En sports collectifs et dans le sport français tout court, personne n’a autant gagné que le handball. Pourtant, cette discipline reste assez confidentielle, ne suscitant l’intérêt du grand public que quand l’équipe de France joue.
Dominique Mercadier : « Le hand manque de figures charismatiques »
« En presse régionale, Ouest France est également très présent avec Nantes comme le Midi Libre avec Montpellier et Nîmes. Au journal, on traite les deux clubs au même niveau en fonction de leur parcours respectif en Coupe d’Europe. Ces derniers temps, on avait quasiment du hand tous les jours dans nos colonnes. Lors du dernier derby Montpellier/Nîmes, on a même fait plusieurs pages.
Concernant le traitement de ce sport au journal, il arrive en 3ème position derrière le foot et le rugby. Bien entendu que c’est bon d’avoir une figure de proue comme Guigou. Mais la seule icône en France du hand c’est Nikola Karabatic. Il dépasse le cadre du hand, car c’est le plus grand joueur de tous les temps et qu’il y a eu l’affaire des paris.
Concernant le souci de la médiatisation du hand, il y a plusieurs problèmes. Le premier concerne surtout le choix des partenaires télé pour la Coupe d’Europe. Même un quotidien comme L’Equipe donne beaucoup moins de place au hand et c’est bien regrettable. Sur un dernier derby entre Montpellier et Nîmes, il y a eu le résultat et le classement point barre.
Si le journal des sports en France ne fait pas le lien avec les clubs et les licenciés, c’est embêtant. La télévision, c’est loin d’être évident aussi. La plupart des retransmissions sont payantes. Le hand féminin, c’est carrément le néant (Sport en France retransmet néanmoins des matches de la Ligue féminine, Ndlr). Sans omettre qu’Eurosport a récupéré du hand pour s’assurer la couverture des sports d’hiver et du ski. Ils ont pris le hand dans le package ni plus ni moins.
Aujourd’hui, je serais président de club et de la Ligue, je me ferais du souci. Il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir de ce sport. La pandémie n’a pas aidé. Il y avait déjà pas mal de clubs qui étaient en difficulté avant la crise sanitaire. S’il n’y a pas de visibilité, il n’y a pas de raison d’avoir des sponsors non plus qui affluent. La plupart du temps, quand il y a conférence de presse à Montpellier, je suis le seul journaliste présent.
Les solutions ? Quand on négocie les droits télé, il faudrait peutêtre penser à récupérer moins d’argent, mais avoir davantage de visibilité. Ce qui s’est passé en Ligue des Champions dernièrement, c’est de la folie. On a deux clubs français au Final Four (Nantes et le PSG), et ce côté exceptionnel est passé inaperçu.
On n’a pas vu un match de Montpellier non plus sur le réseau officiel Eurosport alors qu’en début de saison l’EHF avait annoncé que ce serait sur la télé et non sur le player. Au moins BeIN met en valeur le handball. Face à ce problème de médiatisation, les joueurs ont peut-être aussi leurs responsabilités. On manque cruellement de figures charismatiques. On est loin de l’époque des Barjots. Le jour où on ne parlera plus de hand, et qu’au PSG au lieu de 18 M€ de budget, il sera de 3, le championnat français n’existera plus ».
Midi Libre
Thomas Villechaize : « La chaîne met en valeur le championnat comme jamais auparavant »
« Depuis 2012 et la création de la chaîne, le hand figure parmi le portefeuille de droits, l’un de ceux les plus forts. On a rapidement été diffuseur et partenaire des équipes de France et de la Fédération Française.
Avec la Ligue des Champions, cela faisait partie des droits premium qu’on voulait mettre en avant. Cela s’intégrait bien avec l’approche des investisseurs, et de Charles Biétry qui a fait du handball un sport roi. A l’époque, on a acquis rapidement les droits de la Ligue des Champions au même titre que ceux du football. On les mettait en valeur de la même manière.
Puis s’est présenté le championnat de France. On s’est positionné. On voulait être un acteur majeur et raconter une histoire. On arrivait au terme d’une ère dorée du hand français. Bref, on s’est toujours positionné aux côtés du handball français.
Sur BeIN, cela a toujours été clair : accompagner le hand et l’exposer de la meilleure des manières. Avec un vrai investissement et un engagement financier aussi, on a voulu mettre en lumière le championnat de France, pour le développer, comme cela n’avait jamais été fait dans toute l’histoire de la télévision française. Jusqu’à l’an dernier, on diffusait l’intégralité des rencontres de Starligue.
