Le défenseur international, co-recordman de victoires en Coupe de France (5), avait 29 ans et déjà trois demi-finales européennes à son actif avec le PSG avant d’aborder cette finale de 1996. L’ambiance n’était pas au beau fixe au sein d’un groupe, meurtri par ses mauvaises relations avec Fernandez, mais qui avait su se sublimer pour ne pas tout gâcher.
Que représente cette victoire face à Vienne pour vous ?
Une victoire en coupe d’Europe tout simplement (rires) ! Certes, ce n’était pas la coupe aux grandes oreilles, mais on était tellement en quête, le PSG comme tous les clubs français, d’un succès européen, d’une victoire en finale, enfin, qu’on ne peut pas ne pas s’en satisfaire.
On venait quand même de vivre trois demi-finales d’affilée, on allait en avoir cinq, ce qu’aucun club européen n’avait jamais fait. Il était temps qu’on accroche une finale et, au-delà un titre, une ligne de plus à notre palmarès. Gagner la Coupe du monde reste le Graal de tout footballeur, mais gagner une coupe d’Europe, quelle qu’elle soit, reste un grand souvenir. Il faut parfois savoir se contenter de ce qu’on a…
Parce qu’il ne s’agissait que du Rapid Vienne, et pas d’un grand club européen, certains ont émis des réserves sur ce succès…
C’est oublier que pour atteindre la finale nous avions gagné ce qui se faisait de mieux en Europe à ce moment là. Les affiches, on les avait eues avant. A Parme, que nous sortons en quarts, tous les meilleurs y jouaient ; Inzaghi, Buffon, Baggio, Zola, Stoichkov, Nesta, Cannavaro, plus tard Thuram, Daniel (Bravo), Crespo, Chiesa, etc.
Et La Corogne alignait Bebeto, Mauro Silva, Martin Vasquez… pour être dans le top 3 de la Liga régulièrement et même la gagner quelques années après (2000). Les gens peuvent dire ce qu’ils veulent, le résultat est là. Et jusqu’à présent, personne n’a réussi à en gagner une autre…
Quel avait été le match le plus difficile jusqu’à la finale ?
J’ai le souvenir de deux confrontations très tendues et serrées face à La Corogne. A l’aller, Youri (Djorkaeff) nous libère à la dernière minute, au retour c’est Loko qui marque pour nous envoyer en finale.
Vous étiez largement favori face au Rapid, n’était-ce pas un piège ?
Le Rapid n’était pas là par hasard. Pour gagner 1-0, on a beaucoup souffert, beaucoup subi sur la fin, et on peut remercier Bernard Lama d’avoir été héroïque. Mais, c’est vrai, ce n’était pas le Barça ou le Real, tout le monde attendait une victoire. Il fallait assumer et nous l’avons fait. C’est le principal, non ?
Dans la saison compliquée que vous viviez, quelle place avait tenu cette épopée européenne ?
En janvier, nous étions encore impliqués dans quatre compétitions avant que tout s’écroule. On s’est fait sortir en Coupe de la Ligue (à Guingamp en 16èmes de finale, Ndlr), en Coupe de France (à Auxerre 1-3, 8ème de finale, Ndlr) et alors que nous avions dix points d’avance sur Auxerre en championnat, on a dilapidé notre avance en février. Sur fond de relations complexes avec le coach, on s’est délité.
Donc on a abordé cette finale dans une ambiance assez lourde, et la peur de tout perdre, évidemment. Sur une finale, tout est possible. Nous savions que nous n’avion aucun droit à l’erreur.
« Les relations avec Luis (Fernandez) étaient tendues, la présence de Noah nous a permis de gagner en cohésion »
Vous êtes parti en stage une semaine avant de vous rendre à Bruxelles, racontez-nous comme ça s’est passé…
Le but était de se ressourcer, de couper avec le quotidien, de nous sortir de la pression toujours importante qu’il règne à Paris, entre la presse, les supporteurs, l’entourage familial ou amical. Les relations avec Luis (Fernandez) étaient tendues, la présence de Yannick Noah nous a permis de gagner en cohésion, d’améliorer la connexion avec le staff.
Son pouvoir fédérateur a été important. On avait tous suivi ses exploits de joueur à Roland-Garros, d’entraîneur en Coupe Davis, il nous a transmis sa gagne. Son discours très positif nous a fait du bien.
Quelle était la position de Fernandez à ce moment là ?
C’était compliqué… mais il a su prendre sur lui pour accepter l’intrusion d’un intervenant extérieur au groupe. Nous traversions une période difficile avec de mauvais résultats, ce qui a engendré forcément des tensions en interne, mais il n’était pas le seul responsable.
Et si nous avons gagné cette coupe d’Europe, c’est aussi grâce à lui. Noah a juste su nous mettre dans les meilleures dispositions d’esprit, ce qui nous a tous permis, coachs et joueurs, d’aborder ce match en toute sérénité.
Alain Roche fête la Coupe d’Europe à l’Elysée
La légende dit que vous avez fait pas mal la fête à Hendaye pendant le stage de préparation !
La légende se trompe (rires). Nous étions allés faire un tour du côté de Fontarrabie, côté pays basque espagnol, pour manger des tapas, mais sans excès et en se couchant assez tôt. Nous étions quand même à quelques jours du match le plus important de l’histoire du club. On est restés sérieux. Par contre, après la finale, on a tous bien fêté ça.
On avait retrouvé les 15 000 spectateurs qui avaient fait le déplacement et qu’on n’avait pas pu voir avant, je me souviens d’un grand moment de communion. Le lendemain, avec des cheveux décolorés, on s’était retrouvés à l’Elysée face au Président de la République, avant de descendre les Champs-Elysées. Ce sont des moments inoubliables.
Sportivement, n’était-ce pas la fin d’un cycle ?
Cela faisait longtemps qu’on était au top en Europe, et pas mal de joueurs étaient partis, Djorkaeff et Bravo allaient s’en aller aussi, mais l’année suivante on a remis ça en allant jusqu’en finale de la même Coupe des Coupes (défaite face au Barça 0-1, Ndlr) après avoir sorti Liverpool. Cette victoire de 1996 était plus un aboutissement après tant d’années à courir après. On y était enfin arrivé !