Si le Stade Rennais n’a jamais vraiment envisagé de transposer en Bretagne le fonctionnement basque de l’Athletic Bilbao, ses axes de développement passent tout de même par la revendication d’une identité forte. De là à en faire un club 100% breton…
Parce qu’il est détenu par un milliardaire originaire des Côtes d’Armor, que son ADN est profondément ancré dans la culture bretonne et que son identité sportive est de plus en plus attachée à la formation des jeunes, le Stade Rennais est de tous les clubs français celui qui aurait le plus de facilités à copier le fonctionnement pour le moins atypique de l’Athletic Bilbao. Pour autant, comme à San Mames, imagine-t-on le Roazhon Park uniquement foulé par des joueurs nés en Bretagne, ayant des ascendances bretonnes ou ayant été formés dans un club basque ?
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« Au cours de notre histoire, cette possibilité a été envisagée à plusieurs reprises, rappelle Jacques Delanoé, ancien président du club, aujourd’hui à la tête du conseil d’administration. Mais ce qui était envisageable il y a une vingtaine d’années, avoir un maximum de joueurs du cru dans l’effectif, l’internationalisation du football l’a rendu impossible. »
Et l’ancien publicitaire, directeur d’Euro RSCG, à l’origine de la campagne « Breizizou » lors de la venue de la Juve en Coupe Intertoto en 1999 ainsi que de l’actuel logo et du Club des Deux Hermines pour fédérer l’économie locale autour de l’identité du club, de préciser, fataliste : « L’idée est séduisante, mais pas réalisable. » Pourtant, c’est vrai, dans cette quête idéaliste, les atouts des Rouge et Noir ne manqueraient pas.
Pinault adore le Stade Rennais
« Nous avons notamment la chance d’avoir un propriétaire, milliardaire et breton. M. Pinault et son fils veulent rendre à la Bretagne ce que la Bretagne leur a donné. Ce sont d’anciens supporteurs qui ont attachement affectif avec le club. Par rapport à un fonds d’investissement étranger, ça change tout ! »
Pas suffisamment néanmoins pour basculer totalement vers le côté… breton de la force ! Surtout depuis que le club est sur une trajectoire ascendante et européen régulier. Après avoir tellement galéré pour se stabiliser dans le haut de tableau de L1, le moment ne serait pas opportun de tout changer. Cette saison par exemple, un seul vrai breton fait partie de l’effectif, la recrue lorientaise, Enzo Le Fée.
On est loin du compte. A défaut, le Stade Rennais se contente de poursuivre sa politique de formation en restant un des clubs français les plus efficaces en la matière. La saison passée, il était le 6ème club de L1 en pourcentage de minutes disputées par des joueurs qu’il a formés.
Encore mieux, au 21ème siècle, il est le club qui a aligné en L1 le plus de joueurs issus de sa formation, de Romain Danzé à Julien Féret en passant par Jimmy Briand, Yann M’Vila, Ousmane Dembélé, Yoann Gourcuff ou Eduardo Camavinga, soit un total de 82 joueurs pour 3494 matches et 237 buts.
Le Fée, seul joueur breton de l’effectif
Parmi eux, 12 ont disputé au moins 100 matches ce qui signifie que leur apport n’a pas été anecdotique. Et s’ils ne sont pas tous nés en Bretagne, à l’instar de Bélocian, Omari, Doué ou Truffert, tous y ont été formés et se sentent chez eux dans un Roazhon Park qui sent bon la galette-saucisse. Car il y a d’autres façons de renforcer son identité que d’effectuer un recrutement 100% local ou régional.
« Depuis 1901, l’histoire du Stade Rennais parle pour lui, poursuit Jacques Delanoé, qui a été le premier club breton à gagner la Coupe de France et qui attaque cette saison sa sixième campagne européenne d’affilée, deuxième contributeur français aux points UEFA derrière le PSG. »
Pour la promotion de la Bretagne, il vaudra toujours mieux compter sur un club qui gagne avec des joueurs venus d’ailleurs que sur un club qui perd avec des joueurs du cru. Personne n’est dupe, qu’il soit Sénégalais ou Polonais, un joueur qui fait gagner le Stade Rennais sera toujours considéré comme Breton… surtout s’il a été formé au club. Ce qui est de plus en plus le cas depuis que la Piverdière tourne à plein régime.
Un stade plus grand pour rêver plus grand ?
En passant d’une moyenne de 23 000 spectateurs en 2016 à plus de 28 000 en 2022, pour une capacité de 29 000 places, la capitale de la Bretagne, 11ème ville de France avec 220 000 habitants, s’est offert le luxe d’un débat sur la pertinence de l’agrandissement de son stade. « Cette saison, à part face à Nice, on a affiché complet à tous les matches, se réjouit Jacques Delanoé, le président du Conseil d’administration. On fait de plus en plus de déçus et désormais une augmentation de la capacité du Roazhon Park s’impose, ne serait-ce que pour être plus facilement dans les clous du fair-play financier. »
« On fait de plus en plus de déçus… »
Dans cette logique purement financière, où il est impératif d’augmenter ses ressources pour espérer investir encore davantage dans le recrutement, « nous sommes clairement en-dessous de la moyenne nationale pour les recettes des loges. Au-delà, il s’agit d’une logique de progrès, d’une évolution globale qui comprend le festif, les résultats, les transferts, le centre d’entraînement, etc. » Refusé en 2009 par le président de l’époque, Frédéric de Saint-Sernin, le passage à 34 000 places aurait coûté 36 M€.
Quatorze ans après, sans être totalement amorti, l’investissement aurait au moins permis d’accueillir l’Euro 2016 et de se projeter avec plus de sérénité vers le futur. Propriété de la ville de Rennes, le Roazhon Park n’est pour le moment pas une priorité du club qui préfère concentrer ses efforts sur la modernisation du centre d’entraînement de la Piverdière prévu à l’horizon 2025 pour un coût proche des 40 M€.
Encore mieux former ses joueurs pour mieux les vendre, une autre manière d’augmenter ses ressources en attendant l’inéluctable agrandissement « dans une dizaine ou quinzaine d’années » si les résultats continuent à progresser.