Depuis 2018, la formation créée par la Fondation Alberto Contador continue de grandir. Après avoir mené la carrière de son frère, Fran Contador tente aujourd’hui de guider l’équipe italienne Eolo-Kometa jusqu’au World Tour. Entretien pour Cyclisme magazine et Le Quotidien Du Sport.
Quel bilan faites-vous du début de saison de votre équipe ?
Au niveau des résultats, on ne va pas se cacher, le début de saison n’a pas été à la hauteur des attentes. On a commencé à Valence puis le Tour de San Juan, en Argentine, et le Challenge de Majorque. On n’a pas eu les résultats que l’on espérait. Mais depuis Tirreno-Adriatico, l’équipe a réussi à retrouver l’image qu’elle arrivait à offrir ces dernières saisons.
Sur le Tour de Sicile avec Albanese et le Tour des Alpes avec Fortunato, on a réussi une bonne participation et une belle épreuve avec respectivement un podium (3ème) et un Top 5. On doit maintenant être optimiste pour les prochaines courses et notamment le Giro qui est le principal objectif de notre saison.
Pourquoi le Giro est-il un rendez-vous important pour votre équipe ?
Pour nous, être sur le Giro, c’est fondamental. C’est l’une des trois plus grandes courses au monde avec le Tour de France et la Vuelta. Avoir des sponsors italiens comme Eolo et Kometa, sans oublier des sponsors techniques, fait qu’être invitée et surtout être digne de ses invitations, c’est une responsabilité supplémentaire.
Notre projet doit passer par des grands Tours. C’est fondamental. On veut le faire bien et pourquoi pas réussir à remporter une étape comme cela a été le cas lors de notre première participation, en 2021, avec Lorenzo Fortunato.
Fran Contador prend son temps
Etes-vous fier de l’évolution de l’équipe ?
C’est un projet qui continue son chemin. Devenir une équipe professionnelle a été un grand tournant. Cela permettait la continuité d’un projet global qui ne date pas d’hier. Cela fait 10 ans et depuis la création de la Fondation Alberto Contador que l’on a réussi à s’installer avec notamment une équipe Junior et U23. On a ensuite été trois ans en Continentale avant de vivre notre 3ème année comme UCI ProTeam.
Chaque année nous fait franchir un cap. On gagne en expérience et en maturité. On le voit déjà depuis cette saison. Tout le monde sait comment courir avec les grandes équipes et être dans les grandes courses. Nous sommes désormais installé dans cette catégorie. On veut maintenant bien faire les choses pour encore avancer. On espère grandir encore à l’avenir.
Est-ce aussi précieux de grandir grâce à des coureurs issus de votre formation et vos équipes de jeunes ?
Après deux ans, c’est la première saison où nos nouveaux talents ne viennent pas de l’extérieur, mais de nos équipes de jeunes. Par le passé, on n’avait pas réussi à garder nos jeunes talents comme Enric Mas (Movistar), Carlos Rodriguez (INEOS-Grenadiers) ou Juan Pedro Lopez (Trek-Segafredo) voire Stefano Oldani (Alpecin-Fenix) et Matteo Moschetti (Q36.5 Pro). On a eu beaucoup de jeunes coureurs qui sont partis.
Et, finalement, cette année, nos talents come Fernando Tercero ou Davide Piganzoli sont restés chez nous. Ils continuent de faire partie de notre projet. Ils sont passés des U23 à notre équipe professionnelle. On est content d’avoir réussi cela.
« Difficile de trouver le nouvel Alberto Contador »
Quelle est la prochaine étape pour Eolo-Kometa ?
On veut continuer à grandir. On veut être une équipe encore plus compétitive, tout en maintenant nos valeurs et la manière de faire les choses, surtout dans nos catégories inférieures. Ce n’est pas négociable ! Nous voulons être dans le futur une équipe World Tour, avec la volonté de participer aux plus grandes courses du calendrier. On sait que ce ne sera pas simple. On travaille pour. Trouver des sponsors et des finances, ce n’est pas simple.
On sait la chance que l’on a d’avoir des personnes comme Alberto Contador et Ivan Basso à nos côtés. Nous avons une Fondation qui nous soutient. On peut également travailler le volet social et responsable avec des associations et d’autres partenaires. C’est tout aussi intéressant. On est confiant pour la suite de notre projet. On avance doucement, mais sûrement.
Etait-ce facile personnellement de passer de la gestion d’une carrière individuelle, avec votre frère Alberto Contador, à celle d’une équipe comme Eolo-Kometa ?
(Sourire) C’est différent. Ce sont des fonctions complètement différentes. Maintenant, je dois gérer de nombreuses personnes. 46 personnes composent notre équipe. Sans compter les 20 coureurs. Cependant, tout le travail que j’ai effectué avec Alberto Contador pendant sa carrière m’a donné de l’expérience. J’ai pu connaître le monde du cyclisme.
Après autant d’années dans le cyclisme, comment jugez-vous l’évolution de votre sport ?
Il a beaucoup changé depuis les années d’Alberto (sourire). Le cyclisme a surtout évolué au cours de ces 10 dernières années. Les coureurs arrivent de plus en plus jeunes sur le circuit. Avant, il y avait une progression constante et les coureurs s’affirmaient autour des 25 ans. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, il n’est plus rare de voir des coureurs de 19-20 ans qui brillent sur les plus grandes courses comme Pogacar, Evenepoel ou Rodriguez voire Ayuso. La maturité arrive plus vite.
« l’Espagne a vécu une période dorée »
Comment expliquez-vous que le cyclisme espagnol a du mal à retrouver un grand champion comme Contador, Valverde ou Sastre, ces dernières années ? Et espérez-vous découvrir le nouvel Alberto Contador qui permettra au cyclisme espagnol de retrouver les sommets ?
Je pense que l’Espagne a vécu une période dorée. C’est très difficile de retrouver un Alberto Contador, un Joaquin Rodriguez, un Alejandro Valverde ou un Carlos Sastre voire un Oscar Freire. On s’était habitué à cela en Espagne. C’était normal. Maintenant, il faut faire preuve de patience. De nouveaux talents vont arriver en Espagne. On doit être conscient que ce n’est pas simple de dénicher de nouveaux champions comme Alberto (Contador), capables de gagner le Tour, le Giro ou la Vuelta…
C’est difficile d’avoir un tel palmarès. Il suffit de prendre l’exemple du cyclisme français qui a offert de grands champions et qui est en attente d’un nouveau vainqueur de grand Tour, notamment sur le Tour de France. Mais le pays travaille pour y arriver et je suis convaincu que c’est pour bientôt.