vendredi 19 avril 2024

Aurélien Tchouaméni, la pépite de Monaco décryptée

À lire

Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

En 2021, en s’imposant dans l’entre jeu de l’équipe de France vainqueur de la Ligue des Nations, en découvrant aussi l’antichambre de la Ligue des Champions avec Monaco, le meilleur espoir de L1, Tchouaméni la saison passée, formé aux Girondins de Bordeaux, a marqué les esprits.

Matthieu Chalmé : « On a persuadé Tchouaméni de sortir de sa zone de confort »

« Il fait partie des joueurs à très fort potentiel qui sont passés au centre de formation et pour lequel nous n’avons jamais douté qu’il puisse faire une carrière de très haut niveau. Posé, intelligent, on a toujours senti chez lui une grande détermination.

Il savait ce qu’il voulait. Il aurait dû rester plus longtemps avec nous, malheureusement son départ a été dicté par des contraintes financières. On savait de toute façon que s’il continuait de la sorte son avenir était assuré dans un des plus grands clubs d’Europe… qu’il ne tardera pas à rejoindre maintenant.

On peut toujours dire que sa voie était toute tracée, penser qu’il suffit de la suivre, mais il a eu le mérite jusqu’à présent de se l’ouvrir tout seul, d’y aller sans complexes et avec ambition.

Je l’ai coaché pendant un an avec la réserve, en le faisant jouer d’abord comme sentinelle dans un système en 4-3-3 où il était dans son élément, mais où il aurait pu jouer ainsi jusqu’à sa retraite !

Le but n’était évidemment pas là, plutôt de lui permettre d’étoffer son registre, de sortir de sa zone de confort. Il a fallu le persuader. On l’a donc fait avancer un peu, en l’obligeant à s’investir davantage dans l’animation offensive.

Au début, il était réticent et pas forcément content. Mais quand il a vu tout ce que ça pouvait lui apporter, il a vite enchaîné et adhéré. Rapidement, il a eu un déclic psychologique et a passé un cap sur le terrain. Comme c’est quelqu’un d’intelligent et en avance, au-dessus de la moyenne dans beaucoup de domaines, il en a vite recueilli tous les fruits. »

* Son coach avec la réserve des Girondins de Bordeaux

Bernard Diomède : « Tchouaméni a les moyens de franchir un autre palier… Tout de suite ! »

« Lorsque j’ai vu jouer Aurélien pour la première fois, il était avec la sélection U16 de Lionel Rouxel avec la génération Gouiri, Adli… dans une opposition face aux U17 que je coachais. C’est en suivant davantage Gouiri, car je cherchais un profil de joueur comparable que je n’avais pas dans l’effectif que j’ai remarqué Aurélien.

Je l’ai appelé pour la première fois en sélection avec les U20 en même temps que Todibo, Le Fée, etc. Parce que tous ses sélectionneurs précédents m’en ont dit le plus grand bien, j’avais pensé le surclasser avant mais, sans regretter de ne pas l’avoir fait, tout le staff de la sélection semblait impressionné par l’intensité qu’il mettait dans tous ses entraînements.

Il est ensuite parti à Monaco et nous l’avons eu avec nous pendant trois rassemblements. Sans surprise, sa progression, parce qu’il avait un vrai potentiel, la manière avec laquelle il a réussi à s’imposer en L1, à rapidement devenir un joueur important et remarquable. Il était de la génération Guendouzi, Cuisance, Soumaré… qui performaient tous au plus haut niveau. Quand je le retrouve ensuite avec l’équipe de France A… je me dis qu’il a énormément progressé.

Mais il est tellement passionné et motivé par ce qu’il fait, avec une telle maturité, que ce n’est pas étonnant. J’ai avec lui le souvenir d’un match face à la Norvège que nous abordons en 43-3 en étant dans un premier temps en difficulté pour presser. Il était venu me voir au bord du terrain pour me dire que ce serait mieux de passer à deux milieux.

Il était pourtant un des joueurs les moins expérimentés de l’équipe, mais n’avait pas hésité à parler tactique.

C’est significatif de son approche du football, de la confiance qui peut l’habiter, de sa réflexion. Touchameni reste un joueur complet, capable de jouer à tous les postes, en sentinelle comme en relayeur, car il a une grande capacité d’adaptation, justement parce qu’il aime la tactique, lire le jeu de l’adversaire, se projeter.

C’est un amoureux du jeu, des systèmes, des réflexions qui tournent autour de tout ça… En challengeant très vite les 98 et les 99, il a mis la barre très haute. Désormais, sa progression passe par sa capacité à intervenir dans un registre « box to box » à l’anglaise, un peu comme le faisait Steven Gerrard.

S’il excelle aujourd’hui dans la première relance, la conservation, la récupération, il a les moyens d’être plus efficace encore dans les trente derniers mètres adverses, pour marquer, faire marquer, finir ses actions, frapper au but car il a une très bonne frappe.

Il ne faut pas qu’il se contente d’être au coeur du jeu, assurer son équilibre, sans avoir plus d’influence offensivement.

Tchouaméni ne doit pas qu’il attende d’avoir 30 ans pour franchir ce palier qui lui permettra d’espérer succéder à des joueurs comme Pogba ou Kanté. Il faut qu’il le fasse tout de suite ! »

* Son sélectionneur en U20

David Dauvillier « l’Aurélien d’aujourd’hui est le même que l’aurélien que j’ai connu ! »

« J’étais président de la SJAB lorsque j’ai repéré pour la première fois Aurélien. Il est resté cinq ans et demi dans notre club et l’Aurélien d’alors est le même que l’Aurélien d’aujourd’hui, à savoir humble, modeste, respectueux, bon copain, presque effacé, et aussi discret en dehors des terrains que déterminé dessus !

