jeudi 28 mars 2024

HANDBALL — Nikola Karabatic : « Je savoure, car ça va bientôt s’arrêter”

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

A 38 ans, Nikola Karabatic vient de décrocher son 14ème titre de champion de France. Le demi-centre du PSG et des Bleus savoure lui qui a resigné jusqu’en 2023.

Le PSG a décroché son 8ème titre de champion de France de suite. Du jamais vu ! N’a-t-on pas trop tendance à banaliser ces titres en raison des moyens largement supérieurs du club parisien par rapport à ses concurrents ?

Si on regarde ça de loin et tous ces titres, on peut se dire que Paris gagne à chaque fois, que ça doit être facile. C’est vrai que cette année on a vraiment survolé les débats. Mais Nantes joue très bien, il n’y a qu’à voir leur parcours en Coupe EHF, ainsi que celui de Montpellier en Ligue des Champions qui n’est pourtant que 4ème en championnat, ce qui montre la valeur de notre championnat et ce n’est pas forcément reflété par les différents vainqueurs.

Il y a une année (2018, Ndlr) où Montpellier a gagné la Ligue des Champions, Nantes a fini 2ème et nous 3ème, et on gagne le championnat. Le palmarès du championnat ne reflète pas vraiment la difficulté du championnat de France. C’était beaucoup plus facile quand j’ai débuté avec Montpellier qu’aujourd’hui.

Karabatic et Paris très attendus par la concurrence

Après Montpellier, aujourd’hui Paris, le championnat de France fonctionne-t-il par cycles ?

Le championnat de France est devenu le deuxième championnat en Europe et propose une vraie concurrence à la Bundesliga. En 2018, quand on place trois clubs français aux trois premières places de la Ligue des Champions, c’était le championnat numéro 1, mais ça fluctue en fonction des départs de joueurs. Après cette belle saison, beaucoup de joueurs de Montpellier et Nantes sont partis à l’étranger.

Même si le PSG domine ces dernières années, on assiste à la structuration de beaucoup de clubs, Nantes qui est devenu une vraie place forte en France et en Europe avec son public et sa salle, Montpellier qui est toujours là, Aix qui se bat pour jouer la Ligue des Champions avec sa nouvelle salle, Chambéry et Dunkerque des historiques, Toulouse qui progresse. Le PSG crée une émulation plus que le contraire.

Cette domination pourrait lasser…

(rires) Ce n’est pas mon problème. Je suis sur le terrain pour être champion et je suis fier qu’on le soit au terme d’une saison record ! C’est sans doute plus excitant d’avoir des champions différents, mais encore une fois ce n’est pas mon problème.

« Plus que des play-off ou des play-down, il faut surtout qu’on arrive à avoir de grands clubs dans les grandes villes françaises »

On parle peut-être d’instaurer des playoff pour relancer le suspense. Y êtes-vous favorable ?

Notre sport est un sport qui, historiquement, comme le foot, se joue en championnat en récompensant la meilleure équipe sur toute la saison. C’est dans son ADN. En tant que joueur, je ne suis pas vraiment pour des play-off. Ce n’est même pas un problème de calendrier puisqu’on pourrait enlever certains matches pour les caler.

Pour l’attrait du championnat, ça rajouterait sans doute du suspense, mais ça enlèverait de l’importance à la phase régulière. Il faut réfléchir à rendre le hand toujours plus attrayant, mais il faut trouver le bon dosage. Plus que des play-off ou des play-down, il faut surtout qu’on arrive à avoir de grands clubs dans les grandes villes françaises. Il manque un grand club en Alsace autour de Strasbourg-Sélestat, dans le Sud-Ouest même si Bordeaux vient de monter en Proligue. Le hand se joue dans la France entière et il doit être représenté partout. Il n’y a par exemple pas de club à Lyon. C’est plus cette transition-là qu’on doit réussir avant de penser à des play-off.

Vous avez battu Montpellier en quarts de finale de la Coupe de France (41-24) dans une ambiance de folie à Coubertin. Il y a donc un vrai public hand à Paris !

