vendredi 13 décembre 2024

Match gagné pour Rodez sur Tapis vert ? Tout ce que vous devez savoir pour comprendre « l’affaire Bordeaux-Rodez »

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Bordeaux, Rodez, mais aussi Metz et Annecy sont concernés par la décision de la commission de discipline qui va examiner, demain après-midi, les incidents du match Bordeaux – Rodez. Une affaire très compliquée à démêler.

99 ans après son décès, Franz Kafka aurait sans doute trouvé une belle source d’inspiration dans ce que l’on appellera « l’affaire Bordeaux – Rodez ». Trois jours après les incidents qui ont gâché la 38ème et dernière journée de Ligue 2, la commission de discipline doit se réunir ce lundi pour prendre une décision.

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Quelle qu’elle soit, elle fera forcément des déçus et, si on peut affirmer une seule chose avec certitude, c’est qu’elle ne mettra pas fin à la polémique. Car si le célèbre écrivain austro-hongrois aurait tant aimé voir ça, c’est parce que la situation est tellement complexe, qu’elle est quasiment insoluble.

Pour vous permettre de bien comprendre la problématique soumise aux membres de la commission, nous vous posons ici tous les éléments qui peuvent influencer sur leur décision, en toute objectivité.

Les matchs références : Nice-OM et OL-Nice, mais surtout Nancy-QRM…

Beaucoup d’articles prennent les matchs Nice – OM et OL – OM comme références, pour anticiper sur la décision de la commission.

Dans le premier, qui remonte au mois d’août 2021, l’OGC Nice menait 1-0 à 15 minutes de la fin, quand Dimitri Payet a reçu une bouteille d’eau, en allant tirer un corner.

Bouteille qu’il a renvoyé vers les supporters, dont certains se sont introduits sur le terrain pour en découdre avec les Marseillais. Le match a été arrêté définitivement par l’arbitre, avant d’être donné à rejouer plusieurs semaines plus tard, à huis clos et sur terrain neutre.

Dans le second match, trois mois plus tard, l’incident a eu lieu dès la 4ème minute de jeu, alors que le score était de 0-0. Le match, arrêté définitivement, a lui aussi été donné à rejouer à huis clos. Les deux clubs qui recevaient (Nice et Lyon) ont écopé d’un point de pénalité (plus un, avec sursis pour Nice).

Si on se réfère à ces deux exemples, sans se poser de question, le match entre Bordeaux et Rodez devrait donc être à rejouer, à huis clos. Mais c’est aller un peu vite dans l’analyse. Car dans le premier cas, le fait de rejouer le match pouvait être considéré comme une punition pour Nice, qui menait au score au moment de l’arrêt. Dans le deuxième cas, on ne jouait que depuis 4 minutes, donc le temps de jeu n’a aucun impact sur le résultat final. On ne peut pas dire que l’OL a pâti du fait que le match soit à rejouer.

Ces deux exemples diffèrent donc du cas du match entre Bordeaux et Rodez. Au moment de l’arrêt du match, les Ruthénois menaient 1-0.

La solution idéale mais quasi impossible : faire rejouer le match, à partir de la 23ème minute, avec le score de 0-1

Bien sûr, rien ne permet de dire qu’ils auraient gagné le match. Mais ce qui est sûr, c’est que Bordeaux devait marquer 5 buts pour passer devant Metz (vainqueur 3-2 de Bastia), à égalité de points, mais avec une différence de but bien moins bonne pour les Girondins.

Conclusion : refaire jouer le match, avantagerait donc les Girondins, qui n’auraient plus qu’à inscrire 4 buts (à condition de ne pas en prendre) pour monter. De leur côté, les Ruthénois, qui avait fait le plus dur en ouvrant le score (mettant un gros coup au moral des Bordelais), seraient donc lésés. Le tout en raison d’une interaction, même si elle est minimisée, d’un supporter bordelais. L’autre solution pourrait être de reprendre le match à la 23ème minute, avec un score de 1-0 en faveur de Rodez, qui saura à la fin du match Amiens – Laval, qu’il devait gagner pour se sauver.

Plusieurs autres références anciennes nous amènent à penser que Bordeaux pourrait avoir match perdu. La plus récente, qui se rapproche le plus du cas de vendredi soir, c’est le match Nancy – Quevilly-Rouen-Métropole, du 22 avril 2022. Les Normands menaient 3-0 à Nancy quand, à la 40ème minute (donc tôt dans le match), l’arbitre décidait d’arrêter définitivement la rencontre, à la suite des jets de fumigènes sur la pelouse par une poignée de supporters lorrains en colère.

Le 4 mai, à deux journées de la fin de la saison, la Ligue décidait de donner match gagné sur tapis vert à QRM. Ironie du sort, à l’époque, les Normands, en position de relégables, revenaient à la hauteur de… Rodez (17ème à égalité), alors que Nancy se voyait officiellement relégué en National.

