Leader de la Vuelta pendant deux jours pour son premier grand Tour, Lenny Martinez (20 ans) marche sur les traces de son père Miguel champion olympique de VTT (cross-country) en 2000 et de son grand-père Mariano vainqueur de deux étapes sur le Tour de France et du Grand Prix de la Montagne en 1978.
Alors que Romain Grégoire va disputer son premier Tour de France, vous allez disputer la Vuelta pour la 2ème fois. Pourquoi ce choix ?
J’en ai discuté avec l’équipe et je leur ai dit que je n’avais pas envie de faire le Tour seulement pour faire le Tour. J’ai encore 10 à 15 ans, j’ai encore beaucoup d’années devant moi pour faire le Tour. J’avais envie de revenir sur la Vuelta où j’ai encore beaucoup de choses à prouver. J’ai fait de belles choses, mais j’ai envie de faire encore mieux. La Vuelta va me permettre de prendre encore plus d’expérience pour aller sur le Tour bien prêt.
Ne vous sentiez-vous pas encore prêt pour le Tour de France ou est-ce le tracé qui a dicté votre choix ?
Si j’avais été sur le Tour, je ne dis pas que j’aurais visé le général, mais je n’aurais pas été à la rue non plus. Mais je préférais encore acquérir beaucoup d’expérience sur la Vuelta et arriver prêt sur le Tour. J’ai tellement de temps pour le faire que je ne suis pas à un an près.
Si vous allez sur le Tour, ce sera pour jouer le général ?
Pas forcément parce qu’il y a David (Gaudu) sur le Tour qui est un grand leader. Imaginons qu’en 2025 j’aille sur le Tour, il se peut que j’aide David qui sera, bien sûr, le leader pour le classement général. Après, on ne sait jamais comment les choses peuvent se passer. Mais c’est normal que David soit le leader. Si on me dit de rouler pour lui ou de jouer les étapes, ce sera avec grand plaisir. Ce n’est pas un problème de ne pas être leader sur le Tour de France dès maintenant.
Viserez-vous le podium sur la Vuelta ?
Je continue à jouer le général avec dans la tête toujours une victoire d’étape possible. L’idée, c’est de faire comme en 2023, mais en encore mieux !
Qu’avez-vous travaillé spécifiquement à l’intersaison ?
J’ai travaillé dans tous les domaines pour progresser encore. Je ne le faisais plus l’an passé, mais je suis retourné en salle de musculation pour essayer de prendre encore plus de force. Je fais aussi plus de course à pied.
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Peut-on gagner le Tour sans être un super sur le contre-la-montre ?
On voit que des mecs comme Vingegaard qui font 60 kilos arrivent à bien performer en chrono. C’est plutôt bon signe pour l’avenir. Ça prend du temps, mais on peut évoluer en chrono.
Certains voient en vous le successeur de Bernard Hinault, comment gérez-vous ces attentes ?
(rires) Ça a toujours été comme ça. Dès qu’on voit un jeune arriver, on se dit que peut-être ça va être lui. Il ne faut pas trop y penser. Les gens pensent ce qu’ils veulent. Moi je fais mon truc de mon côté, ma progression, sans me poser de questions. Ça prendra le temps que ça prendra pour jouer le général sur le Tour et être vraiment là.
Quels coureurs vous inspirent ?
Vingegaard et Pogacar sont impressionnants. J’ai un faible pour Vingegaard. J’aime bien les coureurs qui sont taillés comme moi. Il fait 60 kg, j’en fais 53. C’est un grimpeur que j’apprécie. Pogacar, je l’aime bien sur les Classiques. C’est l’un des plus complets.
On parle souvent de votre père ou de votre grand-père qui ont aussi été coureurs. Cela ne vous énerve-t-il pas à la longue ?
Non. C’est plus positif que négatif. Je ne me compare pas à eux. Ils ont fait tous les deux une très belle carrière. Faire mieux, ça va être compliqué. Après, j’ai pris une voie différente, j’ai fait des choses qu’ils n’ont pas fait. Mon père a fait de la route chez la Mapei-Quick Step. Il sait que c’est très difficile. Il avait plus de mal qu’en VTT. Me voir prendre le maillot rouge sur la Vuelta et presque gagner une étape, pour lui, c’est incroyable.
Votre grand-père a mis la barre haute en remportant le Grand Prix de la Montagne et deux étapes sur le Tour !
