jeudi 25 avril 2024

DOCUMENT – Antoine Lemarié : “Le foot, ce n’est pas que des transferts à plusieurs millions, comme à la télé”

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Exceptionnel témoignage d’Antoine Lemarié, footballeur de 26 ans, qui rentre d’un expérience malheureuse en Grèce. Promesses non tenues, espoirs brisés, mais aussi moments heureux, en Australie ou en Finlande… Un récit qui en dit beaucoup sur l’autre facette du métier de footballeur.

Depuis son retour en France, Antoine Lemarié (lire ici : le cauchemar grec d’Antoine Lemarié) fait beaucoup parler de lui. Passionné de foot et loin d’être démuni de talent, le Français de 26 ans a parcouru le monde à la poursuite de son rêve : jouer au niveau professionnel dans des championnats étrangers. D’aventures en mésaventures, il a terminé en Grèce dans un club dirigé par un escroc aux méthodes mafieuses. Il nous raconte en détail son parcours incroyable et nous explique son envie de continuer à chercher son El Dorado…

C’est donc à Singapour que tout a commencé…

Oui, c’est ça. C’est un peu le hasard. J’avais mon oncle et ma tante qui habitaient à Singapour. Et quand j’avais 20 ans, je suis parti en vacances là-bas pour leur rendre visite. Et en jouant sur place pour m’amuser, j’ai fait la rencontre d’une personne qui s’appelle Aleksandar Đurić, ex international singapourien.

« Une fois à Singapour, mon contact ne me répond plus, je suis tout seul… »

A ce moment-là, il m’a dit que je devrais tenter ma chance et revenir à la période du mois de janvier, quand le mercato serait ouvert, pour essayer de signer en 1ère division, parce qu’il estimait que j’en avais les capacités. En pleine étude de journalisme je n’avais pas du tout ça en tête, mais c’était mon rêve de petit garçon.

Une fois rentré en France, j’ai travaillé jusqu’au mois de janvier pour économiser un peu d’argent. Et ensuite je suis reparti pour essayer de signer dans un club là-bas.

Avec succès ?

Je n’ai pas réussi à signer, parce que tout ne s’est pas passé comme prévu une fois que je suis arrivé sur place. Ce fameux Aleksandar Đurić, malheureusement, n’a pas pu m’aider à hauteur de ce que j’aurais espéré. Il ne me répondait plus. J’ai dû trouver des clubs par moi même. Et forcément quand on arrive de nulle part et qu’on se présente à un club, on a moins de crédit que si on était présenté par un agent ou par quelqu’un de la trempe d’Alexandar Duric. Donc je pense que ça a un peu joué en ma défaveur. J’ai quand même fait quelques essais, et j’ai pu faire toute la pré-saison avec un club qui s’appelle Home United, qui était le gros club de Singapour. Et malheureusement, au final, ils ne m’ont pas offert de contrat. J’ai quand même pu jouer des matchs là-bas. Et m’entraîner avec eux.

Ils vous ont donné des raisons, pourquoi ils ne vous ont pas gardés ?

Ils avaient déjà prévu des recrutements de joueurs étrangers. Et avec les règles locales concernant les joueurs étrangers (limitation à 3 joueurs), j’étais bloqué. Ils ne m’ont rien dit à l’époque. J’ai dû aller voir l’entraîneur au bout de trois semaines car personne ne me parlait. Il m’a appris que des joueurs étrangers allaient signer prochainement et que je ne pouvais donc pas rester. Sauf peut-être si j’avais été exceptionnel…

Et vous aviez une période limitée pour faire votre période d’essai ?

La limitation venait du début de saison qui arrivait . Et c’est pour ça qu’au bout de peut-être trois semaines j’ai demandé s’il me prenait, parce que j’avais besoin d’avancer, c’était oui ou non. Et la réponse fut non.

« Une bonne saison en D2 australienne, mais ça finit mal »

Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?

Alors, ce qui s’est passé, c’est qu’en parallèle, pendant que je faisais mes essais, j’ai joué aussi à Singapour dans une équipe d’expatriés français, qui s’appelle « l’Olympique Gaulois ». Et le coach de cette équipe était un ancien joueur qui avait notamment joué en Australie. Il m’a dit qu’il avait des contacts en Australie, il m’a conseillé d’aller là-bas parce que, d’après lui, j’aurais plus de chances de pouvoir signer en Australie qu’ à Singapour. Et donc, ça s’est fait à la dernière minute, je me suis dit, autant aller jusqu’au bout du projet. Je vais aller en Australie, tenter ma chance.

Vous n’aviez toujours pas de revenus, financièrement, cela devait commencer à se compliquer ?

Oui, ça a été super compliqué. J’avais fait des économies pour Singapour. je me suis dit, vu que j’ai un peu d’argent de côté, je vais voyager pour en profiter tant que je suis dans la région. J’ai voyagé dans pas mal de pays après Singapour, et du coup, au moment de partir en Australie, j’étais arrivé complètement au bout de mes économies. L’argent qui me restait m’a servi à me payer un billet d’avion. Sur place, j’ai dû trouver un travail et payer mon logement au jour le jour.

Sur place, rien ne se passe encore comme prévu…

Une nouvelle fois, ça ne s’est pas passé aussi facilement que prévu. J’étais allé là-bas pour rencontrer le fameux contact de mon entraîneur des Gaulois de Singapour. J’ai fini par le rencontrer, c’était l’entraîneur adjoint de Melbourne Victory, qui est une grosse équipe en Australie. Un très bon contact. Mais malheureusement, il ne m’a pas vraiment aidé. On s’est rencontrés, ça s’est bien passé, mais derrière, j’ai eu zéro nouvelles de sa part.

Comme à Singapour…

Exactement. Une nouvelle fois, je me débrouillé tout seul. Donc, j’ai contacté des clubs. Je suis arrivé par moi-même dans ces clubs. En général, quand on arrive tout seul, on paraît moins sérieux aux yeux du club. Mais bon, j’ai quand même réussi à enchaîner quelques essais en D2 en Australie, à Melbourne. Ça l’a pas fait.

Après, je suis parti à Perth, qui est sur la côte ouest. Et là, j’ai fait deux, trois essais, peut-être. Et ça a fini par payer, je me suis engagé avec Forrestfield United, en 2ème division australienne. C’était une équipe qui venait d’être promue et qui découvrait cette division.

Comment s’est passée votre expérience ?

C’était super. Mais le problème, c’est que j’avais un visa d’un an seulement. Et vu que j’avais déjà presque écoulé tout le temps disponible, je n’ai pas terminé la saison là-bas. Mon visa étant arrivé à terme à deux mois de la fin de la saison. J’ai dû rentrer en France et j’ai raté les derniers matchs. A l’heure actuelle, cela reste ma meilleure expérience en tant que footballeur. J’ai adoré la mentalité, le niveau était vraiment cool. Il y avait une super ambiance. Après chaque match, on était reçus pour manger avec l’équipe adverse, etc. J’ai même eu la chance de marquer un but qui a été sélectionné comme le plus beau but de la saison. Malheureusement, au moment de la remise des trophées, moi j’étais déjà en France. Mais en tout cas, c’était une reconnaissance qui était sympa. Et surtout, c’était l’accomplissement de tout ce voyage.

