Si son absence du dernier Tour l’a privé d’une 35ème victoire d’étape, elle ne suffit évidemment pas à atténuer la dimension hors norme qui fut celle du sprinteur britannique, Mark Cavendish depuis ses débuts en 2007 pour une carrière qu’il aura d’abord construite sur la piste. Là où il a tout appris.
Sa formation : A l’Américaine
Dans un pays où, après la comète David Millar, le cyclisme sur route a dû attendre les années 2000 pour se trouver des têtes d’affiche, c’est par le prisme du BMX, du VTT puis de la piste que le Mannois (né sur l’île de Man) a fait ses gammes. L’Américaine, la course aux points, la course scratch sont des épreuves d’endurance qui l’ont façonné et en ont fait un multiple champion du monde (2005, 2008 et 2016 de l’Américaine), vice-champion olympique de l’omnium à Rio.
Sur la piste, il a pu peaufiner sa position pour la transposer avec plus d’efficacité sur la route, dans un style très caractéristique qui lui a rapidement permis de faire la différence. Comme si sa position tête basse, avec les épaules largement au-dessus du guidon, lui permettait d’éloigner ce danger toujours présent qu’il s’est longtemps refusé de regarder en face.
Ses débuts pros : A l’ancienne
Son histoire avec la Grande Boucle avait bien mal débuté en 2007… depuis Londres, d’où était donné le départ, pour deux chutes lors des deux premières étapes et un abandon programmé avant d’aborder les Alpes sans jamais avoir pu jouer la gagne. Ce n’était que partie remise.
Car, pour sa première saison pro, il enchaînait 11 victoires d’étapes et égalait le record de Petacchi, qui avait été tout aussi précoce dix ans auparavant. Le peloton découvre alors un jeune homme de 22 ans qui se définit comme « un sprinteur à l’ancienne. Je suis incapable de gravir une montagne, mais si je suis en tête à 200 mètres de l’arrivée, personne ne peut me battre ! »
Son palmarès : A la Merckx
De 2007, lorsqu’il gagne son premier bouquet au Grand Prix de l’Escaut, à un titre de champion d’Angleterre 2022 qui aurait pu laisser croire à sa présence sur le Tour, « Cav » a accumulé 161 victoires, pour être le coureur en activité le plus titré, notamment le seul susceptible de battre le record de 34 victoires d’étapes sur le Tour qu’il co-détient avec Eddy Merckx.
Entre temps, s’il n’a qu’un Monument à son actif (Milan-San Remo en 2009), ses 18 étapes sur le Giro, où il endossa le maillot rose à trois reprises, ses 4 sur la Vuelta, et ses 102 autres succès d’étapes sur tous les Tours de la planète en font un spécimen rare qui n’a connu qu’un seul passage à vide en 15 ans de carrière. En 2019 et 2020, chez Dimension Data et ensuite chez Bahrain McLaren, il manque les JO de Pékin et tombe en dépression, tout proche de mettre un terme à sa carrière…
Son rapport au Tour : A jamais dans l’histoire
Depuis sa première participation, en 2007, il n’a manqué que trois éditions, en 2019 après avoir contracté un virus en début d’année, en 2020, et cette année. De ses deux maillots verts, le second, en 2021, 10 ans après le premier, revêt une dimension particulière car il lui a permis de rejoindre la légende Merckx et de renaître de ses cendres, alors qu’on le pensait fini.
Sa signature chez Deceuninck Quick Step lui a redonné une seconde jeunesse avec quatre nouvelles étapes au compteur et la déception toujours aussi vive de ne pas avoir eu la possibilité de disputer une 14ème édition cette année.
« Je suis triste de ne pas pouvoir défendre mon maillot vert, disait-il à l’annonce de sa non sélection, ou d’écrire un peu plus encore une page d’histoire dans la course la plus incroyable au monde. »
Une course où il a souvent connu le meilleur, parfois le pire comme lorsqu’il fut victime d’une chute après un accrochage avec Sagan, abandonnant le soir même, avant la disqualification de son meilleur ennemi. Nous étions en 2017, et tout d’un coup, le Britannique prenait conscience du danger. Un vrai tournant dans sa carrière qui aurait pu s’avérer fatal s’il n’avait eu la force mentale de revenir encore plus fort l’an dernier.
Son baroud d’honneur : Vers l’infini et au-delà…
En saisissant la main tendue par Patrick Lefevere, le manager de Deceuninck Quick Step en 2021, alors que, faute de contrat, se profilait la fin de sa carrière, Cavendish a remis à plus tard la séquence émotion de sa retraite. En trouvant un sponsor pour prendre en charge son salaire, la formation belge atténuait un risque qui s’est avéré payant au-delà de toutes les espérances.
Et après cinq ans de galère, de chutes, et de doutes, à 37 ans, à la faveur du forfait inattendu de Sam Bennett, l’autre sprinteur de la team, la roue allait enfin tourner du bon côté. Son fantastique Tour 2021 la ramenait au sommet au moment où on l’attendait le moins.
Une nouvelle victoire dans le Tour d’Italie (3ème étape), un deuxième titre de champion d’Angleterre, neuf ans après le premier, confortaient sa position… sans convaincre Lefevere de lui offrir un nouveau Tour.
Peut-être pour 2023. Cavendish, le Phénix, n’a pas fini d’écrire sa légende, peut-être chez EF Education-EasyPost alors que Quick-Step Alpha Vinyl ne le gardera pas, celle du meilleur sprinteur de l’histoire du Tour… qui en mérite encore au moins un dernier !