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Un Chaudron, un phénomène (Nolan Traoré), un sorcier aux manettes (Julien Mahé), une saison de promu de folie (6ème), le président (depuis 2018) du SQBB dévoile, tout en gardant les pieds sur terre, les secrets d’un club pas comme les autres.
Le club n’avait plus disputé la Coupe d’Europe depuis 1991. Qu’avez-vous ressenti au moment de la retrouver ?
A l’époque, c’était la Coupe Korac. On avait gagné chez nous (69-57, Ndlr) contre le Pana avant de perdre chez eux au retour (77-62, Ndlr). C’est toute l’histoire de ce club que j’ai repris il y a 6 ans. On était en 3ème Division et plus proche du dépôt de bilan que de l’accession. On a gagné les play-offs alors qu’on sortait d’une saison catastrophique et on avait un déficit abyssal. Je m’étais engagé à résorber le déficit en deux ans et finalement on l’a fait en une année et on a décroché l’accession. On est donc monté avec un an d’avance en Pro B. On a vécu une saison compliquée Covid. On a eu l’arrivée de Julien Mahé en février 2020. La saison s’est stoppée. On était encore relégables, mais on avait une dynamique donc je pense qu’on se serait maintenu. En 2020/2021 et 2021/2022, on a fini 3ème. En 2022/2023 premier et champion avec le 11ème budget et la 13ème masse salariale. On est monté, ce n’était pas prévu. La Coupe d’Europe, c’est pareil. En Betclic Elite, tout le monde nous voyait redescendre. On a fait la Leaders Cup, ce n’était pas prévu, on a fait les play-offs, ce n’était pas prévu. On s’est retrouvé 6ème, ce n’était pas prévu et on fait une BCL et ce n’était pas prévu non plus ! L’objectif, avec nos moyens, c’était le maintien et rien que le maintien. La saison dernière, on avait le plus petit budget avec 3,6 M€. Dans une saison à trois descentes, on était voués à la relégation. Finalement, ça a fonctionné et on s’est retrouvé en BCL.
N’avez-vous pas peur que la Coupe d’Europe vous coûte cher en championnat ?
La saison dernière, Gravelines performait un “peu” en Coupe d’Europe, mais avait du mal en championnat. C’est le piège. Après, c’est compliqué de dire qu’on ne fait pas une Coupe d’Europe pour se concentrer sur le maintien. Prendre la place d’historiques comme Cholet, Dijon ou Strasbourg et faire une BCL en plus… Ce serait la FIBA Europe Cup, je me serais vraiment posé la question. Mais la BCL, c’est quand même dur à refuser. Même si, effectivement, ça peut mettre un petit danger sur le championnat. Pour le public, en tout cas, ça aurait été incompréhensible de ne pas la faire. J’ai confiance dans mon staff, dans mes joueurs. On a réussi à garder cinq joueurs de la saison précédente, on a fait des renforts poste pour poste qui logiquement sont plus forts. Après, se battre en BCL pour aller le plus loin possible au détriment du championnat, ça c’est non. Par contre, faire les phases de poules de BCL et un tour de play-in, ce n’est pas mettre le maintien en péril.
À lireLa NBA bientôt en Europe ? Le projet prend de l’ampleur !Vous avez battu Monaco d’entrée en championnat. Le rêve continue. N’avez-vous pas peur de redescendre de votre nuage ?
Monaco était affaibli, mais nous aussi puisqu’on n’a qu’un effectif de 11 joueurs et notre pivot polonais Dominik Olejniczazk était en congé paternité. On a donc joué à 10 sans une pièce maîtresse. Ensuite, on a gagné au Mans. Contre Nancy, on a été un peu bousculés, dans un match offensif qui n’est pas forcément la marque de fabrique des équipes de Julien Mahé. Trois matches, trois victoires, mais on savait bien que ça allait s’arrêter un jour. Et finalement ça s’est arrêté à Cholet par une grosse fessée. On a pris 21 points (82-59, Ndlr). En BCL, en Turquie, on a tout de suite vu qu’on ne pouvait pas gagner contre Pinar Karsiyaka (84-74, Ndlr). On a pris un petit coup sur le casque alors qu’on avait gagné de 30 points à la maison contre Rhodes (84-54, Ndlr). Ça y est, la période de grâce où on gagne tout, c’est fini ! Si certains pensaient qu’on avait quitté la réalité, on y est bien revenu en tout cas.
« Peut-on rester en Betclic Elite avec le Palais des Sports ? La réponse est non ! »
Xavier Bertrand, président du Conseil Régional des Hauts-de-France, ambitionne que le club joue à terme chaque saison les play-offs. Est-il dans la réalité ?
