Dans à peine un peu plus de trois semaines, le Tour de France 2022 partira de Copenhague. Un rendez-vous attendu par des centaines de milliers de passionné. Beaucoup ont souligné d’un trait rouge la date du 14 juillet : ce sera la mythique étape de l’Alpe d’Huez.
Elle n’est pas la plus difficile, mais parce que les plus grands y ont triomphé, que chaque pays y a eu son cycle, les Pays-Bas d’abord, les Italiens ensuite, les Français plus récemment, qu’elle a souvent été décisive dans la victoire finale, l’Alpe d’Huez reste un sommet à part dans la mythologie d’un Tour qui lui doit beaucoup.
21 virages numérotés, du 21 jusqu’au 1, soit 13 km pour un dénivelé de 1054 mètres et un pourcentage proche des 8% avec des tronçons à plus de 10% dans les premiers kilomètres… Lorsque Roglic, Pogacar, Pinot ou Gaudu attaqueront le final de cette 12ème étape, réplique exacte du Briançon-Alpe d’Huez de 1986, ils auront forcément en tête l’image de LeMond et Hinault franchissant la ligne d’arrivée main dans la main, l’Américain offrant la victoire à un Français qui l’aidera ensuite à amener le maillot jaune jusqu’à Paris.
Après 1952, lorsque Coppi triompha en haut de l’Alpe d’Huez pour ce qui était la première arrivée en altitude de l’histoire du Tour, il aura fallu un quart de siècle à l’étape iséroise pour revenir dans la Grande Boucle et ne plus jamais cessé d’y gagner en notoriété.
21 virages sur 13 km à l’Alpe d’Huez
Qu’elle soit courte et nerveuse (109 km en 2011), longue et éreintante (266 km en 1952), escaladée à deux reprises (en 1979 et 2013) ou en contre la montre individuel (en 2004), elle est toujours restée décisive et de plus en plus prisée. Le doublé de Kuiper en 1977-1978, ceux de Bugno en 1990-1991 ou de Pantani en 1995-1997, autant que la domination des Néerlandais dans les années 70-80, à l’instar de Kuiper donc mais aussi de Zoetemelk (1976-1979), Winnen (19811983), Rooks (1988) ou Theunisse (1989), celle des Italiens dans les années 90 (Bugno, Pantani, Conti, Guerini) annonçaient le grand retour des Français à partir de 2011.
Interrompu par Thomas en 2018, le triplé Rolland-Riblon-Pinot a ramené le cyclisme tricolore au sommet d’un Tour qui n’est pas tout à fait le même avec, ou sans, l’Alpe Huez. Fidèle à la tradition, Christian Prudhomme a souhaité en faire une nouvelle fois un juge de paix incontestable.
« Nous voulions à travers cette étape clôturer la bataille des Alpes sur un parcours taillé pour les grimpeurs les plus tranchants ! » Après le Galibier et la Croix de Fer, les 21 virages menant à l’Alpe seront les derniers d’une série de six étapes montagneuses ou très accidentées… tout pour faire exploser le peloton. « C’est la vocation de l’Alpe, nous dit Jean-Paul Ollivier, le célèbre journaliste-historien du vélo, c’est pour ça que ce sommet a été programmé sur le Tour, pour repousser les limites » donc nourrir la légende, forcément.
Le plus populaire des cols
S’il n’est pas le plus élevé (1860 mètres, loin des 2645 du Galibier), ni le plus redouté, il demeure le plus populaire, comme un emblème à escalader, un passage à se frayer au milieu des spectateurs qui ouvrent au tout dernier moment la route aux coureurs.
« C’est impressionnant, insiste Pierre Rolland, vainqueur en 2011, quand vous arrivez face à un mur de supporteurs sans savoir ce qu’il y a derrière. On découvre le tracé au dernier moment. Il faut être costaud mentalement pour accepter cette part d’inconnue et de risque aussi dans un effort qui est déjà au maximum. »
Et souvent, en haut, celui qui monte sur le podium avec le maillot jaune a de grandes chances de le garder jusqu’aux Champs-Elysées, 19 fois sur les 29 ascensions, le dernier, Geraint Thomas en 2018, ne faisant pas mentir une stat qui participe à la mythologie d’un sommet qui ne laisse personne indifférent. Morceaux choisis.
« L’Alpe, tout y est beau, au coeur de la foule, court et intense ! » (Bernaudeau). « C’est magique, mythique, la passion, les frissons et toujours ces mêmes images de la foule massée au bord des routes » (Hinault) « Ceux qui ont eu la chance de la gravir gardent des souvenirs gravés à vie ». (Thévenet)
900 000 personnes sur les pentes en 2011
Quand près de 900 000 personnes s’agglutinent sur les pentes de l’Alpe (comme en 2011), certains arrivant quatre jours avant, d’autres faisant la fête quatre jours après, avec une nette coloration Oranje liée aux supporteurs néerlandais, la pression exercée sur les coureurs s’apparente à celle des footballeurs dans un stade en fusion. Pour toutes ces raisons, gagner en haut de l’Alpe, c’est s’assurer la postérité et l’entrée dans l’histoire de la Grande Boucle. « Tous les grimpeurs rêvent de gagner l’Alpe » insiste Pierre Rolland,
un des rares à avoir vu son nom inscrit, avec tous les autres vainqueurs, dans un des 21 virages mythiques. Comme le vainqueur de Kitzbühel en ski alpin a sa propre télécabine…
Tom Boissy