En 6ème division anglaise, “placardisé” en réserve, sans paye et sans avenir…

Et vous avez eu beaucoup de temps de jeu aussi dans cette équipe ?

J’ai dû vraiment le gagner. Lors du premier match, ils m’ont mis avec l’équipe réserve. Le deuxième, je me suis retrouvé remplaçant tout le match. Et le troisième, j’ai eu un peu de temps de jeu. Le quatrième, je suis devenu titulaire. Et après, j’ai gagné mon temps de jeu étape par étape. Une fois titulaire, je n’ai plus lâché ma place.

Vous êtes passé ensuite en 6ème division anglaise à Farsley ?

C’est ça, mais ça ne s’est pas enchaîné aussi rapidement que ça. Je suis quand même rentré en France pour terminer mes études de journalisme. Une fois que j’ai terminé, ça a été très dur parce que ça faisait un an que j’avais tout arrêté. Les voyages et le foot. Je n’avais vraiment qu’une hâte, c’était de repartir jouer au foot. Et ce qui s’est passé. J’ai cherché pendant longtemps et c’est au mois d’octobre ou septembre, que j’ai fini par trouver ce club de Farsley qui m’a invité à venir jouer pour eux après une longue année sans jouer.

C’est eux qui vous ont trouvé ?

Non.. J’ai envoyé des centaines et des centaines de mails, à je ne sais pas combien de clubs, jusqu’à ce que Farsley me réponde positivement en me disant que mon CV les avait intéressés et qu’ils voulaient que je vienne à Leeds. pour venir m’entraîner et si tout se passait bien,  signer avec eux. C’était ma première opportunité, j’ai sauté dessus et j’y suis allé. Un entraînement à suffit à les convaincre.On m’a dit que je commencerais avec l’équipe réserve et pourquoi pas monter en équipe première selon mes performances.

Vous êtes monté en équipe première ?

Non. Ils négligeaient leur équipe réserve. Les matchs, de temps en temps, étaient annulés parce qu’il avait trop plu ou parce que l’entraîneur de l’équipe adverse était malade. J’ai vraiment eu très peu d’occasions de jouer. Je crois que je n’ai fait que deux matchs. J’ai d’ailleurs marqué un but. Et malgré ça, je voyais qu’il n’y avait jamais l’opportunité d’aller jouer avec l’équipe première. On ne m’a jamais même présenté à l’entraîneur de l’équipe première. J’ai très rapidement compris que c’était complètement bouché. Aucun joueur de notre équipe n’était monté en équipe première. Et je pense que même si je cartonnais, il ne m’enverrait pas plus haut. C’était terrible parce qu’évidemment, il n’y a qu’en équipe première qu’on était payé. Moi, en équipe préserve, je n’étais pas payé. À ce moment-là, une nouvelle fois, j’étais obligé de payer un loyer pour vivre en Angleterre. Et au bout de deux mois, je me suis rendu compte que ça ne servait à rien. J’étais juste en train de perdre de l’argent. Au bout de deux mois, je me suis rendu compte qu’il fallait que je m’en aille. Je suis rentré en France et  me suis remis à la recherche d’un nouveau club.

Le club n’avait-il pas lui même parlé de la possibilité de jouer avec l’équipe première ?

Ils ne me l’avaient pas promis. Ils m’avaient dit qu’on allait commencer avec la réserve et que si ça se passait bien, je monterais. Malgré mes bonnes performances, ils ne m’ont jamais ouvert la porte. Les mecs du club de l’équipe première ne savaient même pas qu’il y avait un Français dans leur équipe en réserve. Ni même le staff.

Changement radical ensuite. Vous passez de l’Angleterre à la Finlande… Comme cela s’est-il passé ?

J’ai contacté un ancien coéquipier avec qui je jouais quand j’étais petit chez moi à Aix-en-Provence. C’était un Finlandais d’origine qui était venu vivre en France, avec sa famille. J’avais appris qu’entre temps, il était retourné dans son pays en Finlande pour jouer au foot. J’avais vu des vidéos où il jouait. Ça avait l’air professionnel, sympa. J’ai eu l’idée de le contacter. On était au mois de décembre. Je venais de partir de Farsley. Il m’a permis de d’aller en Finlande et de faire un essai dans son club, puis ensuite dans un autre club, le FC Espoo, club de troisième division, où j’ai fini par signer un contrat.

Vous avez signé pour combien de temps ?

C’était une saison. À ce moment-là, je me suis rendu compte que c’était un championnat considéré professionnel qui était diffusé sur les sites de foot. Il y avait vraiment de bonnes infrastructures. En l’occurrence, le FC Espoo avait un beau stade. Et je me suis dit que c’est vraiment tout ce dont j’ai besoin en ce moment. J’ai sauté sur l’occasion.

Et là, ça se passe bien pour vous ?

Pour le coup, la saison se passe bien sur un point de vu personnel. Je fais une bonne saison, je fais de bonnes rencontres, je joue contre des équipes observées de première division…. Malheureusement, au terme de la saison, on est relégué. On peut dire que c’est un échec sur le plan collectif. Mais pourtant, dans cette équipe, il y avait beaucoup de très bonnes individualités. Des gars qui jouent aujourd’hui en première division en Finlande…

« En Finlande, le club descend et je ne voulais pas jouer en 4ème division »

Pour moi, c’était hors de question d’aller jouer en quatrième division en Finlande. Ça devenait vraiment trop bas. Je me disais que si c’est pour jouer à ce niveau-là, autant jouer chez moi en France, ce sera le même niveau. Le but de ce projet, c’est de côtoyer un monde professionnel. Pour le coup, la troisième division en Finlande est encore considérée comme professionnelle. Mais quand on descend en quatrième, ce n’est plus pareil.

Le club n’a pas tenté de vous retenir ?

Oui, ils m’ont proposé de rester. Ils étaient satisfaits de ce que j’avais pu montrer. Mais pour moi, sur le projet sportif, ce n’était pas le but du tout. J’avais 23 ans à ce moment-là. Donc, je n’avais pas envie, à 23, 24 ans, de signer en quatrième division, surtout après avoir joué en troisième. Et de me rendre bien compte que j’avais largement le niveau pour jouer au dessus.

Par la suite vous avez signé au JJK Jyväskylä. C’est eux qui vous ont repéré ou c’est vous qui êtes encore allé les chercher ?

Non, cette fois-ci, c’est différent. C’est eux qui m’ont contacté. En fait, ce qui se passe en Finlande, c’est qu’il y a un site qui permet de répertorier les joueurs sans contrat. Et ce site, tous les entraîneurs et tous les clubs y ont accès, même les joueurs. Et ça leur permet de voir directement qui est sur le marché. Et c’est comme ça que le club de J.J. Kassivashkila m’a trouvé. L’entraîneur m’a envoyé un message quand j’étais en France après la saison et il m’a dit qu’il était intéressé pour que je vienne.