On a trouvé ça très ambitieux. Entre nous, – il est administrateur du club -, on peut se le dire. De là à le clamer… Si c’est l’objectif et qu’on y arrive, tant mieux. Avec les structures qui sont les nôtres, le budget qui est le nôtre, déjà si on fait un maintien facile, le plus rapide possible, ce sera déjà une belle prouesse. Que Xavier Bertrand ait envie de play-offs toutes les saisons pourquoi pas, mais il va falloir mettre des choses en place pour y arriver et ça passe par une vraie augmentation du budget, ce qui est loin d’être évident avec les moyens qui sont les nôtres aujourd’hui en termes d’infrastructures.
Cela passe obligatoirement par une nouvelle salle.
La nouvelle salle, c’est LE sujet. Le Palais des Sports est dans sa version 70. Sa capacité a été réduite il y a deux ans. On était à 3500 personnes. Là, on est tombé à 3200. 300 places en moins à chaque match, à la fin, ça fait un petit trou dans le budget. On avait des tarifs qui étaient historiquement bas, les plus bas de Pro B et la saison dernière les plus bas de Betclic Elite. On maintient ça parce qu’on est un club populaire, un club de terroir, de territoire, plus proche de clubs comme Limoges, Cholet ou Roanne que de Monaco, Paris ou l’ASVEL. C’est un basket populaire, accessible, festif. Le problème, c’est que dans un Palais des Sports limité il faut trouver d’autres ressources. On est passé de 3,6 à 4 M€ budget. Les collectivités territoriales nous aident déjà beaucoup donc on a du mal à demander plus. Et ce n’est parce que Lille a disparu en Pro B que les clubs auront plus. Aujourd’hui, on est passé de 400 à presque 600 VIP à chaque match. Il doit nous rester 30 places. Il ne faut pas trop augmenter les tarifs du grand public pour ne pas perdre cette culture populaire qui est quand même l’ADN du club. Selon moi, la pérennité et le développement du club passera par un nouvel écrin qui sera capable d’accueillir toutes les personnes que l’on refuse. On en refuse entre 1500 et 2000 par match.
Quand cette salle pourrait-elle voir le jour ?
À lireNBA : les Boston Celtics bien partis pour le « back-to-back »Une nouvelle salle à Saint-Quentin, c’est un serpent de mer. Là, il y a une vraie prise de conscience. Avant, on nous disait N1, Pro B… Quand le club est remonté en Pro B, on nous a dit : “C’est bien, mais il faut se maintenir”. Personne à l’époque n’osait parler d’accession en Betclic Elite. Moi le premier je n’y croyais pas trop. Finalement, c’est arrivé. On s’est dit qu’on n’allait pas s’exciter parce qu’on allait vite redescendre. Finalement, on se maintient avec une vraie dynamique. On vend entre 300 et 400 places par match en billetterie sèche. Elles partent en deux minutes ! Forcément, ça grogne. Il n’y a pas de places de dispo. Ça relance le sujet. Mais au niveau de la visibilité je n’en ai pas. Des études ont néanmoins été lancées pour sélectionner un cabinet pour nous accompagner et accompagner surtout la ville. En fonction du cabinet qui sera retenu, il y aura une analyse économique pour dire combien ça coûte de réaménager le Palais des Sports historique, que peut-on espérer en termes d’amélioration de capacité et à quel coût. L’option 2, c’est, faut-il faire une nouvelle salle ? Où ? Et à quel coût ?
Il ne faut pas une Arena luxueuse, mais une Arena style le chaudron du Portel. 5000 places minimum, 6000 ce serait bien, un grand salon avec 1000 VIP et du parking pour se garer, ça permettrait d’avoir des compétitions européennes, des Leaders Cup, des compétitions pour d’autres sports. Il ne faut pas que ce soit un nouvel outil exclusivement dédié au basket. Peut-être aussi récupérer des concerts avec des têtes d’affiches qu’on ne peut avoir pour l’instant avec un théâtre de 800 places et une salle de concert de 1400 places. Pour le basket, c’est utile, ça permettrait de pérenniser le club et d’avoir un budget plus en adéquation avec la division. Je suis conscient de toutes les contraintes, mais la question, c’est peut-on rester en Betclic Elite avec le Palais des Sports ? La réponse est non !
« Chaque belle saison que le coach réussit, c’est un risque qu’il parte »
Ça risque de prendre du temps…
Ce qui est important, ce n’est pas de l’avoir demain, mais de se dire qu’on va vers ça. Ça donne un objectif et ça rassure tout le monde sur ce que l’on veut faire. On sait qu’on a un déficit de structures en Europe au niveau des salles. En Allemagne, il y a beaucoup de salles, mais pas beaucoup de clubs qui cartonnent. Il n’y a pas une adhésion populaire. En France, on a un basket qui est populaire, mais on n’a pas vraiment d’écrins. On n’a pas de vraies belles salles ou alors elles datent un peu (à part celles de l’ASVEL ou de Paris, Ndlr).