Autre cas pouvant servir de référence : un match Bastia – OL du 16 avril 2017. D’abord repoussé en raison d’incidents avec les supporters corses (qui avaient pénétré sur le terrain pendant l’échauffement des joueurs, s’en prenant aux Lyonnais), le match a finalement été arrêté définitivement à la fin de la première période, alors que le score était de 0-0. Le match ne sera jamais rejoué. La commission de discipline de la LFP décide de donner match gagné sur tapis vert à Lyon. 3 points qui couteront une descente directe aux Corses.

Ce triste épisode nous apporte deux informations contradictoires : malgré des incidents beaucoup plus graves (et mettant en danger la sécurité des joueurs) que celui de Bordeaux vendredi, l’arbitre a d’abord décidé de faire jouer le match.

Ensuite, la décision n’a pas été de faire rejouer le match à huis clos, mais de donner match perdu à Bastia. Une décision qui aura une grande influence sur le destin des Corses en fin de saison, avec une descente… A l’époque, le responsable de la commission de discipline ne cachera pas que le passé des supporters corses avait joué en la défaveur du club.

On l’a bien compris : il est difficile de trouver une véritable jurisprudence. On peut toutefois dire que le cas du match Nancy – QRM, étrangement très peu évoqué par les médias ou les différents protagonistes, est le plus proche de « l’affaire Bordeaux – Rodez ».

A une différence près, et pas des moindres : la décision d’arrêter définitivement le match repose essentiellement sur le rapport du médecin urgentiste, dépêché par la Ligue sur chaque match professionnel (donc neutre), qui affirme que Lucas Buades (la victime) n’était pas en mesure de reprendre le match.

Si le match est donné à rejouer, quid de l’équité sportive ?

Autre grosse problématique : le fait qu’il s’agisse de la dernière journée du championnat. Il paraît impossible de rappeler les joueurs, officiellement en vacances, pour leur demander de rejouer le match à huis clos.

Mais, même si la Ligue envisageait cette solution : le match se déroulerait alors en dehors de toute équité sportive. Bordeaux connaitrait son objectif (gagner par 4 buts départ), tout comme Rodez (gagner, quoi qu’il arrive, en raison du but de Laval à Amiens… dans les arrêts de jeu). Si les rencontres avaient lieu en même temps, on peut penser qu’en cas de match nul, les Ruthénois, qui, avant la 38ème journée, avaient le même nombre de points que Laval, mais une meilleure différence de buts, auraient voulu maintenir le résultat, ce qui forcément, ne sera plus le cas si le match était à rejouer.

On comprend aussi la position d’Annecy, qui met la pression sur la Ligue, en laissant clairement entendre que Rodez a triché, en se servant d’un fait de match pour sauver sa place Ligue 2. Car, si le match est donné à Rodez, c’est Annecy qui écopera de la dernière place de relégable…

Du côté de Rodez, on a déjà contre-attaqué, en condamnant les propos très durs de Sébastien Faraglia, qui, pour sa part, a déjà choisi le camp de la vérité.  « Nous n’accepterons pas que Rodez gagne sur Tapis vert ce match, car il s’agit de la forme de tricherie la plus élaborée », explique le patron du club haut-savoyard.

Annecy accuse Rodez de tricherie, un fait difficile à prouver

Plusieurs éléments pourraient lui donner tort. Sur les images, on a effectivement l’impression que le supporter ne fait que « pousser » légèrement le joueur, qui en rajoute. Mais le procureur de la République adjoint de Bordeaux, révèle que le supporter (qui, incroyable détail, habite Annecy où il tient un restaurant et un hôtel) explique que le supporter « dit avoir exercé une poussé avec ses deux mains, au niveau de la gorge du joueur ». Un geste qui, au terme d’un gros effort, pourrait être plus dangereux qu’il n’y paraît.

Quoi qu’il en soit, il semble être trop tard aujourd’hui pour revenir sur l’état de santé du joueur après l’agression. Donc on peut penser que cet argument ne sera pas retenu.

De plus, Didier Santini, que nous avons eu au téléphone, soutient avoir gardé ses joueurs prêts à jouer pendant de très longues minutes. Le président du club affirmait la même chose que son entraineur devant les journalistes. Et personne ne dit le contraire : c’est un fait acquis, les dirigeants de Rodez n’ont pas mis la pression pour pousser l’arbitre à arrêter le match. Tout du moins, pas de façon visible et connue à ce jour.

Après avoir pris connaissance de toutes ces informations, sans élément nouveau, il est difficile d’envisager une autre issue qu’un match gagné sur tapis vert  par Rodez. Quoi qu’il arrive, la décision sera injuste. Mais la commission de discipline devra être inattaquable car les avocats de tous les clubs concernés, sont prêts à passer à l’action…   

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