Et du coup, vous avez pu échanger avec lui sur votre temps de jeu, sur le projet ?

Oui, je me suis renseigné un peu sur le club. Je le connaissais déjà parce que le préparateur physique qu’on avait à Espo était dans ce club avant et il m’en avait dit le plus grand bien. Même chose pour la ville.

Je savais qu’ils avaient une bonne affluence dans leur stade pour le niveau de troisième division en Finlande, comparé aux autres clubs… Il y avait plein d’aspects qui étaient intéressants.  Après, à ce moment-là, j’avais aussi une offre en 4e division en Suède, qui financièrement était plus intéressante. Mais c’était dans un trou paumé. C’était vraiment perdu dans la campagne suédoise. Même si la Suède est considérée comme un meilleur pays de football que la Finlande, mon objectif c’est toujours d’être dans une démarche de progression. Et là, reculer d’une division, ça ne me tentait pas plus que ça. C’est pour ça que j’ai fini par opter pour la Finlande.

La saison d’après, vous avez été prêté. Pourquoi ?

Encore une fois, rien ne s’est passé comme prévu. C’est vraiment à l’image de ma carrière. À chaque fois, c’est des surprises. Je suis arrivé là-bas. Le fameux entraîneur qui m’a fait venir,  était content de m’avoir. C’est lui qui m’a fait signer. J’ai commencé à jouer les matchs amicaux. Ça s’est bien passé. Il me faisait jouer tous les matchs amicaux. Ce qui s’est passé, malheureusement pour moi, c’est qu’avant même que la saison de commence, tous les joueurs de l’équipe, qui sont tous des gars de la région, qui sont au club depuis longtemps, qui ont vraiment pas mal de pouvoir dans le club, n’étaient pas satisfaits de cet entraîneur. Ils disaient qu’ils n’aimaient pas ses entraînements, qu’ils n’aimaient pas sa communication…

« Les joueurs font virer le coach qui m’a fait venir et je me retrouve écarté de l’équipe première »

Moi, je l’aimais bien puisqu’il m’avait fait venir. Donc, je n’avais aucun problème avec lui. Ils ont réussi à le faire virer du club avant même qu’il n’ait eu la chance de jouer un match officiel. Concrètement, il a juste fait des matchs amicaux et une pré-saison. Et ça, ça a vraiment tout changé pour moi. Il s’appelait Ari Koski et les joueurs ont fait en sorte que ce ne soit plus lui l’entraîneur. A la place, ils ont mis un gars du club qui était un anglais, mais qui était au club depuis 20 ans, qui avait déjà dirigé les équipes de jeunes. Ils connaissaient tous les joueurs de l’équipe 1 depuis qu’ils étaient tout petits. Au début je me suis dit, c’est un Anglais, moi, je suis un Français. J’étais le seul étranger de l’équipe, ça va peut-être m’aider. Mais pas du tout. Au contraire, ce gars-là, sa politique, c’était vraiment de s’appuyer sur les joueurs locaux. Il ne comptait pas sur les mecs qui venaient d’ailleurs.

Vous vous rendez compte rapidement que vous n’êtes pas dans ses plans…

En début de saison, il m’avait dit « Je compte sur toi pour le premier match ». Donc là, on se déplace pour le premier match. Première surprise, je suis sur le banc. Alors qu’il m’avait dit que j’allais commencer. Il me fait rentrer à la 60ème minute dans un match qu’on perdait peut-être 3-1, je crois. Et qu’on a fini par perdre 3-1. Derrière ça, il m’écarte du groupe. Je ne m’entraîne même plus avec l’équipe première mais avec l’équipe réserve. C’était incompréhensible pour moi, parce que je n’avais pas signé pour jouer en équipe réserve. Quand j’ai signé mon contrat, le club avait communiqué autour…  J’étais là pour être avec l’équipe première. Surtout que l’équipe première jouait en 3e division, un niveau que je connaissais.

J’ai commencé à jouer avec l’équipe réserve, en quatrième division. Initialement, je ne voulais pas y jouer. Pour la première fois, je jouais en 4e division et j’ai fait un excellent match. J’ai même été mis dans l’équipe de la semaine. Et derrière, je voyais que ça ne changeait rien du tout. Le coach anglais ne m’a pas du tout repris dans son équipe, même pour l’entraînement. L’équipe réserve était très mal gérée. Il n’y avait même pas un entraîneur fixe..

Vraiment, j’avais tout plaqué en France. Ce n’était pas pour me retrouver à jouer dans ces conditions-là. Je suis allé parler à ce nouvel entraîneur. C’est là qu’il m’a dit, « Je ne compte pas sur toi. Je suis désolé. Il y a un entraîneur qui t’a fait venir. Je sais que tu es venu exprès pour jouer ici, etc. Mais je ne compte pas sur toi.» À ce moment-là, j’ai compris qu’il fallait à tout prix que je trouve une porte de sortie.

Un coup dur de plus…

Pour être honnête, à ce moment-là, je me pose réellement la question d’arrêter ma carrière. C’était vraiment un ras-le-bol général de tous ces imprévus et tous ces coups de malchance quelque part. À ce moment-là, je me suis vraiment posé la question de rentrer en France maintenant. J’ai eu la chance que dans la même ville que JJK, il y ait une autre équipe qui joue dans le même championnat. L’équipe rivale s’appelle FC Vaajakoski. Ça a pu faciliter les démarches parce qu’il n’y avait pas besoin de se déplacer. Je pouvais garder mon appartement. Je les ai contactés et ils ont tout de suite été intéressés. Les deux clubs se sont mis d’accord pour m’envoyer en prêt là-bas.

Et là-bas, vous étiez titulaire ?

Oui, là-bas, ça s’est beaucoup mieux passé. J’ai tout de suite été intégré au groupe. J’ai fait le premier match remplaçant parce que je venais d’arriver. Et derrière, je suis passé titulaire. Mais en tout cas, la saison s’est vraiment bien passée. Et on a fini, je crois, quatrième cette saison-là. Et moi, j’ai pu faire mes statistiques et prouver que j’avais largement ma place dans ce championnat.

Et après, vous signez chez eux en fin de saison ?

Oui. La saison suivante, j’avais pour ambition d’aller jouer dans la division supérieure, en deuxième division, parce que ça faisait déjà deux saisons en D3. Mais malheureusement, je n’avais pas encore eu la chance d’avoir une saison bien complète, fournie en statistiques. Donc, je n’ai pas eu l’opportunité de trouver un autre club, j’ai fini par y retourner avec un rôle beaucoup plus important.