En Espagne, il faut une salle de 5000 places pour jouer en Liga. Seriez-vous pour qu’on impose une jauge en France ?
Non, parce que pour moi, c’est toujours le sportif qui prime. Si on disait 5000 minimum, avec 3200 on serait exit. Je trouverais ça un peu dégueulasse. Par contre, qu’on incite ou qu’on encourage oui.
Julien Mahé a finalement prolongé jusqu’en 2026. Avez-vous eu peur de perdre votre coach ?
À lireNBA : pourquoi Zaccharie Risacher et Alex Sarr peuvent prétendre au titre de rookie de l’annéeC’est un contrat de deux ans avec des clauses. Chaque belle saison qu’il réussit, c’est un risque qu’il parte. Il est jeune, il a 40 ans, il brille. La carrière d’un joueur, c’est court, celle d’un coach c’est un plus long, mais c’est aussi ingrat. Vous pouvez être un top coach un jour et le lendemain… J’ai en tête Laurent Foirest. C’était la star. Puis boom Quimper, boom Levallois et il est à la poubelle (sic). Coach, c’est un métier ingrat, c’est le premier fusible. Donc si demain on n’a pas un vrai projet dans lequel il peut s’éclater, où il y a une vraie visibilité et dans lequel il peut s’épanouir et briller encore plus, qu’il aille ailleurs, je trouverais ça normal. Il a tellement apporté au club que, si un jour il a envie de partir, il faut le laisser partir. Sans lui, on n’en serait jamais arrivé là. Tous les succès, tous les miracles qu’on fait, on fait des choses extraordinaires avec des moyens ordinaires (sic) et c’est lui au quotidien qui gère les joueurs, qui coache, qui forme et donne le meilleur des jeunes.
Quand on n’a pas beaucoup de moyens, comment fait-on pour attirer un joueur comme Jerome Robinson qui a un gros CV (13ème choix de la draft 2018, 140 matches NBA) ?
La BCL nous aide. On n’a pas cassé notre tirelire. On avait un budget maxi. Il n’y a pas eu de négociation. C’était à prendre ou à laisser, on ne pouvait pas faire plus. C’est un joueur qui voulait se relancer. La Coupe d’Europe, c’est intéressant. Jouer avec Nolan Traoré alors que Nolan est scruté à chaque match, des gens viennent le voir des quatre coins du monde, ce n’est pas idiot non plus de faire une saison en Coupe d’Europe à côté de Nolan Traoré pour se relancer.
A contrario, vous avez perdu votre meilleur joueur Mathis Dossou-Yovo qui est parti en Allemagne. A-t-il fait le bon choix sportivement en signant à Oldenburg ?
C’est la philosophie que Julien a et que je partage complètement. On prend des joueurs qui sont mal considérés. A l’image de Hugo Besson ou de Mathis à Chalon, des joueurs qui ne sont pas forcément bien exploités et qui sont revanchards. Chez nous, ils vivent une cure de jouvence. Ils sont mis en confiance, ils performent et quand ils sont au top on est limité. Mathis, c’est fois deux en termes de salaire. Il a fait deux ans chez nous, il est allé au bout de son projet. Il a fini MVP. Une saison de plus pour faire quoi ? Il vaut mieux prendre un autre joueur qui soit un petit diamant brut à polir ou un joueur qui a besoin de se relancer. C’est un cycle perpétuel. On n’a pas les moyens de faire fois deux sur les joueurs qu’on a actuellement.
Les coulisses de l’arrivée de Nolan Traoré à Saint-Quentin
En parlant de diamant, le fait que Nolan Traoré reste a surpris tout le monde !