Chez nous, il a de suite surclassé, parfois de deux catégories, à partir des U7-U8, persuadé qu’il allait percer car il était au-dessus du lot. Je dis toujours qu’il avait la tête et les jambes, un talent très mature dans le jeu, pour faire toujours les bons choix, et un équilibre psychologique qui lui venait d’un entourage familial extraordinaire qui a toujours été exigeant avec lui pour ses études. Il était hors de question qu’il les sacrifie, il les a toujours poursuivies en parallèle.

J’ai l’occasion de l’avoir de temps en temps au téléphone, il n’a pas changé et dès qu’il peut venir nous voir au sein du club, il le fait car il n’a pas oublié d’où il vient.

Il a commencé à être suivi par les recruteurs des clubs professionnels à l’occasion de la Panini Cup. Notre petit club s’était qualifié pour les finales nationales à Paris en battant les Girondins de Bordeaux en finale régionale sur un but… d’Aurélien. Face à de gros clubs comme Strasbourg, l’OM, l’OL…

Artigues faisait figure de petit Poucet, mais Aurélien n’était pas passé inaperçu. A notre retour, il a été pas mal sollicité et, avec le coach de l’époque, ainsi que ses parents, nous avons décidé de nous entendre avec les Girondins. C’était le choix de la proximité, souhaité par Ferdinand, son papa, et qui nous permettait aussi d’en profiter un peu plus longtemps. Au début, il continuait à jouer pour nous tout en s’entraînant une fois par semaine avec les Girondins.

Pour faciliter son intégration, le club avait pris quatre autres copains à lui qui l’accompagnaient aux entraînements, mais il était évident que c’est Aurélien qui les intéressait. Il a signé son premier contrat pro à 17 ans et depuis je suis fier de sa carrière. Je la voyais tellement venir… et je peux vous dire qu’on n’a pas fini d’entendre parler de lui. Il est aujourd’hui à Monaco, mais je le vois bien en Angleterre, un football qui lui correspond bien.

Je sais qu’il a déjà eu des contacts avec plusieurs clubs en Allemagne ou en Italie, mais la Premier League est faite pour lui. Avant, il a une Coupe du monde à disputer. Il avait du talent, il a beaucoup travaillé, en restant humble, il mérite de vivre tout ce qui lui arrive. »

*Son président à la SJ Artigues-près-Bordeaux

Lionel Rouxel : « Il a beaucoup travaillé avec la vidéo pour progresser »

« Il a gravi tous les échelons en étant appelé en sélections depuis les U16 jusqu’aux A. Je l’ai eu des U16 aux U19 avec un Euro U16 qu’il n’a pas pu faire en raison d’une blessure, et une Coupe du monde U17 en Inde, éliminés par l’Espagne. Je suis particulièrement heureux de sa réussite car Aurélien est un bon gars avec qui il est très agréable de travailler parce qu’il est à l’écoute et très sérieux, très équilibré à tous les niveaux.

Cet état d’esprit lui a permis de franchir tous les paliers, jusqu’au dernier qui lui a offert une place méritée dans le groupe France de Didier Deschamps.

En club, il a été performant la saison passée dans la durée et a confirmé cette saison… Pour toutes les générations qui arrivent, les plus jeunes qui rêvent de faire carrière, il est un exemple à suivre. Quand je l’ai découvert la première fois, sa première qualité était la récupération du ballon, sa capacité à être performant dans les duels.

Aller au contact, il aimait ça. Mais il fallait qu’il progresse dans son jeu sans ballon, dans ses déplacements, sur la première touche qui devait lui permettre de se mettre dans le sens du jeu.

Je le sais maintenant, il a beaucoup travaillé avec la vidéo pour progresser dans ce secteur. Mais, à 21 ans (il en aura 22 le 27 janvier, Ndlr), il est encore perfectible même s’il a déjà tout ce qu’il faut pour rester international. Il lui manque seulement un peu plus d’expérience.

Dans ce registre, son vécu en Ligue des Nations a été un accélérateur de performance pour lui. En dehors du terrain, il est à l’image de ce qu’il montre lorsqu’il joue : sobre, travailleur, discipliné, agréable dans l’échange et le dialogue, aimant plus que tout le football !

Ce tempérament l’amène à vouloir progresser tous les jours et, avec Didier Deschamps, il est entre de bonnes mains pour continuer sa progression.

Dans un milieu à deux, en box to box, avec un jeu de tête très intéressant, il peut se projeter aujourd’hui vers l’avant pour être présent dans la finition ou la dernière passe. Comme Pogba ou Ngolo Kanté avant lui, sans avoir besoin de se comparer à d’autres, il faut qu’il fasse du Tchouaméni et alors il pourra leur succéder avec bonheur. N’oublions pas qu’il n’a que 21 ans et une grosse marge de progression. »

*Son sélectionneur des U16 aux U19

L’info en plus sur Tchouaméni

En 2021, en s’imposant dans l’entre jeu de l’équipe de France vainqueur de la Ligue des Nations, en découvrant aussi l’antichambre de la Ligue des Champions avec Monaco, le meilleur espoir de L1 la saison passée, formé aux Girondins de Bordeaux, a marqué les esprits.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Actu

spot_img
spot_img

À lire aussi