Malgré les insupportables insultes racistes dont il est trop souvent la victime en Liga, l’ancien joueur de Flamengo Vinicius, n’en finit pas de démontrer, à seulement 23 ans, qu’il a bien les épaules assez larges pour devenir le leader offensif du Real de l’après Benzema et du Brésil de demain. Le successeur de Neymar ?
Sa formation à Flamengo
Episode 1 : El Ninho do Urubu
Le n°20 du Real sort du Ninho do Urubu, en brésilien le « nid de vautours », comme on aime appeler à Rio de Janeiro le centre de formation du Flamengo. Elevé par sa grand-mère puis hébergé par son oncle à Aboliçao pour des raisons financières et matérielles issus du quartier de Muta ses parents ne pouvaient pas l’amener tous les jours aux entraînements -, Vinicius a rejoint Flamengo à 10 ans pour y rester huit ans et y être surclassé tous les ans. Ainsi, lorsqu’il participe au plus grand tournoi brésilien des moins de 20 ans, il n’en a que 17 et est déjà décisif.
C’est lors de cette coupe de la jeunessse de Sao Paulo que les premiers clubs européens se manifestent. Avant le Real, le Barça fut le premier à envoyer un émissaire ce qui pressa le club carioca à lui faire signer son premier contrat pro, à l’âge légal de 16 ans, d’une durée de trois ans, assorti d’une clause de rachat de 30 M€. Quatre jours après cette signature, le 13 mai 2017, c’est avec le numéro 20 que Vinicius a effectué ses débuts face à l’Atletico Mineiro de son idole, Robinho, au Maracana (1-1). A la fin du match, Robinho, conscient d’avoir été le témoin des premiers pas d’un phénomène, a demandé son maillot à Vinicius…
Episode 2 : Tout s’accélère
Dans la foulée de ses débuts très remarqués, si son contrat est prolongé de deux ans (jusqu’en 2022) et sa clause libératoire portée à 45 M€, c’est bien parce que le Real Madrid s’est mis sérieusement sur les rangs. 17 minutes de jeu chez les pros suffisent pour qu’il entre officiellement dans la galaxie merengue tout en restant, prêté, un joueur « mengao ». 14 jours se seront écoulés entre la signature de son premier contrat pro, le 9 mai, et celle qui le met sur orbite espagnole, le 23.
Quatorze jours qui ont changé sa vie. Trois mois après, il inscrit son premier but en Copa Sudamericana avec le Flamengo avant de disputer, et de perdre, ses deux premières finales, de la Coupe du Brésil (face à Cruzeiro) et de la Copa Sudamericana (face à Avellaneda).
La troisième sera la bonne, en coupe Guanabra la saison d’après, en marquant dès son entrée à la place de Lucas Paqueta. Mais c’est surtout pour ses grands débuts en Libertadores, l’équivalent de la Ligue des Champions en Europe, qu’il marque les esprits.
Ses deux buts marqués en sortant du banc alors que son équipe est menée 0-1 offrent la victoire à Flamengo et font de lui le plus jeune joueur de l’histoire de la compétition à inscrire un doublé. Il n’a pas encore 18 ans (17 ans, 8 mois et 10 jours) quand il atteint la barre des 50 matches. Il les a à peine quand il s’envole définitivement vers Madrid le 20 juillet 2018 où il est présenté aux supporteurs.
Son éclosion au Real Madrid
Episode 1 : De la Castilla à la Liga
S’il joue son premier match, de gala, lors du trophée Santiago Bernabeu face au Milan AC un mois après son arrivée, c’est avec la Castilla qu’il effectue ses premiers matches officiels avant de débuter en Liga le 29 septembre 2018 dans le derby madrilène en remplaçant Benzema en fin de rencontre… premier joueur né après le 1er janvier 2000 à évoluer avec le Real Madrid en compétition officielle.
Le premier but ne tarde pas, le 3 novembre face à Valladolid, puis le premier match de Ligue des Champions face à Viktoria Plzen (3-0), troisième plus jeune joueur de l’histoire du Real à jouer à ce niveau derrière Casillas et Raul. Avec Solari (qui a remplacé Lopetegui), puis Zidane de retour sur le banc, il ne terminera pas sa première saison madrilène, blessé à une cheville face à l’Ajax en Ligue des Champions… Si l’impression globale est mitigée, le bilan est toutefois satisfaisant avec 7 buts et 13 passes.
Episode 2 : La consécration
Son intégration affirmée, il a attendu un peu plus d’un an avant de vivre sa première grosse émotion, sous la forme d’un but, marqué face à Osasuna en Liga, le 25 septembre 2019, son premier depuis six mois et son retour de blessure. Si d’autres obstacles se présenteront, la suite confirme sa montée en puissance avec son premier but en Ligue des Champions face à Bruges, jusqu’à son premier coup d’éclat face au Barça le 1er mars 2020 quand il devance Messi… de 26 jours qui était jusqu’alors le plus jeune buteur de l’histoire du Classico à 19 ans et 259 jours.
Cette précocité record ne peut pas être un hasard. Convaincu qu’il est sur le bon chemin, Vinicius traverse la crise sanitaire avec la certitude que le meilleur est à venir. Champion d’Espagne pour sa deuxième saison, il franchit un palier en 2021/2022 en marquant 17 buts et délivrant 10 passes décisives en Liga, surtout en offrant la 14ème Ligue des Champions au Real.
Seul buteur de la finale face à Liverpool, Vinicius est élu meilleur jeune joueur de la compétition. Sa manière à lui d’entrer dans la légende du plus grand club du monde et de gagner le respect de tous ceux qui, longtemps, avaient émis des doutes sur ses qualités et son intelligence de jeu. Cette saison, après, et malgré, l’élimination en demi-finale de la Ligue des Champions face à City, valorisée 200 M€ sa valeur représentait 20% de celle de tout l’effectif madrilène.
La Seleçao et lui
Prévus en février 2019, reportés en raison de sa première blessure sérieuse, face à l’Ajax avec le Real, ses premiers pas avec le Brésil ont finalement lieu en septembre 2019 face au Pérou (0-1)… juste après le sacre en Copa America à domicile qui lui passa sous le nez.
Sans lui être imputée, la défaite n’encourage pas Tite à le titulariser dans un effectif riche en attaquants de talent avec Neymar, Richarlison, Everton, Firmino ou Gabriel Jesus. Sa chance aurait pu venir deux ans après dans la même compétition, sa première avec la Selaçao, mais ses performances trop neutres, malgré une titularisation en finale (perdue face à l’Argentine), prolongent le doute sur ses capacités à assumer l’immense héritage offensif brésilien.
Pour la Coupe du Monde 2022, Tite ne peut toutefois pas faire autrement que de faire confiance au champion d’Europe et d’Espagne sortant ; alter ego de Benzema et qui avait vocation à l’être aussi avec Neymar en sélection. Malgré un but (face à la Corée du Sud) et deux passes décisives, l’élimination surprise face à la Croatie en quarts de finale sonne le glas de ses ambitions mondiales et d’une année 2022 qui le fit entrer, à 22 ans, dans le cercle des meilleurs attaquants de la planète.
Tom Boissy