Qu’il vienne, c’était déjà une bonne surprise. Notre meneur américain était HS. On a essayé de faire venir des joueurs, mais on a essuyé quatre ou cinq fins de non-recevoir. Julien avait été voir Nolan au Centre Fédéral. Il l’avait sur les tablettes, mais pas forcément pour maintenant. Un soir, il m’appelle et me dit : “Si demain on confie la mène à un gamin de 17 ans, est-ce que ça te gêne ?” Je lui dis non. De toute façon il n’y a personne. On a récupéré Nolan. On a fait une jurisprudence car aucun joueur n’avait quitté le Centre Fédéral, le pôle France, pour venir en Betclic Elite. Une Commission s’est réunie à la Ligue pour voir si entre la Ligue et la Fédé on pouvait le faire ou pas. On a pu argumenter sur le fait que le Centre était un club à part, que Nolan n’était pas licencié dans un club de N1, mais à Charenton. Finalement, on a eu gain de cause. Il est arrivé chez nous le lundi et le vendredi on jouait Monaco et on a gagné ! Ça lui a donné un aperçu de ce que c’était Saint- Quentin parce que forcément c’était le feu. Le soir, quand il a été interviewé, il a tout de suite dit que c’était une ambiance incroyable, qu’il avait été bien accueilli. Ça a beaucoup joué parce qu’en fait on l’a sorti d’un confort et il est devenu professionnel chez nous. On a fait une bonne fin de saison. Il nous a beaucoup aidés. Il a fait des perfs. Ça a matché avec le coach, avec le préparateur physique. A l’intersaison, il avait plein de choix possibles, la NCAA, l’Australie, d’autres clubs de Betclic Elite. Mais on sait ce qu’on perd, mais pas ce qu’on trouve… Avec nos moyens, on n’était vraiment pas le club qui lui proposait le plus, mais au moins il savait que chez nous il serait meneur titulaire. Il connaissait le staff technique, le staff médical, l’environnement. Et puis c’est quand même plus sympa de jouer à Saint-Quentin devant 3000 furieux que dans une ambiance tristounette. Son avenir, on sait où il est, donc finalement je trouve que c’est très intelligent comme choix et très pertinent. Il fait une année de Betclic Elite pour s’aguerrir et pour être le mieux armé possible pour la saison prochaine plutôt que d’aller en Australie avec le risque de jouer moins ou à l’ASVEL pour être le 3ème ou 4ème meneur. Nous, on a un effectif réduit, on n’est que 11, donc forcément il va avoir du temps de jeu, des responsabilités. Il connaissait le coach, il savait qu’il allait grandir.
Est-ce la folie au niveau des scouts comme pour Wembanyama à Boulogne-Levallois ?
À lireIl y a 32 ans jour pour jour, le CSP Limoges marquait l’histoire du sport françaisOn en a toujours entre trois et cinq. Ça va monter en puissance. On avait eu un peu ça avec Melvin Ajinça la saison dernière. Je ne suis pas sûr qu’on soit au niveau de Wemby parce qu’on n’annonce pas Nolan numéro 1, mais plutôt dans le Top 5. Mais il suffit qu’il fasse quelques bonnes perfs. Une chose est sûre, à tous les matches, il y a des scouts, mais aussi des gens des franchises, le numéro 3 des Bulls est par exemple venu.
Vous avez l’impression d’avoir un petit phénomène !
Contre Rhodes, il a mis 20 points avec une aisance déconcertante. Mais il a encore des choses à ajuster, à corriger. Le staff travaille dessus.
S’il est drafté très haut, il va rapporter de l’argent au club…
Il y a un buy out et on aura un petit retour sur investissement.
Ce serait quoi une saison réussie pour Saint-Quentin ?
À lireNBA : Nick Smith Jr., héros des LakersSans faire le Guy Roux, avec les moyens qui sont les nôtres, même si on a un peu augmenté le budget, l’objectif est de se maintenir le plus vite possible. Après, tout le reste, c’est du bonus. Faire chaque saison les play-offs ou une Coupe d’Europe, ce n’est pas l’objectif. On sait qu’on a fait une saison un peu exceptionnelle la saison dernière et du coup c’est compliqué de refaire une saison pareille. Ce qui est important, c’est de se maintenir sportivement le plus vite possible, qu’on évite les mois de mars, avril, mai, anxiogènes avec beaucoup d’incertitude et des matches avec la peur au ventre. Ensuite, tout ce qui nous tombera dessus on prendra avec plaisir. Si on finit de nouveau dans le Top 8, ce sera très bien, mais ce n’est pas un objectif en soi. Chaque saison qui passe en Betclic Elite, c’est déjà un petit miracle avec nos moyens actuels. Ce qui est important, c’est tout ce qu’on peut faire pour ancrer et développer le club. Chaque saison, on fait des investissements.
Sentez-vous que le regard a changé sur le club, que peut-être même, pour certains clubs, vous êtes devenu un modèle ?
Quand on a fini la saison 2022/2023, pour certains clubs de Pro B, on était un modèle. Des présidents m’ont dit qu’on était un exemple, qu’avec le 13ème budget, on pouvait être champion. Ça a un petit côté Astérix. On peut être un modèle là-dessus comme aussi en faisant confiance aux jeunes, dans tout ce qui est relation avec les joueurs. On met un point d’honneur à ce que tout le monde se sente bien avec par exemple de super apparts. Notre plus grosse fierté, c’est qu’on est un basket de territoire, un basket populaire. C’est bien d’avoir du Monaco, du Paris, de l’ASVEL, c’est important de briller au niveau européen et d’avoir des clubs avec des moyens autrement plus conséquents, mais un petit SQBB qui fait des belles perfs et qui fait tomber des gros à la maison avec des moyens 4 ou 5 fois inférieurs minimum, ça peut être une belle histoire pour pleins d’autres clubs. Ça prouve que l’argent ne fait pas tout !
