jeudi 25 avril 2024

Marseille doit-il dire adieu à son statut de grand d’Europe ?

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A défaut de s’offrir une sixième finale européenne, l’OM de Sampaoli a réussi à aller chercher une 16ème campagne en Ligue des Champions. Est-ce pour autant suffisant pour considérer que l’Olympique de Marseille est vraiment de retour dans la cour des grands ?

Se qualifier pour la Ligue des Champions est un préalable indispensable, mais insuffisant pour prétendre faire partie du gratin du foot européen. Les dernières apparitions de l’OM à ce niveau de la compétition témoignent que ce n’est surtout pas une fin en soi.

Personne n’a oublié boulevard Michelet qu’en 2020/2021 la seule victoire acquise dans le groupe C face à l’Olympiakos (5ème journée, 2-1) mettait un terme à une série de 13 défaites d’affilée, un record dans l’ère moderne (post-1992).

l’OM et l’anomalie de la Ligue des Champions

Sèchement battu par Manchester City (deux fois 0-3) et le FC Porto (0-3 et 0-2), il faut remonter à la saison 2011/2012 pour voir les joueurs de Deschamps accrocher un top club à leur palmarès, en l’occurrence l’Inter Milan en 8ème aller (1-0) avant un quart à sens unique face au Bayern (0-2 et 0-2). Avant de débuter cette campagne-là, Didier Deschamps avait annoncé la couleur :

« On doit avoir l’ambition de ne pas faire de la figuration. Marseille a besoin de redorer son blason sur la scène internationale. On est capables, avec moins de moyens que les grands clubs, de faire des choses intéressantes et d’être compétitifs. » Dix ans après, de Louis-Dreyfus à McCourt, l’OM n’a pas avancé d’un pouce, a même reculé dans la hiérarchie européenne, dans l’ombre du PSG, dans l’incapacité de se qualifier tous les ans pour la C1, la seule issue possible pour ré-enclencher un cercle vertueux selon l’ancien joueur et coach de l’OM, Franck Passi :

« Avec Pape Diouf comme président, la Ligue des Champions revenait régulièrement (3 fois sur 5 ans), ce qui avait permis au club de dégager 40 M€ de bénéfices alors qu’il est déficitaire aujourd’hui quand bien même les supporteurs se régalent de temps en temps avec une épopée européenne en Ligue Europa ou en Ligue Europa Conférence. Pour un club comme l’OM, le foot n’est viable qu’avec la Ligue des Champions donc l’objectif est d’y être le plus souvent possible même si on sait très bien qu’il ne la gagnera pas, qu’il ne fait que participer ! Il faut savoir être moins flamboyant parfois, plus pragmatique, pour permettre au club de grandir, d’accumuler cette expérience qui lui manque tant malgré les années qui passent. »

Pape Diouf et Tapie, les belles époques de l’OM

Or, l’histoire récente du club montre une incapacité chronique à jouer sur les deux tableaux. Depuis quinze ans, l’OM n’a réussi qu’à quatre reprises l’exploit de confirmer une participation en Ligue des Champions : deux fois avec Gerets (2008 et 2009) et deux fois avec Deschamps (2010 et 2011). Les deux dernières campagnes de C1 (2011/2012 et 2013/2014) avaient entraîné l’OM en dehors des places européennes en L1 (10ème et 6ème).

Dans l’entreprise de reconstruction qui anime le président Longoria aujourd’hui, il ne servirait à rien de remonter dans le bon wagon sans être capable d’y rester dans la durée. C’est à l’issue de cinq participations d’affilée en C1 (entre 2007 et 2012) que l’OM avait pu sortir des poules et exister face aux cadors européens. Ce n’est pas autrement qu’il doit s’y prendre, avec patience et persévérance, pour espérer redevenir, à défaut de grand d’Europe, un club qui compte sur la scène continentale ailleurs qu’en C3 ou en C4.

Être conscient aussi que l’histoire de l’OM, aussi riche soit-elle, ne pèse plus d’aucun poids face aux enjeux du football moderne. Voir des clubs aussi emblématiques que l’AS Saint-Etienne et les Girondins de Bordeaux descendre en L2, ou Lyon en rabattre sur ses ambitions européennes, doit inciter les dirigeants marseillais à déjà se satisfaire de ce statut de dauphin du PSG, de ce retour parmi les grands d’Europe. Et d’en profiter pour peaufiner leur projet sportif et économique.

Entre les fonds d’investissement, les socios, les milliardaires qataris… Une autre voie, plus identitaire, est à trouver

Entre les différents modèles qui marchent, les milliardaires ou fonds d’investissements du Moyen-Orient à City ou au PSG, les socios espagnols du Real et du Barça, la rigueur allemande du Bayern ou de Dortmund, le savoir-faire historique de l’Ajax ou naissant de l’écurie Red Bull, une cinquième voie est peut-être à inventer.

« Vu de l’extérieur, avec son public, son attractivité, son bassin de population, sa situation géographique, l’assurance financière qu’assure McCourt d’un côté, les socios de l’autre, je ne vois pas tant de différences que ça entre l’OM et le Barça, nous dit Luc Dayan, spécialiste des rachats de clubs, ancien président de Lens, Strasbourg et Nantes, également impliqué dans l’arrivée de QSI au PSG en 2011. Or, au final, pourquoi existe-t-il tant de différences de performances entre deux clubs au même potentiel ? » On lui renvoie rapidement la question !

« Parce que le Barça, comme le Bayern, a une vraie identité, bien au-delà du terrain qu’il a su construire dans le temps, en assurant une vraie continuité entre les générations. Mais souvenez-vous, avant que Cruyff n’apporte cette philosophie de jeu, cette méthode dans la formation, le Barça ne faisait pas partie des meilleurs clubs européens. » Effectivement, tout le monde a oublié que les Catalans ont dû attendre 1992 avant de remporter leur première Ligue des Champions, un an seulement avant l’OM de Tapie.

« Sauf que dans la foulée, quand l’OM éclatait sous les effets de l’affaire VA-OM, le Barça, lui, a continué à construire en faisant confiance aux anciens, à leurs compétences et en restant, toujours, entre les mains de dirigeants catalans, ce qui facilite les choses quand même. » Copier le modèle des socios ne faisant clairement pas partie de la culture du sport professionnel français, c’est à l’actionnaire de faire en sorte de mettre en place un projet susceptible de fédérer tout le monde.

Sampaoli a dit stop à l’OM

« Il faut une vision commune, poursuit Dayan, cette ligne directrice suivie depuis des décennies par tous ceux qui se succèdent, souvent des anciens, à la tête de l’équipe et de la politique sportive du Barça. A Marseille, cette continuité manque. Pour différentes raisons, liées à la pression populaire, médiatique, aux affaires, aux mauvais résultats etc, les dirigeants du club ont souvent été pris dans l’urgence, et ont manqué tous les moments qui pouvaient leur permettre d’enclencher cette dynamique vertueuse. »

Ce retour en Ligue des Champions la saison prochaine est un nouveau moment à saisir. Sans autre ambition que de valider et consolider les choix du duo Longoria-Tudor, faire un pas de plus vers le sommet sans prendre le risque de dévisser sous prétexte que les résultats ne seraient pas à la hauteur d’un passé complètement révolu. Voilà comment l’OM pourra redevenir, un jour, un grand d’Europe.

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