Que ce soit en championnat ou en Ligue des Champions, la salle est pleine. La seule différence, c’est que quand on joue en semaine on a le kop des Ultras qui vient voir nos matches. Ça met une ambiance différente, une ambiance incroyable avec des chants pendant tout le match. A la fin, on chante avec eux. C’est devenu un moment incontournable et une spécificité du club cette communion avec les Ultras qui viennent du foot. Depuis quatre ans, ils viennent soutenir le hand masculin et le foot féminin.

« Nous ne sommes pas favoris de la Ligue des Champions »

Comme pour les footeux, il ne manque au PSG qu’une Ligue des Champions dans la vitrine. Une saison réussie passe-telle obligatoirement par cette victoire en Ligue des Champions ?

Au début, quand je suis arrivé, oui, car c’était l’objectif le plus important et l’équipe était construite pour ça avec énormément de moyens. On a fait deux demi-finales et une finale. A partir de la saison 2018/2019, le club a commencé à réduire la voilure au niveau du recrutement, à garder toujours une équipe très compétitive, mais en faisant attention et en ne recrutant plus forcément les meilleurs joueurs au monde. On a eu aussi de la malchance. L’année Covid, on était bien parti pour la gagner.

Au final, le Final Four s’est joué en décembre sans les joueurs de la saison comme Sagosen qui était parti. Ensuite, c’est Rodrigo (Corales) qui est parti à Veszprem. Cette année, c’est Dylan (Nahi) qui est parti à Kielce. Il va être rejoint la saison prochaine par Nedim (Remili) et Benoît (Kounkoud). Nos joueurs sont recrutés par les meilleurs clubs européens. On est plus passé dans une phase où on a une très bonne équipe, compétitive, mais on n’est plus favoris de la Ligue des Champions car les autres clubs ont plus de moyens que nous.

Avec les départs de Nahi, Kounkoud, Remili, Gérard et Hansen, une page se tourne-t-elle au PSG ?

Il va y avoir un gros turn-over au niveau de l’effectif. Mikkel qui part, Nedim, Benoît, Yann (Genty), Vincent, ça va faire beaucoup de changements avec de nouveaux joueurs qui vont arriver. Ça va être un très gros changement comme on n’en a pas eu depuis très longtemps.

N’est-ce pas frustrant quand on est joueur de voir que les meilleurs joueurs partent alors qu’avant c’était l’inverse ?

Ce n’est pas à moi de juger la politique du club. Moi je suis très heureux ici à Paris avec qui je suis encore sous contrat un an. Je prends mon plaisir sur le terrain. Je me donne à fond pour l’équipe et pour les joueurs avec qui je joue en gagnant le plus de titres possibles et en étant le meilleur possible. Je sais que le club reste ambitieux et qu’on aura toujours une bonne équipe, mais c’est sûr que ce sera plus dur en Ligue des Champions que par le passé.

Karabatic ne juge pas la politique du club

Vous avez prolongé d’un an, avez-vous hésité alors que de nouveaux projets se montent en Scandinavie notamment ?

Non. Je suis bien à Paris, même dans ma vie de famille, on s’y sent très bien donc c’était naturel de prolonger et j’aimerais terminer ma carrière ici.

En 2023 ou après ?

Je ne sais pas encore (sourire).

La perspective des Jeux à Paris n’est-elle pas une motivation pour continuer jusqu’en 2024 ?

Pas forcément. Je ne me projette pas aussi loin. Tellement de choses peuvent arriver d’ici là. Je raisonne saison par saison. Vouloir être aux Jeux à tout prix peut créer plus de problèmes qu’autre chose en voulant y être à tout prix. Ce n’est pas ma mentalité. Si je dois y être, j’y serai et je ferai tout pour y être. Mais ce n’est pas une obligation.

Le fait que Luka, votre frère, a prolongé jusqu’en 2024 ne vous incite-t-il pas à continuer jusque-là ?

Non car chacun a son parcours, en plus il a quatre ans de moins que moi il a donc encore un peu de temps devant lui. Moi je suis à un moment de ma carrière où je fais le bilan après chaque saison pour voir comment je me sens, si je suis encore bon, si je peux toujours aider l’équipe, si c’est toujours pertinent que je continue. Je fais aussi le bilan avec ma famille car les saisons sont longues et prennent beaucoup de temps, ce sont des sacrifices. Je me sens bien, je joue bien, je prends du plaisir donc pour l’instant tous les clignotants sont au vert et je continue encore un an.