Cette année, on a diffusé les trois meilleures affiches par journée. L’histoire des droits a fait qu’on n’a pas continué l’aventure avec la Ligue des Champions. C’est ainsi. La chaîne a toujours été un moteur et un prisme par lequel le handball français pouvait s’exprimer de la meilleure des manières.
En 2017, quand la France bat la Norvège en finale aux Mondiaux (33-26), on a dépassé largement le million de téléspectateurs avec des pics à 1,5 million. On a toujours voulu offrir de la visibilité au hand avec cette volonté de démocratiser ce sport. Globalement, le hand est médiatisé à la hauteur du public. C’est un sport très populaire dès qu’il touche l’équipe de France. C’est aussi un sport de niche car il intéresse surtout les pratiquants. Contrairement au foot, le sport roi, qui est transversal et vertical, le hand est horizontal.
Après, il faut comparer ce qui est comparable. Cela étant, la médiatisation du hand en France n’a absolument rien à envier à celle du basket. BeIN a toujours privilégié la diffusion sur ses canaux premium et non sur une offre exclusivement digitale. Cela a eu pour effet d’anticiper la disparition totale de la scène médiatique française de la Ligue des Champions.
C’est le choix du diffuseur actuel. Je ne me prononce pas làdessus. Mais si je le fais en tant que téléspectateur je trouve cela déplorable de ne la mettre qu’en digital et donc accessible à une minorité. On parle alors d’une audience de 500 personnes par match sur le digital !
C’est ridicule et souligne la disparition totale d’un produit que nous avons, BeIN Sports, mis en avant pendant des années. Je trouve dommage de la part de l’EHF et du détenteur de droits de faire disparaître un produit aussi prestigieux ».
BeIN Sports
Philippe Bernat-Salles : « Il y a quand même eu des progrès »
« Malgré le palmarès inégalé dans ce sport dans notre pays, le déficit médiatique est un mal récurrent. Les explications sont multiples. C’est compliqué de voir du hand aujourd’hui.
Le championnat de France que j’ai représenté pendant huit ans en étant président de la Ligue essayait de trouver les meilleurs annonceurs afin de médiatiser ce sport. Il y a des progrès qui ont été faits, mais la situation reste compliquée.
C’est difficile d’accrocher les gens car il y a beaucoup de rugby, de foot. Derrière, il faut trouver les créneaux, que les chaînes veuillent investir dans un produit. Face à la forte concurrence, le hand, le volley et le basket, ce ne sont pas des sports prioritaires pour les annonceurs télé.
Quand j’étais président de la Ligue, la médiatisation était pourtant un dossier central. On essayait de trouver des partenaires, des annonceurs télé comme BeIN Sports et d’autres. On a fait du bon boulot pendant huit ans. Il y a quand même eu des progrès.
Le championnat est devenu la Lidl Starligue grâce à Michel Biero le patron de Lidl qui nous a accompagnés pendant très longtemps. Des clubs sont de mieux en mieux structurés et vont dans des phases finales de compétitions européennes. Ce n’était pas forcément le cas il y a dix ans.
Il faut espérer que cette embellie sur la scène européenne fasse venir de plus en plus de monde dans les salles et autour des caméras. C’est un travail de longue haleine ».
Ancien international français de rugby et président de la Ligue de Handball
Yann Hildwein : « Il manque une locomotive anglo-saxonne »
« Au journal, on a déjà réduit la pagination pour des raisons économiques. Je situerai le hand au milieu dans la gamme des sports qu’on couvre. C’est bien évidemment très loin derrière le foot et le rugby.
Mais le hand est davantage couvert que la plupart des sports individuels exceptés le tennis et le cyclisme, qui occupent une part régulière chez nous. Les sports mécaniques, la F1et la moto, c’est encore à part. La plus grande couverture en hand chez nous concerne nos équipes de France.
A partir de 2015 et l’arrivée de Karabatic au PSG, il y a eu effectivement cette volonté de couvrir davantage cette équipe. Cette saison, on a couvert davantage le PSG et Nantes en raison des résultats en Ligue des Champions.
En fonction de la pandémie, cette année, le championnat a été moins lisible aussi avec des matches reportés en pagaille, un passage à 16 équipes et des journées vraiment éparpillées. Si on élargit le débat, il est difficile aussi pour le hand de trouver sa place.
L’univers médiatique est saturé. En France, il y a beaucoup de sports de haut niveau. Avoir de bons résultats ne suffit pas toujours. Le hand est quand même sorti de sa confidentialité en raison des résultats de l’équipe de France. L’autre élément important étant qu’il manque aussi une locomotive anglo-saxonne comme peut l’avoir le basket avec la NBA ».
L’Equipe
Ne manquez pas Handball magazine, en vente ici ou chez votre marchand de journaux