vendredi 19 avril 2024

Bastien Chalureau (Montpellier) : « On m’a dit qu’on allait m’amputer de la jambe »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Formé au Stade Toulousain, le 2ème ligne du MHR Bastien Chalureau a fêté, contre l’Afrique du Sud, à 30 ans, sa première sélection. Une année de rêve avec un premier bouclier pour un joueur au parcours semé d’embuches. Entretien réalisé pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.

Bastien Chalureau a fêté sa première sélection contre l’Afrique du Sud le 12 novembre

« Ça a été une semaine particulière. Je ne savais pas si je partais en sélection ou en vacances. Philippe Saint-André m’a annoncé devant tout le groupe le matin du réveil musculaire à Toulon que j’étais pris. Ça a été une grande et une super surprise. J’étais très fier de porter ce maillot, de pouvoir représenter mon pays pour ce match contre l’Afrique du Sud. Je l’avais porté sur toutes les sélections jeunes, mais là c’était particulier. C’est vrai que j’ai 30 ans, mais il n’y a pas d’âge pour porter le maillot de l’équipe de France ! Mon parcours est très particulier et je l’assume pleinement. »

« La vie est faite de hauts et de bas et je savais que si je mettais tous les ingrédients de mon côté, je pourrais avoir la chance d’atteindre ce niveau-là. Je n’ai joué que 3 minutes contre l’Afrique du Sud, mais on m’a fait confiance sur une mêlée cruciale car il n’y avait alors qu’un point de différence. Ensuite, j’en ai joué 25 contre le Japon où j’ai pu faire mes preuves. Maintenant, je ne veux pas m’arrêter là. C’est un premier pas, le plus dur est d’y rester. »

Il a déjà joué une Coupe du Monde, en 2012, avec les juniors

« Le premier match, je me suis cassé le genou contre l’Argentine suite à un assassinat d’un Argentin qui m’a sauté dans le genou alors que je n’avais pas encore réceptionné le ballon. Verdict : rupture des quatre ligaments ! J’en garde donc un très mauvais souvenir. Aujourd’hui, j’espère jouer une autre Coupe du monde. Je ne m’en suis jamais caché même quand une erreur de parcours m’a envoyé à Perpignan qui descendait (en 2015/2016, Ndlr). J’ai toujours dit que je ferai la Coupe du Monde 2023 ! Tout est possible dans ce sport. Il y a de la casse, il y a besoin de monde. Sur le poste de 2ème ligne, il n’y a pas énormément de choix. »

Bastien Chalureau a failli perdre une jambe

« A Perpignan, je me suis cassé le même genou qu’en Coupe du monde. J’ai été opéré du croisé au Médipôle Toulouse, une opération banale. Malheureusement, j’ai attrapé un staphylocoque. Une semaine après l’opération, la cicatrice était boursouflée. Ils m’ont dit que c’était normal. Ça faisant comme un bouton qui avait besoin d’être percé. Ce que j’ai fait. A l’arrivée, j’étais infecté, tout mon quadri était rempli de pue. Un litre de liquide est sorti de ma jambe ! J’ai eu droit à un lavement. Ce devait être bon, mais non, car tous les cinq jours je repartais au bloc car ça se réinfectait ! Lors de la 6ème opération, l’anesthésiste m’a dit d’être fort mentalement car on allait sûrement m’amputer la jambe. Un moment très compliqué… Heureusement, ma jambe a été sauvée. »

Il n’aurait pas dû revenir au Stade Toulousain…

« Quand il y a eu ce problème sur Toulouse (mise à pied suite à une bagarre, condamné à six mois avec sursis, Ndlr), je suis tombé au fond du trou. Tout le monde m’a lâché sauf ma famille qui sait que je ne suis pas cette personne-là. On fait tous des erreurs. On a tous droit à une seconde chance. J’ai travaillé sur moi-même avec des gens qualifiés pour remonter la pente. Dans ces cas-là, il y a ceux qui touchent le fond et qui s’en servent pour monter encore plus fort et plus vite et ceux qui s’écrasent. J’ai choisi la première solution et je vois aujourd’hui la vie beaucoup plus sereinement. »

