dimanche 16 mars 2025

Jeu « à la nantaise » : la grande époque du FC Nantes

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Il aura fallu attendre la 33ème journée de cette saison mythique pour voir les joueurs de Suaudeau s’incliner pour la première fois, à Strasbourg (0-2). Il y avait longtemps que les Canaris avaient pris une option sur leur 7ème titre de champion, le plus abouti et incontestable, le plus fidèle au jeu « à la nantaise », l’un des plus spectaculaires de l’histoire du championnat de France.

Le bilan est unique et sans précédent. Du 29 juillet 1994 au 15 avril 1995, le FC Nantes est resté invaincu en 32 matches de championnat (19 victoires et 13 nuls). Parmi eux, un a sans doute déclenché quelque chose dans l’esprit des joueurs de Suaudeau, à la Beaujoire, face au champion de France en titre, le PSG de Weah, Roche ou Ginola.

Ce jour-là, à la faveur d’un but d’anthologie de Loko, après un numéro d’équilibriste initié par Pedros, le FC Nantes gagnait 1-0 pour prendre une première place qu’il n’allait plus jamais lâcher.

« Nous étions les petits jeunes qui battaient le champion sortant, se remémore Patrice Loko 28 ans après. Nous étions premiers, personne ne nous attendait là, et personne n’imaginait qu’on allait pouvoir aller au bout, nous les premiers. Cette victoire a été une sorte de déclic car elle confirmait notre bon début de saison (4 victoires, 1 nul) et nous faisait prendre conscience qu’on pouvait battre les meilleurs. »

La philosophie nantaise, un style de jeu flamboyant

Et donc d’aller au bout… Dans un style tout en flamboyance offensive et générosité défensive, rapidement estampillé « jeu à la nantaise », les coéquipiers du capitaine Jean-Michel Ferri allaient enchaîner les victoires à domicile comme au bon vieux temps de Marcel Saupin quand leur aînés, génération Michel-Amisse-Baronchelli, mettaient au supplice des adversaires déboussolés par ce mouvement collectif perpétuel transcendé par le talent de ses individualités, en l’occurrence, Loko et Ouédec.

Les deux meilleurs buteurs (22 et 18 buts), mais aussi N’Doram (12 buts), Pedros, Makelele et Karembeu, tous devenus internationaux. Comme Ferri, homme de confiance de Suaudeau, relais moins glamour que ses jeunes coéquipiers, mais tout aussi indispensable pour assurer l’équilibre.

« On parle souvent de jeu à la nantaise à travers les envolées offensives et les buts, tient-il à préciser, mais notre jeu était avant tout basé sur la récupération. Notre force était d’aller chercher le ballon dans les pieds de l’adversaire le plus haut et le plus vite possible. »

Dans la course au titre, Saint-Etienne, Lens, Strasbourg, Metz, Lille, Martigues, mais aussi le PSG au Parc, Nice, Volvograd ou le FC Sion en Coupe UEFA subissaient le tarif maison 3-0 ! Débutée devant 15 000 spectateurs au coeur de l’été 1994 face à Lyon pour la première journée, la démonstration s’achevait devant 35 000 supporteurs en délire le 27 mai pour fêter le titre face à Cannes.

Ferri : « Une bande de potes qui ont tous explosé en même temps »

Entre temps, le travail de fond entamé par les formateurs nantais, parmi lesquels officiait déjà Raynald Denoueix, avait porté ses fruits au-delà de toutes les espérances.

« Nous étions une bande de potes qui se suivaient depuis le centre de formation, analyse Ferri, et qui allaient symboliser tout ce que représentait le jeu à la nantaise, avec deux techniciens exceptionnels, Suaudeau avec les pros et Denoueix à la formation. Ils ont eu cette capacité à nous faire progresser, à tirer le maximum de chacun. Et comme nous avons tous explosé en même temps, que nous étions de bons joueurs et de sacrés compétiteurs, ça a donné ce titre. »

Un titre pas vraiment comme les autres en raison du record d’invincibilité qu’il a généré et de la manière, très offensive et maîtrisée, avec lequel il a été acquis. L’art et la manière de marquer l’histoire.

« Ce titre, on le doit aussi à ce record qu’on a voulu amener le plus loin possible, se souvient Domininique Casagrande, à peine arrivé de National (Muret) et déjà à se faire un palmarès. Le coach et le capitaine nous en parlaient souvent avant les matches, et ça nous suffisait pour nous motiver. Cette quête nous a aidés à rester tout le temps mobilisés sur le match d’après, sans se projeter au-delà, sans penser au classement ou aux autres équipes qui nous suivaient. »

Dix ans avant le Barça de Guardiola, vingt ans après l’Ajax de Cruyff, rarement une équipe européenne avait réussi avec le même brio à exprimer la quintessence d’années de formation, d’apprentissage de ce football total et exigeant où le danger peut venir de partout, des déboulées de Karembeu, des chevauchées de N’Doram comme des inspirations géniales de Pedros, de la vista de Ouédec ou de Loko. Le Nantes de Suaudeau, c’était pas mal non plus.

« Je suis un grand fan du Barça, nous disait le grand inspirateur nantais il y a quelques années. Mais j’ai l’impression qu’à Nantes, à cette époque-là, nous avions trente ans d’avance ! »

Après l’Ajax de Cruyff, avant le Barça de Guardiola…

Entré un peu par effraction dans la maison jaune, passé en quelques semaines du statut de spectateur devant sa télé à acteur majeur d’un système dont il incarnait aussi toute l’insouciance, Casagrande n’en croyait pas ses yeux : 

« Je me régalais de les voir combiner de voir les déplacements, les appels de Loko, les remises de Nico (Ouédec), les dribbles de Japhet (N’Doram), les déboulés de Pedros ou Karembeu, avec Cauet, Ferri et Makelele aux manettes, c’était magique de vivre ça aussi vite après mon arrivée. Un privilège. »

25 ans après, à revoir les buts, à se remémorer les plus belles actions, la magie opère encore.

L’info en plus

Le record de 32 matches d’affilée sans défaite a été battu par le PSG (36), mais à cheval sur deux saisons, 2014/2015 et 2015/2016. Mieux, absents à Strasbourg, où les Nantais ont perdu leur invincibilité, Decroix, Pignol et Cauet sont restés invincibles, eux, toute la saison.

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