Au cœur de la génération Platini, s’il n’était pas le plus médiatique, Maxime Bossis était sans aucun doute le meilleur arrière droit du monde. Formé à Nantes, passé par le Matra Racing, le Grand Max a fini sa carrière à la Jonelière en 1991 après trois titres de champion de France, une Coupe de France, un Euro et deux demi-finales de Coupe du monde. Un Monument !
Quel regard portez-vous sur le football des années 80 ?
Je ressens forcément un peu de nostalgie parce que nous étions jeunes, nous abordions tous le football comme une vraie passion et parce que j’ai eu la chance, à Nantes et en équipe de France, de tomber sur des générations exceptionnelles. Il y avait forcément plus de romantisme. Mais je n’entretiens aucune aigreur par rapport à l’évolution du football.
Je note juste que les 40-60 ans que je croise, et même au-delà, disent tous la même chose : c’était mieux avant ! Ils parlent avec beaucoup d’enthousiasme et de nostalgie de la génération Platini, du Saint-Etienne des années 70, du FC Nantes des années 70-80. Ils regrettent cette période par rapport à un football devenu robotisé et banalisé par l’accumulation des matches.
La télé a clairement pris le pouvoir.
Lorsque j’étais jeune, la rareté des retransmissions faisait l’événement. Avant l’arrivée de Canal + en 1984, une dizaine de matches par an seulement passaient à la télé. Aujourd’hui, il existe une vraie saturation qui génère forcément moins de passion et moins d’émotion.
Les enjeux financiers, exacerbés par l’entourage parfois malsain des joueurs, n’arrange pas les choses. J’ose juste espérer que les joueurs viennent toujours au football par passion.
C’était votre cas… mais ne regrettez-vous tout de même pas de ne pas avoir pu monnayer votre talent à l’étranger ?
A ce moment-là, seuls Platini et Six évoluaient en Italie (Juventus) et en Allemagne (Stuttgart). Lorsque j’ai signé au Matra Racing en 1985, avant d’être avec Alain Migliaccio, je n’avais pas d’agent, j’étais seul. Je n’ai su que six mois après, par l’intermédiaire de Robert Budzinski, le directeur sportif de Nantes, que l’Inter Milan avait voulu me recruter. Plus tard, à 30 ans, pour des raisons familiales, j’ai refusé un contrat de trois ans à Tottenham.
Aujourd’hui, un profil comme le vôtre n’aurait pas vocation à rester aussi longtemps en Ligue 1.
Oui, je serais certainement parti vers 23-24 ans. Je regrette de ne pas l’avoir fait vers 27 ans, après la Coupe du Monde 82. Car hier comme aujourd’hui à l’exception du PSG, la vraie reconnaissance internationale passe toujours par l’étranger.
Où auriez-vous aimé jouer ?
Le championnat anglais m’attirait beaucoup et j’ai longtemps hésité avant de refuser Tottenham.
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« On avait moins la culture de la gagne que les joueurs français actuels qui évoluent dans des clubs où on leur demande de gagner tout le temps, où le résultat prime sur le jeu »
A quel poste avez-vous été le plus performant ?
Je suis passé dans l’axe après la Coupe du Monde 82 pour remplacer Marius Trésor en équipe de France et Henri Michel à Nantes. En ayant joué latéral pendant sept ou huit ans, j’avais accumulé tellement de repères que je maîtrisais vraiment toutes les situations. C’était plus facile qu’en charnière centrale où il y avait plus de responsabilités pour anticiper, compenser, être au duel.
Vous avez été un des premiers latéraux à apporter aussi beaucoup offensivement.
Oui, et je suis fier d’avoir contribué à l’évolution du poste. Mais je n’étais pas le seul. En France, il y avait aussi Amoros, Janvion, Battiston, les Nantais Ayache, Tusseau et Bibard, à l’étranger Cabrini, Junior, Kaltz… Alors que quand j’ai débuté le foot, on m’interdisait de passer le milieu de terrain !
Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous ayez joué ?
Michel Platini, même si je ne m’en rendais pas forcément compte car j’ai tout partagé avec lui ; le Bataillon de Joinville, de la première sélection à la dernière Coupe du Monde 1986, la victoire en 1984… Il faisait partie des joueurs qui avaient quelque chose de plus que les autres. Techniquement, Maradona était le plus fort. Sentimentalement, je vouais un culte au Johan Cruyff de l’Ajax Amsterdam. Il me fascinait.
Avez-vous eu l’occasion de jouer contre lui ?
Lorsqu’il était au Cosmos New York, j’ai été invité à faire partie d’une sélection mondiale (en 1984), mais le FC Nantes ne m’a pas laissé partir. Je n’ai pas insisté par peur de me blesser. J’ai été un vrai imbécile parce qu’il y avait tous les meilleurs joueurs de la planète ; Pelé, Cruyff, Beckenbauer, Krol, Keegan, Kempes… J’aurais dû y aller mille fois !
Quel est le joueur qui vous a posé le plus de problèmes dans le jeu ?
L’attaquant italien Franco Causio. Face à lui, j’ai vécu ma mi-temps la plus difficile en équipe de France lors du premier match de la Coupe du Monde 1978 en Argentine. A une époque où la plupart des équipes évoluaient en 4-3-3, j’étais souvent au marquage individuel de l’ailier gauche. Avant de me reprendre en seconde période, ses dribbles m’avaient fait énormément souffrir.
Maxime Bossis marqué par Hidalgo et Suaudeau
Eu égard aux nombreux talents de la génération Platini, n’avez-vous pas l’impression de ne pas en avoir assez profité, de ne pas avoir assez gagné ?
C’est vrai. On aurait au moins pu vivre une finale de Coupe du monde, c’était largement dans nos cordes. Rien ne dit qu’on aurait battu l’Italie en 1982 ou l’Argentine en 1986, mais il aurait été intéressant de voir si on en était capable. Ah, ce France-Allemagne de Séville, on m’en parle encore tout le temps !
Le fait est qu’on avait moins la culture de la gagne que les joueurs français actuels qui évoluent dans des clubs où on leur demande de gagner tout le temps, où le résultat prime sur le jeu.
Nous, on ne savait pas gagner en jouant mal. L’Euro 1984 a été la seule période où nous y sommes parvenus, en battant difficilement le Danemark au premier match, en revenant de loin en demi-finale face au Portugal, jusqu’à la finale face à l’Espagne qu’on n’a pas maîtrisée. Mais on a gagné. En même temps, on partait de tellement loin. L’équipe de France n’avait plus rien fait depuis 1958. Il a fallu du temps pour remonter la pente.
A part Michel Hidalgo quel autre entraîneur a compté pour vous ?
Coco Suaudeau, à Nantes, a amélioré le jeu à la nantaise initié par José Arribas dans les années 60. Mais j’ai aussi adoré Jean Vincent qu’on a tendance à oublier alors qu’on a beaucoup gagné avec lui (champion de France 1977 et 1982, Coupe de France 1979, Ndlr). Suaudeau était supérieur au niveau de la réflexion, tactiquement, mais Jean avait cette capacité à dédramatiser, à conserver le sourire tout le temps, à entretenir une bonne humeur générale.