Cette fois, c’est vous qui décidez de partir en fin de saison…

Je suis parti, mais je suis resté jusqu’à la fin de saison quand même. J’ai fait la saison entière cette fois-ci. Là-bas, tout s’est très bien passé. Même à l’heure actuelle, là, si je le souhaite, je peux y retourner.. Ce fut vraiment une saison où j’ai changé de dimension. J’ai pris un peu les rênes de l’équipe. Ils m’ont donné le numéro 10, des responsabilités… Cette année, on avait beaucoup de joueurs qui sont partis par rapport à la saison dernière. Beaucoup d’éléments importants, ce qui fait que l’équipe s’est retrouvée vraiment affaiblie. Et c’est vrai qu’on a fait une saison vraiment moyenne. L’entraîneur n’allait pas. Il n’était pas terrible. Heureusement, on a fini par se maintenir. Mais ce fut compliqué. Et moi, sur le plan personnel, je suis content parce que je n’ai jamais eu autant de temps de jeu. J’ai pu marquer, faire des passes décisives. Mais c’est vrai que sur le plan collectif, ça a été difficile. Et je n’ai pas eu envie de rester encore une fois.

« On me propose un contrat intéressant en Grèce, j’ai été naïf »

Vous vous mettez donc à la recherche d’un nouveau challenge…

C’est ça. Au mois d’octobre, la saison se termine. Et je rentre en France à la recherche d’un nouveau club. D’octobre, à début janvier, il y a eu des pistes, des essais potentiels. En novembre, j’ai réalisé des essais infructueux en deuxième division finlandaise, dans des conditions difficiles, avec des entraînements par moins 10 degrés. Ce n’est pas pour me trouver des excuses, mais en tout cas, c’est sûr que ça n’aidait pas pour jouer au foot dans les meilleures conditions.  Une fois de retour en France, j’avais des pistes pour encore faire des essais en D2 finlandaise et en première division lituanienne. J’étais prêt à y aller J’avais une piste pour faire un essai en première division en Lituanie. Et  à ce moment-là, je reçois une offre pour aller en Grèce. Une offre de contrat, pas un simple essai. Ça a pesé dans la balance.

C’était une belle opportunité pour vous ?

Oui, c’était une belle opportunité parce qu’après trois saisons dans la froideur Finlandaise j’avais un peu l’impression d’avoir fait le tour, même si j’adore la Finlande.

Je n’étais pas contre découvrir un nouveau championnat  et démarrer une nouvelle aventure, parce que j’avais un peu aussi ce manque après l’Australie, l’Asie, tout ça. J’avais envie de découvrir quelque chose de nouveau. Et c’est vrai que la Grèce, sur le papier, c’est un pays qui est quand même attrayant, avec le soleil, la plage, la mer… Donc à ce moment-là, je compare troisième division Finlandaise, troisième division Grecque. Je me dis que c’est cohérent.

Je ne descends pas d’un niveau. Je connais deux joueurs qui sont Finlandais, qui jouent dans ce championnat, et qui viennent de première division respectivement et deuxième division en Finlande. Donc les deux jouent un niveau au-dessus de moi et se retrouvent à jouer dans ce championnat en Grèce. Donc je me dis que c’est une preuve d’un bon niveau.

Le  contrat est aussi intéressant financièrement, en tout cas pour un statut de semi-pro : 1000 euros par mois en Grèce, qui est un pays où la vie n’est pas chère et le salaire moyen est de 800 euros, c’est quand même pas mal, sachant que le logement, le billet d’avion et la nourriture sont censés être pris en charge. Une offre intéressante sur le papier.

Comment êtes-vous arrivé à cette offre de contrat ?

Elle m’a été proposée directement telle quelle par l’intermédiaire. La seule chose que j’ai fait modifier, avec l’aide d’un ami agent, c’est de rajouter une garantie sur une prime à la signature de 2000 euros, pour être sûr d’avoir quelque chose quand j’arrive, parce que je connaissais déjà la réputation des salaires impayés.

Est-ce que vous aviez vu le guide à l’époque de la FIFPRO des pays ?

Non. Bien entendu je connaissais la réputation de la Grèce, vraiment sulfureuse, des joueurs impayés etc. Mais je n’aurais jamais cru vivre une telle expérience. Mais en tout cas c’était une garantie dans le sens où à la base l’offre de contrat que j’avais reçu c’était 1000 euros par mois. 

Vous vous recevez, vous vous signalez le 16 janvier en Grèce ?

Au final, le terme “signer” est complexe parce que là-bas, je me rends compte qu’il n’y a pas de contrat. Parce qu’on m’explique que la D3 grecque est considérée comme amateur. Donc techniquement je signe une licence. Mais je ne signe pas de contrat avec le club, et c’est aussi ça le problème je pense, c’est ce qui fait qu’il n’y a aucune garantie, parce pas de contrat, si derrière ils ne payent pas, on peut rien leur reprocher, parce qu’ils n’est écrit nulle part qu’ils sont censés me payer. C’était l’erreur que j’ai commise d’ailleurs, c’était d’avoir accepté de faire transmettre mes documents depuis la Finlande, avant même d’avoir touché mes 2000 euros. Moi j’ai été naïf je pense à ce moment là.

Ce fameux « contrat » est homologué le 16 janvier, dans des conditions très floues…

Non , ce n’était pas le 16 janvier. Je suis arrivé là-bas le 11 janvier ou le 12 janvier. J’imagine que le 16 janvier, ça doit être le jour où j’ai joué le match et peut-être qu’ils ont considéré ça comme le début officiel.

Mais vous aviez quand même une homologation auprès de la Fédération de football grec ?

En tout cas, ils ont fait toutes les démarches pour. J’ai même moi-même, appelé mon ancien président en Finlande pour qu’il accélère le processus et que je puisse jouer le dimanche qui arrivait. Jusqu’au jour du match, ils m’ont fait attendre en me disant, on ne sait pas, on ne sait pas, on ne sait pas… Si tes papiers arrivent à temps. Et comme par hasard, le jour du match, mes papiers sont arrivés. Alors que c’était un dimanche et comme par hasard, le dimanche en général, la Fédération ne travaille pas. Donc c’était vraiment suspect…

Mais bref, j’ai fini par jouer ce match. Et derrière, ils m’ont dit que j’allais jouer sous fausse licence. Ils mentent tellement tout le temps que je ne savais plus quoi croire. La vérité, je pense que c’est que mes papiers étaient déjà arrivés assez rapidement, ce qui leur a permis de clarifier ma situation. je pense qu’ils n’ont pas cessé de me mentir.

Et comment ça s’est passé durant le match ? Il n’y a pas eu de problème particulier ?

Non, durant le match, ça a été compliqué déjà de se concentrer sur le football, parce que l’extra sportif, ce n’était vraiment que des galères depuis que j’étais arrivé.  Mais une fois que j’étais sur le terrain, je me suis dit, bon, maintenant, je suis quand même venu là pour profiter, pour jouer au foot… Et finalement, j’ai fait un bon match. J’étais numéro 10. J’ai tiré un coup franc sur la barre transversale au bout de 20 minutes. Je suis sorti peu après l ‘heure de jeu. Globalement, il y avait 0-0. Tout le monde était plutôt satisfait de ma performance. J’ai pu lire le lendemain dans le journal qu’ils avaient trouvé que j’étais bon.  Donc sur ce plan-là, ça s’est bien passé.