(rires) Ce n’est pas forcément un challenge, mais ça peut être atteignable. Par contre, mon père, champion olympique, faire mieux, ça va être compliqué.
Pour votre deuxième saison, il n’y aura plus d’effet de surprise. Sentez-vous que l’attente va être différente ?
C’est pareil pour tous les coureurs. Quand un coureur fait podium sur un grand Tour, on attend à ce qu’il gagne un grand Tour l’année d’après. Tout le monde attend que je fasse mieux qu’en 2023. C’est ce que je vais essayer de faire. Je vais surtout essayer de progresser. Il se peut que je ne gagne pas de course, mais que je progresse dans tous les domaines. Si c’est le cas, je serai content de ma saison.
Quel est votre grand objectif en 2024 ?
Ça va être de rentrer dans le top 10 des classements généraux des courses d’une semaine comme le Tour de Catalogne, le Tour de Romandie ou le Tour de Suisse. Et après sur la Vuelta, faire mieux qu’en 2023, essayer de tenir sur trois semaines. Je serai avec David (Gaudu) sur la Vuelta, ça va être sympa.
Bizarrement, vous êtes en fin de contrat. Où en sont les discussions ?
Je discute avec l’équipe, mais je laisse les choses se faire et je suis vraiment focus sur ma saison. Il ne faut pas délaisser les performances même si je suis en communication avec l’équipe sur le sujet. On discute (sourire).
Ne faudra-t-il pas partir à un moment ou à un autre à l’étranger pour franchir un palier ?
Quand on voit la carrière qu’a faite Thibaut (Pinot) et celle qu’est en train de faire David (Gaudu), on peut très bien rester en France et faire de très belles carrières. Après, ça dépend des coureurs. Certains se sentent bien en France, d’autres ont envie de connaître une expérience à l’étranger.
Lenny Martinez admire Thibaut Pinot
Vous n’avez fait qu’une année avec lui. Mais est-ce bizarre cette nouvelle saison sans Thibaut ?
J’ai vraiment savouré les moments que j’ai passés avec lui l’an dernier. C’est vraiment un très grand coureur. Maintenant, c’est la nouvelle vague (sic). Beaucoup de choses ont changé dans l’équipe. Philippe (Mauduit) a également pris du galon. C’est à nous d’entretenir ce que Thibaut a fait et d’écrire une nouvelle belle page. Ça va être compliqué de faire mieux parce qu’il a fait vraiment de grandes choses. On a une mission, on va déjà essayer de faire aussi bien.
L’année dernière, vous avez gagné une seule victoire sur le CIC Mont Ventoux. Pourquoi est-ce plus fort que d’avoir porté durant deux jours le maillot de leader de la Vuelta ?
J’ai dit ça, c’est vrai, mais je me rends compte qu’avoir porté le maillot de leader sur un grand Tour, c’est quelque chose de grand. A la fin de ma carrière, même si j’ai encore beaucoup de choses à faire, je pourrai dire que je l’ai porté sur un grand Tour. Mais, en termes d’émotions, lever les bras, sur le Mont Ventoux, sur un sprint, on ne sait pas si on va gagner, ça dure 20 secondes, on lève les bras et c’est incroyable. J’étais aussi très content sur la Vuelta, mais il faut se remettre direct dans la course, il faut refrotter le lendemain, il faut se battre pour garder le maillot. On en profite surtout après.
Qu’avez-vous fait de ce maillot ?
Il est dans ma chambre. J’ai encadré le maillot rouge et le maillot blanc. Même si je ne les ai pas ramenés à Madrid, je vais les mettre dans mon appartement. J’ai aussi le cadre rouge du vélo que j’encadrerai aussi.
Vous diriez que votre carrière va à un rythme normal ou un peu trop vite tout de même?
Moi je trouve que ça va un peu vite, mais je ne freine pas les choses. Ça aurait pu aller moins vite, mais je suis très content que ça aille vite aussi ! Ce n’est pas un problème. Je ne vais pas freiner sur la ligne d’arrivée ! J’essaie de gagner des courses. Je ne fais pas de complexes.
La pression ne vous atteint pas ?
Je m’entraîne, je fais du vélo comme j’ai l’habitude et je laisse les choses venir et souvent ça se passe très bien. On a un préparateur mental dans l’équipe, mais je suis encore jeune et la pression ne me pose pas de soucis. Je comprends que quand on est leader sur le Tour de France, il y a beaucoup de pression, ne serait-ce que par rapport aux sponsors, mais je n’en suis pas encore là.