Des plus grands tremplins de saut à skis qu’il a domptés dans sa première vie sportive, aux cols les plus difficiles qu’il n’a commencé à escalader qu’à 22 ans, c’est dans les dénivelés extrêmes que le premier cycliste slovène à remporter un grand Tour, a construit sa légende.
Son enfance : de la Yougoslavie à la slovénie
Originaire de Trbovlje, une région célèbre pour sa toponymie variée et donc propice à l’entraînement, avec une forte culture vélo matérialisée par de nombreuses pistes cyclables, « Rogla » est allé au lycée et à l’université de Kranj, non loin de Ljubljana, la capitale d’un pays devenu indépendant en 1991.
Né en Yougoslavie d’un père ouvrier et d’une mère assistante de santé, il a donc grandi en Slovénie, skis au pied pour avoir passé toute sa prime jeunesse à Kisovec, à une heure de route d’un haut lieu du saut à skis mondial, le tremplin de Planica, où plus de 60 records du monde ont été établis, dont celui mythique de Toni Nieminen, premier à dépasser les 200 mètres. En 1994, Roglic n’a que 5 ans et donc des images de skieurs volants qui peuplent ses rêves d’enfant…
Ses années de saut à skis : champion du monde juniors
Vice-champion du monde juniors par équipes de saut à skis en 2006, champion du monde en 2007, le triple vainqueur de la Vuelta s’est aguerri aux exigences du haut niveau international en pratiquant aussi le combiné nordique. Primoz n’a que 8 ans quand il chausse des skis de compétition pour la première fois et de ne les délaisser définitivement au profit des vélos qu’en 2011, à 22 ans, le jour de sa dernière compétition ! Auparavant, à 15 ans, il s’était fait très peur en chutant lourdement sur ce qui était alors le plus grand tremplin de saut à skis du monde à Planica.
Ses débuts pros : d’Adria Mobil à Lotto NL
A l’âge où Bernal et Pogacar arrivent en jaune sur les Champs-Elysées, Roglic, lui, s’achète son premier vélo. Sa première victoire en 2015 dans le Tour de Slovénie, dans un registre de pur grimpeur, le met immédiatement sur orbite… seulement trois ans après avoir mis les skis de côté.
« Je n’avais pas de raison particulière d’arrêter le ski mais, en ayant découvert le vélo dans le cadre d’une rééducation après un accident de ski, j’ai rapidement accroché et aimé ça. »
Valorisé par des succès rapides, l’élan était pris. En passant pro en 2013 dans l’équipe Adria-Mobil qui évolue en Conti, Roglic se place sur une trajectoire qui ne cessera, dès lors, de monter. Recruté par la formation néerlandaise Lotto NL (ex-Jumbo-Visma) de Richard Plugge en 2016, il agrémente sa première saison en World Tour d’une première victoire de prestige dans un contrela-montre du Giro, son premier grand Tour. A 26 ans, tout le peloton pense découvrir un vrai rouleur…
Son ascension vers les sommets : arrivé de nulle part…
Premier Slovène à gagner une étape sur le Tour en 2017, la Vuelta en 2019, troisième coureur de l’histoire à l’empocher trois fois de suite, il est également le premier de son pays à remporter des médailles aux championnats du monde, l’argent en contre-la-montre à Bergen, et aux JO, en contre-la-montre toujours à Tokyo. Cette irruption relativement tardive pour un coureur n’étant pas passé par les catégories de jeunes interroge et alimente les soupçons. En 2016, un reportage télé le cite dans une affaire d’utilisation de moteurs cachés.
Venu de nulle part, il intrigue autant que son tatouage sur le bras droit, une croix avec une inscription en latin dont il disait au journal Libération « ne pas connaitre la signification exacte » sinon qu’elle était d’ordre religieux et qu’elle encourageait à faire le bien, « ce qui n’est pas toujours facile, mais j’essaye ! »
Ses grands succès : trois vuelta, une seule classique…
Son profil polyvalent le rend redoutable sur les courses à étapes. Depuis son premier succès dans le Tour du Pays basque en 2018, il compte 10 épreuves d’une semaine à son actif, dont le Tour de Romandie, le Critérium du Dauphiné, le Tour de Catalogne, Tirreno-Adriatico, Paris-Nice et l’UAE Tour. Vainqueur de trois Vuelta en quatre participations, il n’a pas d’autre bouquet en Classique que celui de LiègeBastogne-Liège en 2020 au nez et à la barbe d’un Alaphilippe trop pressé de lever les bras.
Premier coureur mondial en 2019 et 2020, 3ème en 2021, il a dominé le cyclisme mondial jusqu’à l’éclosion de son jeune compatriote slovène, Tadej Pogacar, qui l’a privé d’une première victoire dans le Tour qui semblait lui tendre les bras en 2020 pour moins d’une minute (59 secondes).
Ses grandes défaites : 2022, annus horribilis
S’il a rapidement dompté la Vuelta au point d’en faire son terrain d’expression favori, Roglic semble jouer de malchance sur les deux autres grands Tours. Troisième du Giro 2019 remporté par Carapaz devant Nibali, après avoir porté le maillot rose pendant les premiers cinq jours et gagné deux étapes, il ne s’est jamais remis d’un problème mécanique qui l’a obligé à prendre le vélo d’un coéquipier dans une étape de montagne clé où il chuta dans la descente du Col San Carlo.
Surpris par la révélation Pogacar l’année d’après sur le Tour, et devancé de 59 secondes au général après avoir porté le maillot jaune pendant onze jours pour le perdre dans l’avant dernière étape en c-l-m à La Planche des Belles Filles, ses 21 secondes de marge sont insuffisantes… En 2021, une lourde chute dans la 3ème étape lui fait perdre plus d’une minute sur les favoris et lui occasionne des blessures qui l’obligent à abandonner au lendemain d’une première étape alpestre cauchemardesque où il lâche plus de trente minutes.
Rebelote l’an passé sur les routes du Tour où il chute de nouveau lors de la 5ème étape Lille-Arenberg, cédant toute ambition de victoire finale et finissant par abandonner avant la 15ème étape pour soigner ses nombreuses blessures. Annus horribilis, 2022 se poursuit avec un nouvel abandon sur la Vuelta. Alors qu’il est leader après deux victoires d’étapes et peut espérer un quatrième succès, une chute à l’arrivée de la 16ème étape l’empêche de repartir le lendemain et offre un boulevard à Evenepoel.
Tom Boissy