigeante. La nouvelle génération vit le métier d’une manière beaucoup plus professionnelle, encadrée. Même lorsqu’ils sont encore amateurs, ils ont des objectifs de performances élevés, une pression que nous n’avions pas.

Leur niveau d’investissement est tel que le risque de se lasser est plus important. Selon moi, les carrières de 20 ans comme Philippe Gilbert vont se faire rares. En même temps, pour en avoir parlé avec lui, je sais que Laurent Jalabert, qui est d’une autre génération que moi, pense le contraire. Pour lui, l’extrême professionnalisme des équipes doit permettre aux coureurs de durer davantage à un très haut niveau grâce à des conditions de travail au top, avec des bus équipés, une technologie qui intervient dans la récupération, la préparation, pour des programmes d’entraînement plus ciblés et précis. Nous ne sommes pas d’accord (rires)…

« Bardet, Pinot, le Tour n’est pas pour cette génération »

Trouvez-vous le spectacle des courses plus haletant aujourd’hui qu’hier ?

Oui, clairement. C’est plus intéressant. Certes, on peut considérer en regardant ça de l’extérieur qu’il est toujours pénible d’avoir un coureur largement dominateur comme peut l’être Pogacar sur le Tour depuis deux ans. Sauf que ça a toujours été plus ou moins le cas. Sauf que cette fois on sent que les cartes peuvent être redistribuées beaucoup plus vite et dans de plus grandes proportions.

A l’image des dernières Classiques qui ont juste été magnifiques avec des équipiers qui effectuaient un boulot de folie pour un ou deux leaders. Quand je repense aux championnats du monde… ouahh ! C’était génial et pas seulement parce que je suis pote avec Julian. La ferveur du public belge était incroyable. J’ai vibré comme rarement devant le spectacle qu’ils proposaient tous.

Quels sont les coureurs qui vous ont le plus enthousiasmé en 2021 ?

Depuis mon poste d’observation, j’ai vraiment aimé voir Alaphilippe, Van der Poel, Van Aert et compagnie courir sans se poser de questions. Leur approche du cyclisme est rafraichissante.

Sur le Tour, voir Van Aert gagner au Ventoux, un contre-la-montre et l’étape des Champs-Elysées, c’est extraordinaire. Avec eux, rien n’est écrit à l’avance ! Même lorsqu’il était en jaune en 2019, Julian (Alaphilippe) me demandait ce qu’on ferait en arrivant sur Paris ! Ils ne se prennent pas la tête et refusent d’être attentistes.

Auriez-vous aimé être dans ce peloton-là ?

Non, mais pour d’autres raisons. J’ai toujours été un peu à la marge avec un problème, celui d’envisager le vélo comme un espace de liberté. Si j’ai arrêté, c’est qu’à la fin, je ne m’y retrouvais plus. Rouler avec des capteurs de puissance et aborder les courses avec un rôle très précis, quitte à abandonner une fois le boulot effectué, cette approche très Formule 1 avec un gros feed-back, ça ne me correspondait pas.

Yoann Offredo attend le prochain vainqueur du Tour de France

Comme observateur, commentateur, pour vibrer encore davantage, attendez-vous, vous aussi, la possibilité de vous enthousiasmer pour un vainqueur du Tour… français ?

On est toujours en quête d’un successeur… de Noah ou d’Hinault ! Le fait est que les Français sont en train de se mettre au diapason des meilleures équipes étrangères, en s’adaptant aux exigences du cyclisme moderne. Les équipes françaises se structurent, avec des centres de formation, des Conti, des jeunes qui ont accès à des cellules de recherche et de développement.

A l’avenir, on devrait voir de plus en plus de coureurs français à leur avantage. C’est déjà le cas… mais de là à gagner le Tour. Quoi qu’il en soit, on doit être derrière eux comme on l’a tous été derrière Guillaume Martin en 2021.

Croyez-vous que Pogacar peut faire la passe de trois sur le Tour ?

Il a gagné très vite ses deux premiers Tours, très jeune, mais la concurrence ne fait qu’augmenter avec des talents qui arrivent de partout. Cette année, on n’est pas à l’abri de voir la hiérarchie évoluer.

Au profit d’un Français ?

Je ne crois pas que ce soit pour cette génération-là. Par leurs prises de position, leur engagement, leurs résultats, les Bardet, Pinot, ont servi de tremplin pour donner l’impulsion à la génération suivante, celle de Champoussin.

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