Mais après, on a perdu 2-0. Quand je suis sorti, on a pris 2 buts contre une équipe moins bien classée. Mais sur le plan personnel, c’était pas mal.

Sportivement, que retenez-vous de ce championnat ?

J’ai découvert un football que je ne connaissais pas. Je ne savais pas à quoi m’attendre en 3ème division grecque. Et là, en l’occurrence, ce match-là, ce n’était pas beau à voir. Ce n’était que des longs ballons devant, que des joueurs qui font des simulations tout le temps, qui crient après l’arbitre. Ce n’était que des insultes tout le temps. Ce n’était vraiment pas le football que je connaissais. Et c’est vrai qu’en termes de jeu, je n’ai pas trouvé ça vraiment impressionnant et très beau à voir. Mais bon, c’était sympa de jouer dans un nouveau pays.

« On devait m’attendre et m’amener au club en voiture, finalement, on me met dans un bus pour 5 heures de route »

Le niveau était meilleur qu’en Finlande ?

Non, pas vraiment. Après, je pense que ça ne reflète pas forcément le niveau réel parce que ce n’était clairement pas les deux meilleures équipes du championnat. Je pense qu’il y a des équipes de haut tableau qui sont bien meilleures. Mais là, en l’occurrence, ces deux équipes-là, non. Ce n’était pas meilleur que la Finlande.

Revenons sur l’environnement. Dès votre voyage en avion pour venir en Grèce, rien ne s’est passé comme prévu…

En fait, j’étais censé ne pas payer mon billet d’avion. C’était censé être le fameux intermédiaire qui m’a contacté qui le payait pour ensuite se faire rembourser par le club. Sauf que lui n’a pas voulu me le payer. Il m’a dit qu’il n’avait pas confiance, que si derrière je ne le remboursais pas, comment il allait faire… Il m’a sorti tout plein d’excuses. Il m’a aussi dit qu’il  n’avait pas 200 euros sur son compte pour me payer le billet d’avion. Je l’ai payé au final. Ce n’était pas du tout ce qui était prévu.

Derrière, on a déterminé que j’enlèverais ce prix du billet d’avion de la commission de 500  euros que j’étais censé lui payer. Finalement, je ne l’ ai pas payé puisque je n’ai jamais reçu mon argent. Je n’ai pas eu de remboursement.

Après, une fois à l’aéroport, j’étais censé être pris en charge par un partenaire, un associé de Fokom, l’intermédiaire, gréco-albanais basé en Grèce. C’est lui qui, une fois arrivé dans le pays, était censé me prendre en charge.

Et les déconvenues ont continué…

On m’a dit qu’il allait me chercher en voiture et me mener au club, c’était complètement faux. Il est venu me chercher et m’a mis dans un bus. Il n’avait pas de voiture. Il ne parlait même pas anglais. Il a fallu utiliser Google Traduction pour parler avec lui. Il m’a mis dans un bus jusqu’à Pyrgos, ville du club. Trajet qui a duré plus de cinq heures.

Qu’est-ce qu’il vous a dit dans le bus ?

Je l’ai pris tout seul. Il m’a emmené de l’aéroport à la gare routière en bus aussi. Il m’a expliqué qu’à la fin du trajet, il y a quelqu’un du club qui va venir me chercher à mon arrivée.

On vous attendait à l’arrivée ?

Oui, il y a bien quelqu’un qui est venu me chercher. Le directeur sportif qui est arrivé m’a déposé à l’appartement que le club me passait. Il était très tard ce soir-là, donc on n’a pas pu régler les fameuses modalités de contrat.

Le fameux contrat, qui s’est avéré très compliqué à signer…

C’était très compliqué, effectivement. Tous les jours, il repoussait au lendemain, avec toujours des nouveaux prétextes. On attend les papiers, on attend ce papier… Toujours une nouvelle excuse. Le jour du match, ils m’ont dit que le père du directeur sportif est décédé, aujourd’hui, qu’il est au funérail et qu’il était donc impossible de finaliser le contrat. Entre temps, j’ai eu le temps de parler avec les autres joueurs de l’équipe, qui me disaient qu’ils n’avaient pas reçu l’argent qui leur était dû. Donc, à ce moment-là, personnellement, je n’étais pas dupe. Je me rendais bien compte qu’ils étaient en train de me rouler.

C’était la même chose pour les joueurs grecs ?

Oui. Je n’ai pas pu parler avec tous les joueurs grecs, mais en tout cas, ceux à qui j’ai parlé, ils avaient aussi des retards de salaire et des conditions de vie dans des appartements vraiment… qui n’étaient pas corrects.

Par exemple, il y en a qui étaient trois dans un logement de deux personnes, avec un d’entre eux qui dormait sur un lit de camp. C’était vraiment pas bien. Niveau salaire, je pense que leur salaire est moins important que celui des étrangers. Donc, ils avaient, certes des retards de salaire, mais c’était sur des sommes moins importantes quand même.

« Des cafard morts dans les tiroirs, de l’urine séchée sur les toilettes… »

Vous avez évoqué aussi deux joueurs brésiliens. Ces deux joueurs brésiliens étaient logés dans les mêmes conditions que vous ?

Alors, il n’y en a qu’un dont je connais l’appartement.  C’était limite pire que moi, parce que lui, non seulement son logement était vraiment sale et dégoûtant, mais en plus de ça, il n’avait même pas la chance de pouvoir être tout seul dedans. Il devait le partager avec un autre joueur. Et ils n’avaient même pas leur propre chambre chacun. Ils avaient un lit chacun qui était côte à côte, et ils se retrouvaient à dormir ensemble. C’était vraiment sale. Quand on regarde la douche et tout… Et ils étaient à deux dans un espace restreint, ils avaient énormément d’affaires. Il n’y avait rien pour entreposer leurs vêtements. Ils n’avaient pas de placards donc tout était enfoui dans la chambre. Ils m’ont raconté qu’ils n’avaient rien pour nettoyer aussi. Donc l’appartement depuis qu’ils étaient là depuis cinq mois, ils n’avaient jamais eu de la chance de pouvoir, ne serait-ce que balayer. C’est pour ça que c’était aussi sale, c’est parce qu’ils n’avaient pas de quoi le nettoyer. Derrière, dans la cuisine, ils avaient juste une espèce de petite gazinière de camping pour faire à manger.

A qui ressemblaient ces appartements ?

On arrive, on ouvre la porte, c’est un salon en même temps chambre, donc un lit avec une table. À côté, il y a une petite salle de bain et à côté, il y a une petite cuisine.

