Légende vivante du FC Nantes, l’ancien recordman des sélections en équipe de France sera au Stade de France pour assister au grand retour de son club de cœur en finale de la Coupe de France. A 66 ans, Maxime Bossis y retrouvera un ancien coéquipier, Antoine Kombouaré, à qui il attribue une grande partie du renouveau des Canaris cette saison, et peut-être Mickaël Landreau à qui il ferait confiance pour reprendre le flambeau.
Que vous inspire le beau parcours du FC Nantes cette saison en Coupe de France ?
Je me réjouis qu’on parle enfin du FC Nantes pour les bonnes raisons, sportives ! Cette équipe a démontré cette saison qu’elle était capable de faire du beau jeu, efficace, et de gagner des matches importants, face à Monaco en demi-finale ou le PSG en championnat. Voir la Beaujoire en fusion a été un énorme plaisir.
A quoi attribuez-vous ce renouveau ?
A tous ceux qui contribuent à faire avancer le club malgré toutes les difficultés qu’il rencontre depuis quelques années, ses problèmes de stabilité, ses changements d’entraîneurs, etc. Le président Kita a beaucoup investi et mériterait d’être récompensé par un titre. Cette saison, les bons résultats sont quand même l’oeuvre d’Antoine (Kombouaré). Il a su redonner confiance à un groupe, imposer un style et une discipline. J’ai joué avec lui en défense centrale une saison avant de partir au Racing en 1985, je vis donc avec bonheur sa réussite d’entraîneur. Avec tous ceux qui ont joué avec lui, on se retrouve un peu dans sa manière de fonctionner.
Serez-vous au Stade de France le 7 mai prochain ?
Oui, évidemment. J’ai été invité par le FC Nantes et également par la FFF au titre d’ancien président de la commission de la Coupe de France.
Un pronostic ?
Si Nice est logiquement favori, je place le FC Nantes juste devant pour ce match, avec une victoire par un but d’écart. Sur un match, cette équipe a prouvé qu’elle pouvait se hisser au niveau des meilleures.
« La génération de 1995 a marqué l’histoire du football français »
Vous étiez de la première victoire en Coupe de France du club en 1979, vous souvenez-vous de votre état d’esprit avant la finale ?
Nous étions très stressés pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous étions favoris face à une équipe d’Auxerre qui évoluait en D2, mais qui avait déjà gagné le droit de jouer en D1 la saison d’après. On avait la pression et pas le droit à l’erreur en quelque sorte. Ce statut de favori était lourd à porter dans un club qui avait toujours échoué en finale (1966, 1970 et 1973).
Mais nous avions été champions de France en 1977, nous le serions encore en 1980 et 1983, nous jouions le titre tous les ans… on avait tout à perdre ! C’est pour cette raison que nous avions mis beaucoup de temps à entrer dans cette finale. On était passés pas loin de la défaite avant de faire la différence en prolongations.
A cette époque, le FC Nantes n’était pas une équipe de coupe…
Notre jeu se prêtait plus à la régularité d’un championnat qu’à l’instantanéité d’un match couperet. Cela n’a pas profondément modifié l’adn du club, mais nous avions démontré que nous pouvions aussi être efficaces sur un format sans droit à l’erreur. Le jeu à la nantaise pouvait aussi être gagnant en coupe. Les générations suivantes l’ont démontré, surtout celle des années 2000.
De quelle génération vous sentez-vous le plus proche ?
Peut-être celle de 1995, qui n’a d’ailleurs pas gagné de coupe, car elle était aussi composée de beaucoup de joueurs du club, avec un style de jeu agréable qui se rapprochait beaucoup du nôtre, fait de déplacements, de vivacité technique. Elle a marqué l’histoire du foot français.
On sentait chez eux comme chez nous la même formation commune, la même envie collective. On jouait ce football naturellement car nous l’avions appris ensemble pendant des années au centre de formation. Ce qui pouvait aussi constituer un problème en équipe de France ou pour s’adapter dans un autre club. Il était difficile de s’extraire de cette philosophie.
En avez-vous souffert ?
En équipe de France, nous jouions avec Michel Hidalgo un peu dans le même registre. Et lorsque je suis parti au Racing, j’avais déjà plus de 30 ans et assez d’expérience pour m’adapter. Et puis j’étais défenseur, où il est certainement plus facile d’intégrer un nouveau collectif qu’en étant au milieu ou devant.
