vendredi 29 mars 2024

Laurent Jalabert : « Les coureurs français sont trop casaniers »

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

C’est à l’étranger, pendant dix ans, que le célèbre consultant de France Télévisions Laurent Jalabert a construit sa carrière… là où si peu de ses compatriotes osent s’aventurer. À son grand regret.

Comment expliquez-vous qu’il y ait si peu de coureurs français dans des équipes étrangères ?

Lorsque je suis parti en Espagne après l’arrêt de Toshiba en 1991, beaucoup me disaient que ça allait être difficile, que la barrière de la langue allait rendre les choses compliquées, etc. En France, nous sommes trop casaniers et nous avons le sentiment forcément erroné qu’on y trouve ce qui se fait de mieux au monde.

Pourtant, j’en suis un bon exemple, c’est parfois utile d’aller voir ailleurs ce qui s’y passe. Ça vous enrichit, vous découvrez une nouvelle approche, une nouvelle culture, ça fait partie d’une ouverture d’esprit que tout le monde devrait avoir. Pourtant, l’expérience montre souvent que ceux qui s’expatrient ont souvent de la réussite.

Regardez Chavanel ! Il lui a fallu quitter la France pour découvrir les Classiques et s’apercevoir qu’il pouvait y être ambitieux. Mais il a dû attendre 30 ans avant de faire son premier Paris-Roubaix ou son premier Tour des Flandres. C’est dommage.

Laurent Jalabert : « À un certain moment on a besoin de se remettre en question »

On imagine que vous adoubez le choix de Romain Bardet de rejoindre DSM.

En tout cas je ne suis pas surpris qu’il ait eu envie de changer d’air, de sortir de cette routine qui finit par s’installer. A un certain moment, on a besoin de se remettre en question. Il n’y a qu’à écouter les commentaires de tous ceux qui considèrent que pour franchir un palier, et donc éventuellement gagner un grand Tour, nos coureurs devraient se mettre en danger en quittant leur zone de confort. Souvent, ça passe par un challenge à l’étranger.

L’étranger où le management est souvent plus agressif, moins humain qu’en France. Est-ce aussi un aspect qui explique la frilosité des Français à s’y confronter ?

Beaucoup de coureurs français entretiennent effectivement avec leur manager, leur formation, des relations de confiance construites dans la durée. On retrouve moins cette fidélité à l’étranger où les coureurs, sans être mercenaires, s’attachent moins à leur équipe, n’hésitent pas à partir deux ans, pour revenir ou tenter une autre expérience de courte durée dans un autre contexte.

Les coureurs français apprécient les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier et lorsqu’ils partent, c’est souvent par force… comme moi. Pourtant, c’est souvent payant.

« J’ai signé en Espagne parce que personne en France ne misait sur moi »

Vous ne vouliez pas quitter la France en 1991 !

Non, si j’ai signé en Espagne c’est parce que personne en France ne misait sur moi. Je n’avais pas le choix. A ce moment-là, il n’y a qu’à la Once qu’ils ont vu en moi un potentiel d’évolution important. Et lorsque j’ai voulu revenir en 2001, les directeurs sportifs français considéraient que j’étais trop cher. Alors

qu’aucun d’entre eux n’a entamé des discussions avec moi. Finalement, là encore j’ai été obligé de finir ma carrière au Danemark. Mais je ne regrette rien.

Que vous inspire le parcours de Julian Alaphilippe chez les Belges de DeceuninckQuick Step ?

Julian a la chance d’être dans un collectif où il y a abondance de biens. La concurrence est tellement forte qu’il est obligé de ne jamais se considérer comme un leader assis, comme cela peut être le cas pour les grands leaders français qui n’ont pas beaucoup de craintes pour leur statut.

Par exemple, je suis certain que Julian voit arriver Evenepoel avec appréhension car il voit bien qu’ils seront parfois ensemble sur des Classiques. Et là, il va devoir prouver que c’est lui le patron. Les leaders français ont moins de pression en interne et on voit que lorsqu’ils en ont ensuite sur les grands Tours ou les grandes Classiques, ils ont parfois du mal à la gérer.

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