Pour leur sixième participation, c’est avec l’ambition de sortir enfin de la phase de groupes que les Aigles de Carthage ont préparé le voyage au Qatar. Mais aussi avec les doutes nés d’une dernière Coupe d’Afrique des Nations bien décevante. La Tunisie joue gros au Qatar.
Habituée des phases finales depuis 1998, nonobstant une parenthèse de deux éditions en 2010 et 2014, la Tunisie n’aborde pas pour autant le rendez-vous qatari en confiance.
Avec un seul quart de finale de CAN comme référence en 2022, en tant que meilleur 3ème de poule, battant le Nigeria en 8èmes de finale et en se faisant éliminer par le Burkina Faso, les Aigles n’ont pas beaucoup de certitudes. Remplacé après la déception du rendez-vous camerounais du début d’année, Mondher Kebaier a laissé sa place de sélectionneur à son adjoint, Jalel Kadri.
D’abord nommé par intérim pour digérer l’échec et se projeter sur l’avenir, le natif de Tozeur a été confirmé à son poste pour finalement accrocher la qualification après une double confrontation étouffante face au Mali.
Quatre ans après avoir cédé dans un groupe relevé avec l’Angleterre, la Belgique et le Panama, les coéquipiers du nouveau défenseur Merlu, Montassar Talbi, auront un programme a priori à peine un peu plus abordable avec le Danemark, l’Australie et la France.
A condition de rester performant sur ses points forts, à savoir l’organisation défensive, le bloc équipe et la solidité physique, tous les espoirs sont permis là. Kadri a réussi à trouver un équilibre, une vraie cohésion collective en s’appuyant sur l’expérience de joueurs évoluant pour la plupart en Europe.
Une lourde défaite face au Brésil inquiétante ?
Dans ce registre, jamais une sélection tunisienne n’avait abordé une Coupe du monde avec autant d’éléments jouant en dehors de la Tunisie, principalement en Europe.
Outre les « Français » Abdi (Caen), Talbi (Lorient), Khaoui (Clermont), Zemzemi (Niort), Khazri (Montpellier) ou Touzghar (Ajaccio), Dräger est en Suisse (Lucerne), Rekik (le frère de l’ancien défenseur… néerlandais de l’OM) et Kaib aux Pays-Bas (Sparta Rotterdam et Heerenveen), Kechrida en Grèce (Atromitos), Achouri et Slimane au Danemark (Viborg et Bröndby), Tounekti en Norvège (Haugesund), Ben Lamin en Suède (Sodra), Skhiri et Haddadi en Allemagne (Cologne et Greuter Fürth), Laïdouni en Hongrie (Ferencvaros), Ben Ouanes en Turquie (Kasimpasa), Mejbri en Angleterre (Birmingham), Rafia et Bronn en Italie (Juventus et Salernitana).
La diaspora s’étend aussi en Egypte pour les attaquants Ben Youssef et Jaziri et les défenseurs Maâloul et Mathlouthi, ainsi qu’en MLS, aux Etats-Unis, pour Khmiri. Dans ce contexte, l’une des clés de la réussite tunisienne se trouvera dans la capacité de son sélectionneur à réaliser l’unité, à fédérer des talents venus d’horizons aussi différents.
Même si elle a montré de sérieux signes de fébrilité lors du dernier match de préparation au Parc des Princes face au Brésil (1-5), après une victoire peu significative face aux Comores (1-0), l’ossature tunisienne autour de l’axe Talbi-Laidouni-Msakni ne manque pas de qualités.
Avec le solide Dylan Bronn, ancien capitaine du FC Metz et rescapé du Mondial russe en défense, avec Ellyes Skhiri, ex de Montpellier au milieu, avec le puissant Jaziri ou l’imprévisible Khazri en attaque, les trois locomotives, dans des styles différents, ont les moyens de porter les Aigles vers des altitudes jamais atteintes.
Reste à savoir désormais si le fort sentiment d’impuissance né de la lourde défaite face au Brésil de Neymar, l’expulsion de Bronn, le penalty bêtement concédé par Ladouni et le manque de maîtrise émotionnelle générale seront digérés le 22 novembre pour le premier match, forcément capital, face au Danemark. Reste à savoir si ce revers majuscule est le symptôme d’un mal profond ou la promesse d’une réaction salutaire…
Son calendrier
22 novembre : Danemark Tunisie à 14h
26 novembre : Tunisie Australie à 11h
30 novembre : Tunisie France à 16h
Comment la Tunisie s’est-elle qualifiée ?
C’est notamment en profitant de l’étonnant faux pas (1-1) de la Guinée équatoriale en Mauritanie lors de la dernière journée, que la Tunisie a terminé 1ère de ce groupe B. Même si son succès face à la Zambie (3-1) et un goal average particulier favorable avaient offert un net avantage aux joueurs de Kadri. Encore fallait-il se débarrasser ensuite du Mali en match de barrages, ce qui fut fait non sans difficulté après une victoire à l’aller à Bamako (1-0) et un nul au retour à Tunis (0-0).
Le joueur à suivre : Mejbri a tout d’une star
Formé en France, à l’INF Clairefontaine, puis à Monaco, transféré à Manchester United en 2019, le milieu de terrain Hannibal Mejbri déjà appelé en équipes de France de jeunes a opté pour la Tunisie en 2021 et comptait déjà, à 19 ans, 16 sélections. Prêté à Birmingham cette saison, le natif d’Ivry sur Seine est annoncé comme la future star du football tunisien. Le Qatar sera son premier grand rendez-vous international.
Le chiffre : 2
Jusqu’à présent, les Aigles n’ont gagné que deux rencontres de phase finale de Coupe du monde, la première en 1978 face au Mexique (3-1), la deuxième en Russie en 2018 face au Panama (2-1).
Notre pronostic
Derrière la France, les Aigles de Carthage ont une belle carte à jouer, et surtout aucun complexe à faire face au Danemark et à l’Australie, deux styles de jeu anglo-saxons dont ils peuvent se défaire pour sortir enfin de la phase de groupes après cinq vaines tentatives. Et si tout se jouait le 30 novembre lors de l’ultime match face à la France ?
Tom Boissy