Maxime Bossis croit en Landreau
Vous avez ensuite terminé votre carrière à Nantes, était-ce une nécessité pour vous ?
En quelque sorte, oui. Je voulais boucler la boucle à 34 ans. Et cela m’a permis de jouer avec la génération suivante, les Karembeu, Pedros, N’Doram, Ouédec, Loko… qui arrivaient dans les pas de Suaudeau (qui a remplacé Blazevic en cours de saison, Ndlr). J’avais refusé une offre des Girondins.
Pourquoi ne vous êtes-vous pas investi comme beaucoup de vos anciens partenaires dans le club ?
Parce que j’ai pris un chemin différent. J’ai été un peu directeur sportif à Saint-Etienne, après avoir refusé de l’être à Toulouse. Ça me plaisait, mais j’ai préféré faire des relations publiques, être consultant pour TPS, Orange Sport, Canal et BeIN SPORTS. Cela me permettait de rester connecté au football tout en gardant une certaine liberté dans mon emploi du temps. Aujourd’hui, je suis en retraite, mais encore actif dans l’événementiel et caritatif.
« Landreau est aussi crédible à Nantes qu’un Rummenigge au Bayern »
Quel fut le meilleur joueur avec lequel vous avez joué à Nantes ?
Henri Michel était le plus emblématique. Avant de signer, alors que Saint-Etienne et Angers voulaient aussi me recruter, c’est en partie parce qu’il était mon idole que j’ai choisi Nantes. Il incarnait toutes les valeurs du club avec cette élégance caractéristique, cet altruisme et en même temps une grande soif de gagner, une classe jamais démentie.
Et le plus doué de tous ?
Il y avait tellement de talents qu’il est difficile d’en mettre un au-dessus des autres… Peutêtre José Touré.
Avez-vous des regrets ?
Comment pourrais-je en avoir en sachant que j’ai été champion de France à trois reprises (1977, 1980 et 1983), que j’ai gagné la Coupe de France (1979), avec une finale perdue en 1983 (face au PSG), qu’on a terminé à cinq reprises à la deuxième place du championnat et atteint les demi-finales de
la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe (en 1980 face à Valence). Ce fut une belle aventure sportive de très haut niveau et humaine, avec des amitiés fortes qui ont résisté au temps. On se retrouvait avec nos épouses après tous les matches à Saupin pour manger ensemble… Donc aucun regret, et beaucoup de nostalgie.
Maxime Bossis peiné par les difficultés du club
Comment avez-vous vécu les péripéties qui ont accompagné les dernières années du club, ses multiples rachats jusqu’à l’arrivée de Kita ?
Comme tous les amoureux du club… difficilement ! Cela a permis de prendre conscience qu’au-delà de la philosophie des techniciens qui sont à l’origine du jeu à la nantaise, c’est aussi et surtout la stabilité qui faisait la force du club. Le football a beaucoup évolué, est devenu plus médiatique, avec des intérêts économiques et commerciaux beaucoup plus importants. Dans ce contexte, Kita a apporté des moyens financiers qui ont permis au club de rester dans l’élite. Mais, entre le rêve et la réalité, il y a parfois un gouffre. Malgré tout, les résultats semblent revenir cette saison avec des valeurs plus conformes à ce qui a fait l’histoire du club.
Que vous inspire le projet de rachat piloté par Mickaël Landreau ?
J’en ai parlé avec lui… il y a dix ans de ça, cela aurait pu m’intéresser. Aujourd’hui, je lui fais confiance pour proposer un projet cohérent et digne de ce que représente le club. Mais il ne faut pas trop rêver non plus, on ne retrouvera plus le FC Nantes des années 80 quand l’équipe était formée d’internationaux et avait les moyens de jouer le titre tous les ans. Il faut faire avec son temps, une réalité économique et une concurrence très importante. Il faut aussi voir si le président Kita est vendeur et à quel prix…
Qu’attendriez-vous de Landreau à la tête du club?
Certainement qu’il replace le club sur ses valeurs fondamentales, la formation. En tant qu’ancien joueur qui a beaucoup gagné, il est légitime pour garantir cette philosophie. Il est aussi crédible à Nantes que peut l’être un Rummenigge au Bayern, un club qui n’a jamais eu peur de confier des responsabilités à ses anciens joueurs, ceux qui connaissent bien la maison.