Le tout dans un état d’insalubrité…

Je suis arrivé tard le soir, je ne me suis pas tout de suite rendu compte de tous les détails.. Le lendemain, en m’installant, j’ouvre les tiroirs pour mettre mes vêtements, je vois qu’il y a des cafards morts dans les tiroirs du placard. Je regarde à côté du lit, il y avait des traces un peu jaunes, suspectes sur le mur, c’était vraiment bizarre. Je regarde sur la cuve des toilettes, il y avait des taches d’urine séchées. Sur le lavabo, il y avait des poils rasés, sans doute du précédent joueur qui était dans cet appartement. Dans la douche, les carreaux étaient défoncés. Un jour, j’ai pris une douche, il y a un morceau de carrelage qui m’est tombé sur le pied.

En plus de ça, il n’y avait rien pour nettoyer, l’appartement était vide. Il n’y avait même pas d’assiettes, il n’y avait pas de poêle pour cuisiner. C’était juste vraiment un lit, une table et deux chaises. C’est à vous de tout acheter. Quand j’en parlais au mec du club, il me disait : « On va s’en occuper, demain on va t’emmener des assiettes ». Je leur avais parlé pour internet, pour la wifi aussi, parce qu’il n’y en avait pas. Il m’avait dit, « On va demander, on va demander ». C’était comme pour le contrat, il me disait, « On va s’en occuper demain ». Moi, je n’avais pas prévu d’investir là-dedans. Parce que en général si un club vous promet le logement, il est censé s’occuper du logement de A à Z. Ce n’est pas vous qui devez fournir votre logement.

Rien à voir avec la Finlande ?

Rien à voir, oui. Je n’avais pas un contrat incroyable en Finlande, mais en tout cas, quand on vous promet quelque chose en Finlande, au moins on vous le donne. Vous pouvez être sûr que c’est réglé.

On vous avait aussi promis un logement en Finlande ?

 En Finlande, ce qui s’est passé, c’est que j’avais dû payer mon logement la première année, mais c’était le club qui s’était occupé de tout fournir. Il m’avait fourni tout ce qu’il y avait à l’intérieur de mon logement, parce que c’était un appartement vide à la base. Même un vélo… Mais en Finlande j’étais obligé de travailler à côté, parce que je ne pouvais pas vivre uniquement du football. C’était ça aussi qui était intéressant dans ce contrat en Grèce, c’est que ça me permettait de vivre que du football.

Vous n’avez pas demandé à changer d’appartement ?

Dès que je suis arrivé, on m’a dit : « Pour l’instant, on se met ici, mais après on a pas mal d’appartements au club. Peut-être qu’on te mettra dans un plus grand, plus tard avec un autre joueur ». Moi je venais d’arriver, je ne voulais pas tout de suite commencer à dire que je voulais changer d’appartement. J’essayais de rester positif, de me dire que ça va s’arranger, qu’ils allaient m’amener ce qu’il faut.

Avant de signer votre contrat en Grèce, avez-vous eu l’occasion d’échanger avec le coach, le président ?

Non, jamais. Aucun contact avec le club directement avant d’arriver sur place.

Donc vous êtes arrivé et vous avez découvert l’environnement du club ?

Ouais, je ne savais rien du tout, je ne savais même pas quel type de logement j’allais avoir. Je savais que ce que j’avais pu voir sur Internet en fait.

Est-ce que vous étiez renseigné quand même au club ?

Oui, j’avais quand même regardé un peu l’historique du club, je savais dans quel stade il jouait, j’avais vu le stade, il avait l’air pas mal. J’avais regardé où se situait la ville, etc. J’ai vu que le club avait joué pendant huit saisons je crois en première division. Donc c’était pas mal, sur le papier en tout cas.

Et sur le papier c’était fiable ?

Exactement. J’étais pas au courant à ce moment-là, malheureusement il n’y avait pas encore tous les articles qui sont sortis depuis pour dire que Paniliakos Pyrgo ne payait pas les joueurs.

« Le président et le directeur sportif m’agressent pour que je leur rende les clés de mon appartement »

Et vous n’aviez pas eu d’écho particulier sur ce club-là ?

Non, en fait les seuls échos que j’avais de ce championnat-là, venaient des deux amis finlandais que j’avais, qui eux pour le coup étaient passés par un agent qui était vraiment réglo, un grec. Et tous les deux me racontaient que pour eux, tout se passait pour le mieux, qu’ils avaient bel et bien reçu leur argent. Tout ce qu’on leur avait promis, ils l’avaient eu. Donc c’est ça aussi qui m’avait peut-être un peu rassuré. Sauf qu’en fait en Grèce chaque club fonctionne différemment. Donc eux ils ont eu de la chance, moi j’ai eu la malchance de tomber sur un club qui en l’occurrence n’était pas du tout réglo

Vos deux amis ne vous avaient pas du tout parlé du Paniliakos Pyrgo ?

Non, eux ne connaissaient pas le club. Un des deux finlandais jouait justement dans l’équipe qu’on allait affronter lors de mon premier match. Mais à part ça non, ils ne connaissaient pas le club.

A quel moment vous évaluez la situation et vous dites que vous devez partir ?

Quand je vois tout ce qui se passe en termes de paiement, le logement, je me dis que ça ne va pas. La nourriture, j’apprends en arrivant là-bas que le club ne prend en charge qu’un seul repas. Le reste du temps, c’est à moi de payer. Ça, ce n’est pas non plus ce qui était convenu, parce que quand il y a écrit nourriture sur le contrat, normalement c’est censé être les trois repas par jour.

En plus, le jour du match, le Brésilien est menacé directement, physiquement par le président. Rien que ça, à ce moment-là, je me suis rendu compte que l’argent n’importait plus. Ça n’était qu’un détail. Il est hors de question que je reste dans un club où les joueurs se font menacer par leur président, surtout après avoir vécu tout ce qu’ils ont déjà vécu en termes de conditions de vie.

Vous savez pour quelle raison le président le menaçait ?

Oui, lui était là depuis quatre mois. Il n’était pas payé. Ça faisait déjà longtemps qu’il voulait partir. Pendant un moment, le club lui avait même confisqué son passeport. C’était son agent qui avait dû appeler en lui disant que s’il ne rendait pas le passeport à son joueur, il allait appeler la police. Ils ont fini par enfin lui rendre son passeport. Et là, le jour de ce match, il se fait remplacer à la 40ème minute. C’est vrai que ce n’est jamais plaisant pour un joueur, surtout que ce n’était pas très compréhensible. Il est rentré au vestiaire directement. À la mi-temps, le président est allé dans le vestiaire. Il a attendu que tous les joueurs retournent sur le terrain, sauf ce joueur brésilien qui est resté pour prendre sa douche et s’en aller. Et là, il est resté tout seul avec le président et son garde du corps. Il l’a menacé directement. Je ne parle pas grec, donc on n’a pas la traduction exacte de ce qu’il s’est dit, mais en gros, c’était « pour qui tu te prends, pour partir comme ça… ». À la fin du match, le président nous a fait un speech  en grec qui était interminable. J’ai eu une traduction rapide. Mais en gros, il expliquait que le joueur brésilien ne jouerait plus ici et qu’il allait partir aussi vite que possible. Je suis allé voir le Brésilien chez lui après le match pour lui demander ce qui s’était passé. Et là, il était vachement choqué, traumatisé de cette agression qu’il venait de vivre. Le président lui a quand même mis le doigt sur la joue pour le menacer. Il a eu peur. Il était là face au président et son garde du corps. Et lui, le pauvre, il s’est demandé vraiment ce qu’il faisait là. A la suite de ça, il a pris le premier bus pour partir à Athènes et rentrer chez lui le plus vite possible.

