C’est en misant sur Laporte et Le Normand, une charnière centrale 100 % d’origine française contrôlée… et snobée par les Bleus, que la Roja a amorcé l’esquisse d’un renouveau en gagnant la Ligue des Nations.
C’est l’histoire de deux jeunes joueurs français, l’un originaire de Bretagne, l’autre du Sud Ouest, qui rêvaient de devenir footballeurs professionnels. Jusque-là, rien de bien original au royaume de France. La suite emprunte des chemins plus originaux qui ont à voir avec les spécificités d’un système de formation français qui n’a pas daigné s’intéresser à eux.
« Toutes les portes se sont refermées en France à la sortie de mes années de formation, nous dit Robin Le Normand (26 ans), parce qu’on a considéré que je n’avais pas le profil pour devenir professionnel. »
Le constat fut le même chez Aymeric Laporte (29 ans), content de trouver un point de chute à l’Athletic Bilbao à 16 ans après avoir essuyé les refus des Girondins de Bordeaux quand Le Normand, pas conservé par le Stade Brestois, atterrissait aussi du côté espagnol du Pays basque, à la Real Sociedad (Saint Sébastien).
« J’ai juste su saisir l’opportunité offerte par la Real, un club formateur qui sait accompagner les jeunes jusqu’au plus haut niveau », se félicite Robin, avant d’enfoncer le clou : « L’Espagne m’a donné une seconde chance ! » Titulaire indiscutable en Liga depuis quatre ans, Le Normand a marché sur les traces de Griezmann, lui aussi passé par la case Real Sociedad pour réaliser un rêve que, depuis Mâcon, l’OL lui avait aussi refusé.
Sauf que Grizou, rapidement récupéré par Deschamps en équipe de France, n’a jamais été tenté de basculer définitivement du côté espagnol au contraire de ses deux compagnons d’exil.
« On rêve tous de l’Équipe de France » Le Normand (en décembre 2021)
Pourtant appelé dans toutes les sélections de jeunes françaises, depuis les U17 jusqu’aux Espoirs, Laporte pensait toucher au but en étant convoqué avec première cape le 15 juin dernier pour la phase finale de la Ligue des Nations, remportée face à la Croatie en finale, est davantage l’aboutissement inespéré « d’un parcours très atypique », qu’une revanche sur ceux qui n’ont pas cru en lui. Pourtant, il y a un an et demi, quand nous l’avions interrogé sur la trajectoire de Laporte, celle de Griezmann, sa réponse ne laissait encore rien deviner de ses intentions :
« Il serait bien présomptueux de ma part de me comparer à un international et à un champion du monde… même si j’espère suivre leur exemple. Car on rêve tous de l’équipe de France et je ne peux qu’espérer devenir moi aussi un jour champion du monde (rires) ! » A ce moment-là, il ne savait pas encore que ce rêve ne passerait pas par la France, mais par l’Espagne. Une habitude avec laquelle il a appris à vivre et donc à gérer sa carrière.
« Je suis un bosseur et j’ai l’impression d’avoir été récompensé. Je n’ai jamais rien lâché, je ne lâche jamais et je ne lâcherai jamais rien ! Je suis Français, ma famille est française, mais quand je regarde ma carrière ; où j’ai été formé, où j’ai réalisé mon rêve d’enfant ? C’est ici en Espagne ! » Le choix du coeur plutôt que celui du sol. Vamos !
Cherki, le prochain sur la liste ?
L’international Espoirs français de l’OL, Rayan Cherki, sera-t-il le prochain à tourner le dos aux Bleus ? Car si le statut de binational est courant chez des joueurs nés et évoluant en France, il concernait pour le moment surtout les pays africains. Dans ce registre, à Lyon, Houssem Aouar, déjà appelé à deux reprises par Deschamps, a récemment tourné sa veste pour enfiler le maillot algérien.
Pour ce qui concerne les sélections européennes, les exemples de Laporte et de Le Normand pourraient donner des idées à d’autres profils ou à d’autres sélectionneurs en quête de nouveaux joueurs. Ainsi de Cherki, pisté par Roberto Mancini pour rejoindre la Squadra Azzura. Son grand-père originaire des Pouilles lui permet en effet de pouvoir prétendre représenter l’Italie… le pays contre lequel il a débuté l’Euro Espoirs en Roumanie le 22 juin.