vendredi 13 décembre 2024

Cyclisme : payer pour voir le Tour de France ? Une idée folle ?

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Le président de l’UCI David Lappartient a suggéré cette idée que le public pourrait payer pour voir du cyclisme. Bonne ou mauvaise idée ?

Le cyclisme fait aujourd’hui partie de ces très rares sports où le public ne soit pas dans l’obligation de payer. En juin, le président de l’UCI David Lappartient, dans un entretien donné à Ouest France, a pourtant avancé l’idée de faire payer le public pour regarder du cyclisme et, par projection, pour repenser le modèle économique de ce sport. Celui-ci étant quasiment entièrement dépendant du sponsoring pour les équipes et des subventions pour la mise en place de courses moins importantes :

« Quand une course se termine par un circuit, c’est tout à fait compréhensible (de faire payer le public). Pour des championnats de France, des épreuves de Coupe de France, je ne serais pas choqué de voir des entrées payantes. La billetterie peut devenir une source supplémentaire de revenus. Quand j’étais président du GP de Plumelec, on avait fait l’entrée à 5 euros. Le public passionné de vélo avait compris que ça nous avait permis d’équilibrer les comptes, de faire vivre un événement pareil. On le fait pour le cyclisme sur piste, le cyclo-cross, pourquoi ne le ferions-nous pas sur route ? » a expliqué David Lappartient.

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Une billetterie spéciale pour le cyclisme sur route ?

On l’a compris, ce type d’idée est pour le moment circonscrit à certaines courses en particulier et n’a rien d’officiel. Néanmoins, face à cette perspective, le doute est bien ancré. Kjell Carlstrom, le manager d’Israel-Premier Tech, a son point de vue sur la question :

« Historiquement, le cyclisme a toujours été un sport ouvert au public. Pour le rendre payant, il faudrait alors vraiment qu’il y ait quelque chose de spécial d’associé derrière. Il n’y a qu’à regarder sur le Tour de France, le nombre de personnes présentes, et à quel point leur enthousiasme est fort à l’approche des coureurs. Alors peut-être que cela pourrait fonctionner avec la mise en place d’un événement spécial, comme la mise en valeur d’équipes et des coureurs par exemple. Pour avoir accès à cela, il faudrait alors payer. En théorie, cela pourrait peut-être marcher, mais tout dépend comment les choses sont faites ».

Pour Larry Warbasse, coureur d’AG2R Citroën, si on venait à emprunter cette voie, il ne faudrait surtout pas se tromper de cible : « Cela pourrait être bénéfique pour les organisateurs de courses, mais il faut aussi bien réfléchir de quel type de course on parle, si ce sont des circuits ou non. Il faut aussi songer au prix des billets. Il ne faut surtout pas non plus perdre de vue qu’un sport comme le cyclisme est accessible à tous. Vous pouvez vous rendre sur le bord des routes tout en regardant ce qui s’y passe. »

« C’est une belle chose car alors tout le monde peut continuer à regarder du vélo. Je crois que sur le Tour des Flandres ils ont tenté ce genre de procédé et que cela s’est ponctué par un certain succès. Dans l’idéal, il faudrait trouver le bon mix et cela pourrait marcher ».

Une expérience réussie sur le tour des Flandres

Cependant, pour David Moncoutié ancien coureur reconverti consultant, le processus semble bien compliqué à mettre en place : « Je suis de l’ancienne génération. Le cyclisme a toujours été un sport populaire. On passe devant les maisons. J’aimerais continuer à voir ce cyclisme populaire et gratuit. Après, je peux comprendre qu’il puisse y avoir un intérêt à faire payer. On peut le voir sur certains Critériums quand on commence à avoir une course fermée avec un accès difficile. Mais, à part des grosses organisations, cela ne sera pas évident de faire payer. »

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« Ou alors il faut être sur un circuit vraiment fermé et bien barricadé. J’essaie d’imaginer ce processus sur d’autres courses. Je me dis que cela serait quasiment impossible à mettre en place sur une course en ligne de 190 km. Dans des endroits stratégiques, peut-être…Toutefois, cette ferveur populaire fait partie de certaines courses aussi. On aime cela. Il faudrait trouver le juste milieu et ce n’est pas facile. Le vélo, c’est particulier, on traverse des villages, on emprunte des routes… ».

On a bien saisi que cette problématique est loin d’être tranchée. On peut même se demander si la solution sera trouvée un jour. Derrière cette question se pose en toile de fond la continuité de l’existence du modèle économique du cyclisme, toujours en quête d’entrée de liquidités, excepté le sacro-saint sponsor. Faire payer le public ne peut en aucun cas résoudre totalement ce problème de fond. Pis, cela risquerait même d’écarter les gens du sport qu’ils chérissent tant.

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