Vous avez des nouvelles de lui depuis ?

Bien sûr. Il est bel et bien arrivé chez lui. Il était quand même bien choqué. Et maintenant, il n’a qu’une envie, c’est de tourner la page et essayer de trouver un autre projet pour se changer les idées. Parce qu’il ne peut pas rester sur cette expérience traumatisante.

Pour vous aussi, ça va se compliquer…

Le lendemain du match, j’étais censé avoir rendez-vous avec la direction. Finalement, ils m’ont encore fait le coup de déplacer au surlendemain. Le mardi matin. J’ai enfin eu mon rendez-vous avec le président et le directeur sportif. Et c’est lors de ce rendez-vous que je leur ai dit que moi, je ne voulais pas rester. Maintenant, peu importe leur argent, je n’en veux plus. Tout ce que je voulais, c’était juste qu’ils me libèrent en signant un papier qui stipulait la rupture de contrat. Et ça n’a pas été possible. En tout cas, ils n’ont pas accepté de le faire. J’ai insisté. Pendant deux jours, j’envoyais des messages qui étaient ignorés.

Ils ont fini par me dire : « Il faut que tu nous rendes les clés de ton appartement. Il y a un nouveau joueur qui va arriver. Donc il faut que tu le libères ». Donc là, je leur ai dit, il n’y a pas de problème. Je veux partir, ma valise est prête. J’attends juste que vous me signiez mon papier pour pouvoir ensuite m’engager ailleurs et ne pas être bloqué. Et là, ils sont venus à mon appartement. Moi, je les attendais dans la rue. Et c’est là que l’agression du président a eu lieu.

Comment la scène s’est déroulée ?

Un matin, ils m’ont dit : « écoute, maintenant, on arrive chez toi, là, dans cinq minutes. Sois prêt et tu vas nous donner les clés ». Et c’est à ce moment-là qu’ils sont arrivés chez moi. Je leur ai dit, écoutez, je veux bien vous donner les clés, mais je veux juste que vous signiez mon papier d’abord. Et là, le président a vu rouge, il m’a sauté dessus, il m’a menacé, il m’a touché physiquement, il m’a agrippé par le col, par les bras. Il essayait de mettre ses mains dans mes poches pour choper les clés de l’appartement. En plus de ça, il y avait son garde du corps à côté. Il y avait aussi le directeur sportif, donc ils étaient trois hommes contre moi. Et bon, à ce moment-là, je me suis rendu compte que si je ne leur donnais pas les clés, ça allait dégénérer. Donc je leur ai donné les clés, tant pis pour ma signature et je suis parti au plus vite.

Vous avez eu peur ?

J’ai eu super peur, bien sûr. Si je leur donnais pas les clés, j’avais l’impression que j’allais me faire tabasser. Et d’ailleurs, le président le dit, j’ai eu depuis la traduction de ce qu’il se disait, parce que j’ai eu un enregistrement de cette agression. Et ce qu’il dit en grec, j’ai eu l’opportunité d’avoir la traduction récemment. Et en fait, il me raconte que « Je vais te pendre par les pieds et je vais te taper ».

C’était de la pure intimidation?

Oui, clairement.

C’est l’attestation de fin de contrat qui les a mis en colère ?

Je pense que c’est le fait que je n’accepte pas juste de leur donner les clés et de partir comme ça. Parce que de leur côté, ils me disaient, tu es libre, tu n’as pas besoin de ce papier, il n’est pas légal. Mais moi, je le savais parce que j’étais en communication avec des sources en Grèce qui m’avaient confirmé que sans ce papier, je ne pouvais pas jouer ailleurs. Donc j’en étais sûr et certain qu’ils étaient encore en train, une fois de plus, de me mentir. Et c’est pour ça que je voulais à tout prix qu’ils me signent mon papier.

Ce comportement était injustifiée, parce que de base, ils n’acceptent pas de me payer. Donc normal que je veuille partir et en plus de ça, ils ne veulent pas me laisser partir libre. Moi je n’ai rien fait dans cette histoire.

Vous avez fini par avoir votre papier ?

Non, non, jamais. Ils n’ont clairement pas voulu me le signer.

Vous avez essayé de l’obtenir ?

Oui, je suis parti à Athènes dans la foulée. Et le lendemain, je suis allé à la Fédération grecque de football. Ça a été très compliqué d’ailleurs parce qu’ils n’ont pas voulu me laisser rentrer au début. Ils disaient qu’il fallait un rendez-vous. J’ai attendu une heure et demie sur place. J’ai fini par rencontrer le président de la Fédération grecque de football qui sortait en voiture pour aller manger. Le garde de l’entrée lui a expliqué ma situation, donc il a accepté de me parler. C’est le big boss du foot en Grèce, donc il m’a fait rentrer dans les locaux de la Fédération. Ça m’a permis d’avoir directement mes réponses. J’ai pu leur raconter mon histoire. Je leur ai demandé si c’est sûr et certain que je ne peux pas m’engager dans un autre club. Malheureusement, ils m’ont confirmé qu’effectivement, j’appartenais au Paniliakos FC. J’étais coincé et je ne pouvais pas jouer ailleurs en Grèce. C’est important de préciser que c’est en Grèce que je ne peux pas jouer. Pour aller dans un autre pays à l’étranger, il n’y a pas de problème.

« Aujourd’hui, je cherche un nouveau projet à l’étranger pour assouvir ma passion et ne pas rester sur une mauvaise impression »

Votre contrat était donc enregistré en Grèce ?

Oui. J’étais sur le site de la FIFA. Je suis affilié à ce club. C’est pour ça que j’ai pu jouer le match le dimanche. Ils m’ont menti depuis le début.

Vous êtes rentré en France au bout de combien de jours ?

Je suis parti le jour de l’agression à Athènes. Je suis arrivé à Athènes tard le soir. J’ai dû prendre le bus depuis Pyrgos. Je ne pouvais pas partir directement. J’ai dû rester une nuit à Athènes. J’ai pas les billets d’avion pour rentrer chez moi. Le jour J, c’était trop cher. J’ai dû prendre pour le jour suivant. J’ai passé une soirée et un jour à Athènes. Je suis parti le lendemain.

De retour en France, vous êtes toujours à la recherche d’un projet ?

C’est vrai que ça n’a pas arrêté en termes de sollicitations médiatiques. Ma priorité, c’est de retrouver un nouveau club. De pouvoir passer à autre chose. De pouvoir enfin faire ce que j’aime : jouer au foot.

Avez-vous déjà eu des sollicitations de clubs ?

