Ils sont si peu nombreux les Français dans les staff des équipes de cyclistes. Les explications sont assez simples et toutes trouvées.
Ils sont quelques-uns, pour ne pas dire très peu, à officier actuellement dans une structure étrangère de top niveau. Cela s’étend même au cyclisme féminin. Nicolas Marche a récemment rejoint l’UAE Team ADQ, l’équipe World Team émiratie féminine.
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Les cas sont très isolés. Au sein des formations ProTeams comEn World Tour, Christian Guiberteau a signé son retour chez DSM-firmenich, une équipe néerlandaise qu’il connaît bien, pour y avoir été membre entre 2011 et 2015. Yvon Ledanois est lui directeur sportif chez Movistar. « Je me rends là où on me donne la possibilité de travailler et où les propositions me sont faites » souligne-t-il en gardant pour lui les raisons qui l’ont poussé à retrouver l’équipe de Unzue.
Des choix humains et de compétences
Quelques semaines après avoir officialisé son départ d’Arkéa Samsic, le natif de Montreuil a retrouvé un poste dans cette équipe espagnole où il a officié en 2011-2012. Le cas de cet ancien coureur est intéressant dans la mesure où il a connu des structures françaises (Arkéa-Samsic) et étrangères (Movistar, BMC…).
« Aujourd’hui, que vous soyez chez Arkéa, Movistar, Cofidis, avec leurs directeurs sportifs, leurs entraîneurs, leurs médecins, leurs mécanos ou dans une autre structure de ce niveau, elles sont toutes différentes, avec des hommes différents à l’intérieur, ainsi que des fonctionnements de travail différents. Chaque équipe a son empreinte. »
« Après, toutes ces structures ont cela de commun qu’elles sont professionnelles à tous les niveaux. Finalement ce sont les choix humains qui inter-agissent surtout. On apprend des choses émanant de cultures différentes, des façons de travailler différentes. Pour s’en rendre vraiment compte, il faut aller travailler à l’étranger. Et pour aller dans cette direction, il faut faire l’effort d’être bilingue ou trilingue. Sans cela, on ne peut pas découvrir une autre culture et on ne travaillera qu’en France en ne faisant que du franco-français ».
« S’il n’y a pas beaucoup de directeurs sportifs français qui travaillent à l’étranger, c’est en grande partie car ils ne parlent pas la langue »
Pour celui qui a fini 10ème de la Vuelta en 1997 (en gagnant une étape), il n’y a pas d’exil possible sans avoir emmené avec soi son bagage linguistique : « A la base, on fait le même travail que si on évoluait dans une équipe française, rappelle Ledanois. Sauf qu’on a une obligation de parler des langues étrangères. Ensuite, le travail opéré chez Movistar, AG2R Citroën ou ailleurs reste le même pour un directeur sportif, à quelques petites différences près. Par définition, un Français qui part travailler à l’étranger est dans cette obligation de parler la langue dans le pays où il se rend. En France, si vous êtes directeur sportif français, à part parler le français naturellement, on ne vous oblige pas à parler d’autres langues. »
« Une grande différence se fait donc au niveau linguistique. S’il n’y a pas beaucoup de directeurs sportifs français qui travaillent à l’étranger, c’est en grande partie car ils ne parlent pas la langue. A partir du moment où vous n’êtes pas bilingue ou trilingue, vous n’allez pas recevoir de propositions de l’étranger. Pareil dans l’autre sens. Tous les étrangers qui travaillent dans les structures françaises parlent notre langue. Au niveau langues, le Français n’est pas un très bon élève. A partir du moment où vous travaillez dans une structure World Tour avec différentes nationalités, il est normal de parler plusieurs langues ».
Un problème franco-français avec l’ouverture au monde
Mais alors pourquoi ce déséquilibre ? « Le cyclisme français a pourtant une vraie force, insiste Ledanois. Sauf qu’en France, à un moment donné, on ne fournit pas l’effort au niveau World Tour pour s’ouvrir à d’autres cultures, pour apprendre d’autres langues. A mon sens, celui qui veut grandir dans le cyclisme actuel, se doit d’être bilingue ou trilingue. Il y a une culture aujourd’hui qui doit être inculquée au niveau des directions sportives. Car pour pouvoir communiquer avec des coureurs, si vous ne parlez qu’en français, que faîtes-vous des coureurs étrangers que vous recrutez s’ils ne parlent pas, eux, le français ? Vous ne communiquez pas avec eux ? »
Les directeurs sportifs français ont du mal à sortir de leur confort
« Pour autant, ce n’est pas pour cela que cela ne fonctionne pas dans les équipes françaises non plus ! AG2R Citroën gagne des étapes sur le Tour, Cofidis aussi. Et pourtant ils ont aussi des directeurs sportifs étrangers notamment Espagnols (chez Cofidis, Ndlr) qui s’expriment parfaitement en français ».
Et Yvon Ledanois de terminer son raisonnement : « C’est propre à chacun. Chaque coureur, chaque directeur sportif ou chaque membre d’un staff est libre de travailler où il le veut. Maintenant, dans les staffs, si on est si peu de Français à officier à l’étranger, c’est aussi parce qu’on est si peu à vouloir prendre le risque d’aller découvrir une autre culture, en résumé de découvrir autre chose. Certains aiment bien leur petit confort et ne veulent pas forcément tenter le challenge pour aller voir autre chose. Il y a beaucoup à voir avec une question de motivation personnelle ».
Le message est passé. Peut-être que cela incitera de nombreux autres dans le futur à faire les efforts en ce sens.