« Mais je ne suis pas amer visà-vis de Toulouse. C’est la ville où je suis né, où j’ai grandi, j’ai une attache particulière avec cette ville, même si elle ne m’a jamais réussi professionnellement. J’y ai encore beaucoup de copains que j’ai retrouvés en équipe de France et je les regarde souvent à la télé car ils ont une équipe formidable. Je remercie quand même Toulouse car ils m’ont repris quand j’étais à Nevers ce qui m’a permis de passer ce cap du Top 14 et d’ensuite m’épanouir à Montpellier où j’ai prolongé jusqu’en 2025. C’était logique car ce club m’a fait confiance dans un moment très compliqué. Revenir à Toulouse ? Je crois que j’y ai assez donné… (rires) »

A Montpellier, il a perdu 12 kilos

« J’ai toujours eu des facilités avec mon physique, donc je n’ai jamais vraiment travaillé. Sauf que là, c’était ma dernière chance de pouvoir jouer à ce niveau. Je me suis donc vraiment mis au travail ! J’ai fait attention à mon alimentation, à l’extra-sportif, etc, et ça a payé. J’ai profité du confinement pour travailler et arriver en forme. Ma copine est coach sportive, elle m’a donné des conseils et m’a tiré vers le haut. »

Le Challenge Européen, son premier titre en 2021

« J’ai fait toute la saison et je me suis cassé le pied pour les six derniers matches. Je n’ai donc pas pu faire les phases finales. J’ai vécu cette finale de l’extérieur. J’ai vibré pour le groupe, mais j’ai l’impression de ne pas l’avoir gagnée (18-17 contre Leicester, Ndlr). »

Bastien Chalureau était titulaire en finale du Top 14 en 2022

« C’est mon premier « vrai » titre. Mais le moment le plus dingue, c’est la demi-finale ! (1910 contre l’UBB, Ndlr). J’ai eu une remontée d’émotions. Je me suis remémoré tout mon parcours, toutes mes galères… En finale, au moment du coup de sifflet final, c’était différent. On était sûr de nos armes, déterminés à mettre du rythme et à clôturer le match le plus vite possible. Il y avait une cohésion totale avec le groupe. On était sur le toit du Top 14. On en a profité à fond, mais c’était une joie plus collective pour le premier Bouclier de l’histoire du club, avec toute une ville derrière nous. »

Il est adepte des tatouages

« J’en ai beaucoup ! Au début, j’étais anti-tatouages, mais suite à mes multiples opérations du genou où j’ai failli me faire amputer de la jambe j’ai commencé à me faire tatouer. Aujourd’hui, je dois en avoir une quarantaine dont le bras droit qui représente toute la galère de mon opération. Ça retrace tout ce qui s’est passé afin de ne jamais l’oublier, et que la vie peut vite tourner. Le reste, c’est beaucoup tourné sur la famille, leur soutien, quand j’ai eu mes galères, leur santé. »

Fabien Pelous, son modèle

« Il a été mon coach en équipe de France et surtout ça a été un 2ème ligne incroyable. Il était en avance sur son temps. Il jouait au ballon comme les joueurs aujourd’hui qui doivent sauter en touche, courir vite, etc. Quand j’étais jeune, on disait que j’étais la relève de Fabien Pelous… Aujourd’hui, j’aime bien un joueur comme le Sud-Africain Eben Etzebeth. »

Bastien Chalureau a connu la Pro D2 avec Perpignan et Nevers

« Toulouse m’avait proposé un contrat de deux ans, mais j’avais refusé, je voulais me renforcer rugbystiquement sur Perpignan. Sauf que quand j’ai signé, ils étaient encore en Top 14 et quand je suis arrivé ils étaient en Pro D2 et je ne pensais pas que je mettrai autant d’années (quatre, Ndlr) pour retrouver le Top 14. Mais j’en garde un bon souvenir. La Pro D2 forme le 8 de devant à du combat, à l’essentiel du rugby ; les mêlées, les mauls, avec des joueurs qui ont énormément d’expérience qui viennent souvent de Top 14. »

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