Pas énormément. J’en ai eu dans mon championnat en Finlande. Dans la même division, encore une fois. C’est vrai que ce n’est pas forcément ma priorité. J’ai déjà fait trois saisons dans ce championnat. Il va falloir y réfléchir. Après ce qui vient de m’arriver, je veux retrouver un peu de sécurité et de sérénité dans un club. Un championnat que je connais déjà. Pas un club que je connais déjà, mais un championnat que je connais déjà. Je n’ai pas eu d’offres de deuxième division, malheureusement. Juste pour l’instant, en troisième division. J’ai eu une offre en Croatie en troisième division. Mais ça m’a l’air un peu trop similaire à l’expérience que j’ai eu en Grèce. C’est pas ce dont j’ai envie non plus. À part ça, j’ai une possibilité en National 3 en France aussi. Mais j’ai encore envie de continuer à jouer à l’étranger pour l’instant. Je n’ai pas d’offres concrètes et je suis toujours à la recherche d’un club.

Vous n’avez pas été convaincu de prendre un agent pour vous accompagner dans vos démarches ?

Non, je pense continuer à démarcher le club moi-même. Mais par contre, je n’ai aucun problème à avoir recours à un agent si jamais il peut m’aider pour un transfert. Je suis actuellement même en contact avec des agents qui cherchent des pistes pour moi. Et s’ils viennent en me disant, « on a un club pour toi », à ce moment-là, on travaillera ensemble sur ce projet-là. Et si ça se passe bien, pourquoi pas travailler ensemble sur le long terme. Mais pour l’instant, non, je n’ai pas d’agent et ça va comme ça.

Vous avez porté plainte en France contre le club grec…

On a porté plainte contre X avec mes avocats. Et les démarches judiciaires vont être mises en place dans les jours qui viennent. Je laisse le dossier entre les mains de mes avocats.

Pour quel motif vous avez porté plainte ?

Pour plusieurs raisons. Il y a escroquerie de la part de l’agent. Ensuite, il y a une agression physique en Grèce. Ça, c’est de la part du club. Ensuite, il y a le préjudice financier aussi, puisque je n’ai pas touché l’argent qui m’était dû là-bas. Et j’ai aussi payé mes billets d’avion, qui n’étaient pas censés être payés par moi.

Vous avez bon espoir que la plainte aboutisse ?

J’espère, parce que c’est vrai que j’ai le soutien de la FIFPRO aussi, avec qui j’ai pu rentrer en contact et qui est à fond derrière moi. Et puis, c’est vrai qu’avec toute l’ampleur médiatique qu’a pris cette affaire… J’ai reçu énormément de soutien. Donc, j’espère que ça va pouvoir aller au bout. En tout cas, au-delà de l’aspect juridique, ce qui m’a fait vraiment plaisir, c’est que j’ai pu avoir au téléphone un joueur qui était encore dans l’équipe en Grèce et qui m’a raconté qu’après tout ce qui s’était passé dans les médias, le lendemain, les joueurs ont décidé de faire grève. Ils ne se sont pas entraînés. Ensuite, ils ont eu une rencontre avec les supporters qui sont venus parler dans leur vestiaire pendant 45 minutes. Ils leur ont demandé si tout ce que j’avais dit était vrai. Et là, la parole s’est libérée dans le vestiaire et même les Grecs ont commencé à dénoncer leur situation. Ils se sont plaints de leurs conditions de logement, de leur salaire, etc. Les supporters ont tous dit qu’ils étaient vraiment désolés, qu’ils n’étaient pas au courant de cette situation et qu’ils allaient maintenant tout faire pour que ça change. C’était déjà un point positif et si ça peut permettre à mes coéquipiers d’améliorer leurs conditions de vie. Ce sera déjà une victoire quelque part.

Vous pensez que les supporters peuvent vraiment faire changer les choses ?

Je n’ai pas été en contact moi-même avec les supporters, donc je ne sais pas concrètement ce qu’ils vont faire. Le contact que j’avais dans ce club qui m’a raconté ça, il est maintenant parti parce que c’était aussi un étranger. Les supporters attendaient que le président revienne parce qu’il était parti à Athènes. Et ensuite, ils allaient prendre les mesures nécessaires pour que ça change dans le club. J’espère qu’au moins, le président sera démis de ses fonctions.

Est-ce que vous espérez que le club soit sanctionné ?

Je n’en veux pas au club, j’en veux juste aux dirigeants qui m’ont attaqué. Parce que j’ai reçu par exemple des messages de soutien d’anciens joueurs de ce club, des supporters de ce club, des gens qui avaient honte de la manière dont j’ai été traité. Et je me doute que ce président, ce directeur sportif et son garde du corps ne représentent pas le club. C’est juste des incompétents qui sont à la tête de ce club, mais ce n’est pas la faute du club en lui-même.

Si la situation pour votre contrat est réglée en Grèce, vous pourriez retourner jouer dans ce pays ?

Tout de suite, ce serait compliqué je pense. Mais dans les années à venir, éventuellement, s’il y avait une situation stable et certaine qui s’offrait à moi, j’y réfléchirais. Parce que c’est vrai qu’au final, la Grèce, c’est un pays qui donne envie quand même. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de bien découvrir, mais à l’avenir, pourquoi pas, il faudra voir. En tout cas, pour l’instant, je dirais non.

«  C’est bien de rêver, mais on ne sait jamais ce qui peut vous arriver »

La personne qui géré ce transfert, c’était un agent qui avait un diplôme ou un intermédiaire ?

Non, c’est un intermédiaire qui se décrit lui-même comme conseiller sportif, mais il n’est pas du tout diplômé à la FFF. Il n’est vraiment pas compétent et j’ai reçu depuis beaucoup de témoignages d’autres joueurs qui sont passés par lui et qui ont connu des mésaventures aussi. C’est aussi pour ça que j’ai parlé, c’est parce que c’est important que ce genre de personne arrête de mettre des joueurs en danger.

Est-ce que vous avez des conseils à donner à ceux qui veulent faire comme vous au niveau de la carrière ?

Pour ceux qui veulent faire comme moi, il faut vraiment être un amoureux du football et extrêmement passionné. Comme on peut le voir dans l’interview que je viens de vous donner, c’est un parcours semé d’embûches et il y a beaucoup de surprises qui ne sont pas forcément positives. Il faut aussi savoir que financièrement, c’est très souvent compliqué, donc il faut être prêt à accepter une situation financière qui n’est pas forcément stable. On ne se retrouve pas tous avec des transferts qui valent des millions d’euros comme on peut voir à la télé. C’est vraiment une minorité de footballeurs. C’est vrai que vous allez pouvoir vivre aussi des moments magnifiques, voyager, découvrir de nouvelles cultures, etc. C’est très enrichissant. Mais il faut être préparé. C’est bien de rêver, mais on ne sait jamais ce qui peut vous arriver, il faut être bien conscient de tous les risques et de la réalité de ce métier-là.

Propos recueillis par Killian Ravon

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