vendredi 13 décembre 2024

Jean-Louis Legrand (ex international) s’en prend aux gardiens de l’équipe de France

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Considéré comme le meilleur joueur français à la fin des années 70, Jean-Louis Legrand l’ancien demi-centre (77 sélections entre 1971 et 1977), cinq fois champion de France avec la Stella Saint-Maur (1972, 1976, 1978, 1979 et 1980), coule désormais des jours heureux en Ardèche. Il nous livre sans langue de bois son regard sur le handball. Entretien réalisé pour Handball Magazine et Le Quotidien du Sport.

Que devenez-vous ?

Je suis à la retraite depuis fin 2016 après 40 ans passés chez Adidas. En septembre 2016, j’ai acheté une maison dans le sud de l’Ardèche. Je l’ai faite rénover en faisant deux chambres d’hôte et deux gîtes. Depuis 2018, je les loue (www.lepressoirdeladeveze.com, Ndlr).

Vous avez dû regarder le dernier championnat du monde. Qu’a-t-il manqué à l’équipe de France en finale contre le Danemark (29-34) ?

Ils ont réalisé de grandes parties jusqu’en finale. En finale, on a, à mon sens, manqué de gardiens. On est sorti d’une période extraordinaire avec Thierry Omeyer. Il était constant dans tous les matches. Desbonnet et Gérard sont capables de faire des parties sensationnelles, mais aussi de faire trois arrêts par mi-temps (sic).

C’est insuffisant pour être champion du monde. Gérard a fait gagner des matches aux Bleus, mais on ne peut pas jouer une finale sans gardiens. On ne peut pas continuer comme cela. Il y a des Jeux Olympiques qui se profilent. Quand on sait qu’un gardien est capable à lui seul de gagner un match… C’est une pièce essentielle. Toutes les grandes équipes en ont.

La finale perdue contre le Danemark, la faute aux gardiens

Où voyez-vous la relève au poste ?

Gérard a déjà 36 ans. J’aime bien le gardien de Montpellier (Charles Bolzinger, Ndlr). Il est grand (1m98, Ndlr). Bolzinger faut qu’il joue à haut niveau pour s’aguerrir et pour être décisif dans des matches importants. Il incarne l’avenir. Rémi Desbonnet est talentueux, mais un peu limité par sa taille (1m82, Ndlr). Il me fait un peu penser à Philippe Médard l’ancien gardien de l’équipe de France. Lui-aussi était vif, rapide et assez petit.

Vous pointez donc davantage le poste de gardien que la défense.

La défense a été effectivement moins performante que contre l’Allemagne (35-28) et la Suède (31-26). Contre ces deux nations, les joueurs étaient tellement présents physiquement dans ce secteur qu’on se demandait comment les adversaires pouvaient marquer. Cette sensation, on ne l’a pas retrouvée contre le Danemark. Pourtant, la défense n’a pas été mauvaise. Mais on n’a pas retrouvé non plus ces 10-15 minutes où elle était infranchissable. Autre point important, l’équipe de France a de très fortes individualités, mais elles nuisent un peu au collectif.

Nedim Remili a par exemple un bras exceptionnel. Il nous a fait gagner des matches grâce à son bras. Mais, selon moi, il est trop bouffeur de ballons. On pêche pas mal aussi sur les contre-attaques. C’est un domaine où les Suédois et les Danois sont eux, à leur avantage. Souvent quand la balle arrive à Remili, il fait trois, quatre dribbles, alors que s’il faisait plus circuler la balle, cela donnerait plus d’occasions de marquer.

Trouvez-vous que le handball reste un sport encore trop peu médiatisé ?

Par rapport aux résultats enregistrés, c’est scandaleux ! Quand on voit que dans L’Equipe cela ne fait qu’une page alors que les Bleus ont réalisé un parcours exceptionnel… Il n’y a pas vraiment d’étude de jeu non plus. Cette équipe mérite d’être aidée par les médias. Quand je note aussi que les débuts des championnats du monde se regardaient sur une chaîne privée, ce n’est pas normal non plus. Avec le nombre de licenciés qu’il y a. Tout le monde ne peut pas se payer BeIN… Si c’était sur une chaîne publique, on parlerait plus de hand et on développerait davantage ce sport.

« Les individualités ont pris le pas sur le collectif »

Vous avez été considéré comme le meilleur handballeur français des années 70, qu’estce qui faisait votre force ?

J’étais un fou de travail. Je menais une vie d’ascète et je bossais comme un dingue. Je faisais des séances supplémentaires en salle. ; Je m’entraînais à tirer dans toutes les positions, je faisais de la musculation. Je m’entraînais en permanence. Cela m’a permis d’être à ce niveau. Je venais une demi-heure avant l’entraînement et je restais une heure après.

Qu’est-ce qui fait la différence entre le poste de demi-centre actuel et celui de votre époque ?

Je pense qu’à mon époque on était plus collectif. Désormais, on voit principalement que les buts sont marqués après une ou deux passes. Les individualités ont pris le pas sur le collectif. Je peux prendre en exemple le circuit préférentiel entre Remili et Fabregas. Il y a moins de préparation d’attaque. Chose que font bien les Suédois et les Danois. Toute proportion gardée, notre jeu à l’époque se rapprochait plus du leur.

Guillaume Gille s’est sans aucun doute aperçu de cela. Je suis convaincu qu’il va mettre en place un travail plus collectif en se servant de ses individualités. Elles doivent être au service du collectif. On est déjà performants, mais on le sera encore davantage et on gagnera à participer à un jeu d’attaque car les ailiers sont davantage des finisseurs, mais ils ne participent pas pleinement au jeu d’attaque.

Pensez-vous qu’un joueur actuel a un peu votre style ?

Kentin Mahé. Il sent le hand. Il manipule bien le ballon. Mahé voit les situations. Il tire toujours à bon escient.

Jean-Louis Legrand ne digère pas la finale de 1974

Quelle a été votre plus grande joie dans votre carrière ?

Les deux finales du championnat remportées en 1978 et 1979 contre Dijon. Ils avaient pourtant un gardien très fort. J’avais pris le dessus sur lui. Il m’a dit que j’étais le seul joueur qui lui posait des soucis car il ne savait pas du tout où j’allais mettre la balle. Plus de quarante ans plus tard, on s’est revus. J’avais eu l’idée d’inviter chez moi en Ardèche tous les joueurs avec lesquels je m’étais bien entendu. On était sept, huit. Des moments inoubliables.

Et votre plus grande déception ?

Quand on a perdu la finale du championnat de France contre le PUC en 1974 (14-13). On était archi-favoris. Pour la plupart des joueurs, on était champions de France avant le match. On a perdu ! Cette défaite m’a aidé dans ma vie sportive et professionnelle par la suite.

Pourquoi après votre carrière sportive n’êtes-vous pas plus intervenu dans un sport dans lequel vous avez pourtant brillé ?

A cette époque, je n’ai jamais touché le moindre centime du hand. J’étais dans un club à la Stella où il n’y avait pas d’argent. Lors des matches importants avec l’argent récolté, le président organisait un voyage pour toute l’équipe. L’équipe se forgeait à ce moment-là. J’étais le meilleur joueur français à la fin des années 70. J’ai ensuite arrêté ma carrière en 1980 pour être chez Adidas. La décision a été vite prise pour embrasser cette vie professionnelle.

Un dernier mot sur Bruno Martini dont l’affaire a secoué le milieu du hand…

C’est intolérable et inexcusable malgré toute l’affection que je peux avoir pour Bruno. C’est un gardien que j’ai admiré. Mais, toucher aux enfants, c’est intolérable !

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