vendredi 29 mars 2024

Comment Karim Benzema (Real Madrid) a marqué l’histoire du foot

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Cette saison 2021/2022, Benzema participe à sa 17ème campagne de Ligue des Champions d’affilée (4 avec l’OL et 13 avec le Real). Et il n’en a bouclée aucune sans marquer au moins un but, un exploit inédit pour un joueur français qui lui permet, autant que ses quatre victoires en 2014, 2016, 2017 et 2018, d’avoir un statut bien à part dans la hiérarchie des meilleurs attaquants de la planète, juste derrière les deux extra-terrestres, Messi et Cristiano Ronaldo.

À 34 ans, l’ancien lyonnais est au sommet de sa carrière. Mais, pour en arriver là, le chemin a été escarpé, et marqué par trois grandes dates, trois grands moments charnières comme autant de virages qui lui ont permis, au final, de mieux assurer sa trajectoire. Témoin privilégié de son intégration et de son éclosion internationale en Espagne, l’ancien coach de la Real Sociedad, Raynald Denoueix nous aide à décrypter le phénomène.

2009, son transfert au Real Madrid : un nouveau monde

Le 1er juillet 2009, il a 22 ans quand il signe un contrat de six ans au Real Madrid… en même temps que Kaka et Cristiano Ronaldo, deux Ballons d’Or en puissance.

Au coeur d’un effectif XXL où règnent encore Raul, van der Vaart ou Higuain, puis Adebayor et Di Maria, il peine d’abord à se faire une place. Ironie du sort, le Real bute en 8èmes de finale de la Ligue des Champions face à… l’Olympique Lyonnais. Avec Pellegrini ou Mourinho sur le banc, son sort est souvent dépendant des autres, son statut encore fragile malgré quelques coups d’éclat comme son triplé face à Auxerre en Ligue des Champions.

Il faut attendre la troisième saison, ou plutôt les premiers titres, une Coupe du Roi en 2011 et la Liga en 2012, pour cerner un changement de posture.

De la part de la presse espagnole, il n’a pas le statut d’une star, sa régularité est appréciée autant que sa discrétion et son professionnalisme en interne où il demeure tout de même toujours dans l’ombre de CR7, deuxième meilleur buteur du club quatre saisons d’affilée derrière l’international portugais.

L’arrivée d’Ancelotti en 2013, au moins autant que la présence de Zidane dans le staff comme adjoint, va lui apporter ce supplément de confiance que ne lui a jamais vraiment offert Mourinho.

Benzema a conquis toute l’Espagne

Débarrassé d’Higuain, Benzema devient l’alter ego de Ronaldo, titulaire indiscutable et désormais indiscuté. Décisif dans la conquête de la Decima en Ligue des Champions (5 buts et 5 passes décisives), son jeu, enfin jugé à sa juste valeur, celle d’un attaquant capable de marquer comme de faire marquer, toujours utile, prêt à se sacrifier pour le collectif et… qui ne prend pas ombrage de l’extrême médiatisation de CR7, un coéquipier qui ne cesse de dire du bien de lui.

L’ancien entraîneur de Nantes, Raynald Denoueix, était consultant pour Canal+ aux premières années de KB au Real « quand beaucoup de commentateurs, la presse espagnole notamment, étaient sceptiques et assez critiques, et n’hésitaient pas à remettre en cause son talent dès qu’il traversait des périodes sans marquer de buts. Ce n’était soi-disant pas un avant-centre ! Or, on ne reste pas par

hasard avant-centre d’une équipe comme le Real Madrid. S’il n’avait pas été un super joueur, les premiers à le rejeter auraient été les joueurs eux-mêmes, ses coéquipiers. Si Ronaldo n’avait pas estimé qu’il avait un super coéquipier à ses côtés, il y a longtemps qu’il ne serait plus à Madrid. Or, il a toujours été incontestable en interne et incontesté. » La loi du vestiaire ne s’éloigne jamais de la réalité du terrain. « Ce fut aussi le cas en équipe de France, poursuit Denoueix. Cette approche est restée la même jusqu’au départ de Cristiano Ronaldo à la Juventus. »

2018, le départ de Cristiano Ronaldo : un nouveau rôle

Avant même de dire au revoir à CR7, Benzema avait eu la bonne idée de monter en puissance, d’amener son influence à des hauteurs encore inconnues par tous ceux qui avaient été les lieutenants du quintuple Ballon d’Or.

Des trois conquêtes en Ligue des Champions en 2016, 2017 et 2018, il avait pris toute sa part jusqu’à en devenir essentiel pour la dernière victoire, double buteur en demi-finale retour face au Bayern, et buteur en finale face Liverpool. Le relais était pris.

A 31 ans, alors qu’il volait déjà depuis longtemps de ses propres ailes, son horizon se dégageait qui allait lui permettre de monter encore un peu plus haut.

Benzema leader malgré lui du Real

« Et c’est tout sauf une surprise, poursuit Denoueix, parce que Benzema est avant tout un super joueur de football, moins parce qu’il marque des buts que parce qu’il comprend tout, et sait tout faire : marquer, faire marquer, jouer des deux pieds, de la tête, se déplacer intelligemment, défendre.

Car, non seulement il a individuellement le niveau mais en plus il améliore celui de l’équipe, quels que soient les joueurs avec lesquels il joue. Que vous lui mettiez Ronaldo, Mbappé, Griezmann ou un autre à ses côtés, son intelligence de jeu lui permet de s’intégrer dans l’animation…. Parce qu’il joue juste 9 fois sur 10 et apporte à l’équipe bien davantage que des buts.

Si même quand il ne marquait pas beaucoup de buts, son équipe, le Real, en marquait, c’était aussi parce qu’il participait à l’animation offensive, en étant souvent à l’origine des actions, à la construction des occasions. Même défensivement, comme il perd très peu de ballons, il n’est jamais un danger pour son équipe. »

Indispensable à Carlo Ancelotti

Si le Real post-CR7, et post Zidane, n’a pas encore retrouvé le sommet de l’Europe, il doit à Benzema, élu meilleur joueur de Liga en 2021, trois fois meilleur buteur du club, et à personne d’autre, surtout pas Hazard ou Bale, d’avoir réussi à aller chercher la Liga en 2020 et de n’être tombé qu’en demi-finale de la Ligue des Champions la saison passée, d’être encore en lice pour toutes les compétitions en ce début d’année 2022.

De retour au club, Carlo Ancelotti sait tout ce qu’il doit à son Francés : « Il est comme le bon vin, il se bonifie avec le temps. » A 34 ans, il est devenu l’incontournable leader et capitaine des Merengues, une icône supérieure à la trace laissée par Zidane dans l’esprit des socios. C’est dire. Et ce n’est pas fini. En fin de contrat en juin 2023, les dirigeants madrilènes lui ont déjà envoyé des signaux pour le faire prolonger…

2021, son retour en Équipe De France : un nouveau statut

Privé de l’équipe de France depuis 2015 en raison de l’affaire de la sextape avec Valbuena, en fallait-il plus pour convaincre un Didier Deschamps déjà assis sur une génération championne du monde, et pas vraiment en manque de leaders offensifs.

Ce tour de force, contre vents et marées, et pas mal de maladresses dans sa communication, Benzema l’a réalisé grâce à son travail et à son talent. Face à l’évidence des chiffres, à une pression populaire grandissante, et l’imminence d’un Championnat d’Europe, pouvait-il en être autrement ?

« Arrêtons de juger tout le temps, essayons de comprendre plutôt ce qu’il peut apporter à cette équipe, nous dit Raynald Denoueix. C’est un super joueur de football et à partir de là, tout est possible. Même si l’équipe de France n’a pas gagné l’Euro, elle a montré qu’elle pouvait être efficace lors de la Ligue des Nations.

On parle beaucoup des trois de devant (Griezmann, Mbappé et Benzema) mais plus que de leur complémentarité c’est d’un équilibre collectif qu’il s’agit. Dans cette logique, Benzema a déjà démontré qu’il pouvait rendre l’équipe meilleure. Et heureusement car on parle quand même d’un des meilleurs attaquants de la planète ! Mais pas lui tout seul, lui avec les autres… »

Denoueix rend hommage à KB9

L’acte manqué de l’Euro 2021, malgré un très bon KB (4 buts), annonçe la mise sur orbite pour la Ligue des Nations, son premier trophée avec les Bleus, pour une compétition où il a marqué son 32ème but et dépassé Zidane au classement des meilleurs buteurs des Bleus jusqu’à la déception de ne pas monter sur le podium du Ballon d’Or 2021.

Depuis, il en a rajouté quatre pour se rapprocher de Platini et rattraper le temps perdu… qu’il ne le sera pas forcément si son histoire tourmentée avec l’équipe de France s’enrichit d’une nouvelle conquête mondiale au Qatar en 2022. La saga Benzema n’est pas encore terminée…

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