« La blessure me rappelle que ma carrrière peut se terminer »

Est-ce votre grave blessure (rupture du ligament croisé antérieur du genou droit en octobre 2020 contre Ivry) qui vous fait voir les choses différemment ?

La blessure n’a rien changé, elle m’a juste rappelé que ma carrière pouvait se terminer à tout moment. Il faut en avoir conscience et prendre du plaisir dans ce qu’on fait tous les jours, à l’entraînement, et pas que dans les victoires et les titres.

Pousser jusqu’à 40 ans n’est-ce pas un challenge supplémentaire ?

Ce n’est pas loin, mais deux ans c’est beaucoup aussi dans le sport (sourire). Je suis déjà fier de jouer à 38 ans. Si ça arrive, pourquoi pas, mais ce n’est pas un objectif que je me suis fixé.

En 2019, vous déclariez que vous arrêteriez en équipe de France après les JO. Le report de ces derniers et la blessure ontils changé la donne ?

Je n’avais pas dit ça, mais que les rythmes auxquels on était soumis entre les clubs et l’équipe nationale obligeaient souvent les joueurs à prendre des décisions et à choisir entre les deux, et peut-être qu’à un moment donné je serais forcé d’arrêter la sélection car ça fera trop de matches.

Vous êtes-vous posé la question entre les JO et l’Euro d’arrêter en sélection ?

Comme en club, je fais le bilan à la fin de chaque saison internationale avec Guillaume (Gille) et le staff de l’équipe de France. Pour l’instant, j’ai décidé de ne pas encore arrêter, je devrais donc être au Mondial si tout va bien.

« En Ligue des champions, les clubs ont désormais plus de moyens que le PSG »

Quand on a tout gagné comme vous qu’est-ce qui vous motive aujourd’hui, qu’est-ce qui vous manque ?

Il ne me manque rien. J’ai tout gagné, même plusieurs fois. Je vois un peu différemment ma pratique approchant de ma fin de carrière, je suis aussi maintenant père de famille. J’essaie de me concentrer sur le plaisir, et pas seulement dans la victoire, ne pas me mettre cette pression constante à vouloir battre des records. Je suis un compétiteur et dès que je suis sur le terrain j’y pense, bien sûr, mais j’essaie de me concentrer sur la pratique, l’entraînement, la vie avec l’équipe. J’essaie de savourer car bientôt ça va s’arrêter. J’essaye aussi d’imaginer mon après carrière.

Le 2 novembre 2002, vous disputiez votre 1ère sélection contre la Russie. 20 ans en Bleus, c’est fou, non ?

Ça fait beaucoup ! (sourire) J’avais 18 ans quand j’ai commencé en équipe de France. C’est juste incroyable ! Je devais être un des plus jeunes joueurs à débuter en sélection. Je suis fier d’avoir duré 20 ans.

Qui voyez-vous reprendre le flambeau en équipe de France quand vous allez arrêter ?
Il n’y en a pas qu’un, mais plusieurs. Il y a toute une génération talentueuse à l’image de Dika (Mem), Nedim (Remili), Dylan (Nahi), Hugo (Descat), Yanis (Lenne), Aymeric (Minne), Thibaud (Briet), les anciens Valentin (Porte), Luka (Karabatic), Ludo (Fabregas), Nico (Tournat), Vincent (Gérard), Kentin (Mahé)… Cette équipe prend beaucoup de plaisir à évoluer ensemble. Il y a une vraie osmose et un vrai esprit d’équipe. Avec tous ces talents, cette équipe peut aller très loin et je ne suis pas inquiet quand je vais arrêter. Il y a du talent partout. Il faut maintenant convertir ça en titres.

Nikola Karabatic regrette de ne pas jouer les JO à Paris

Les Jeux de 2024 auront lieu à Lille pour les handballeurs. Cela ne vous dérange-t-il pas de ne pas jouer à Paris ?

On nous a expliqué que c’était sous l’impulsion de notre Fédération et de la Fédération Internationale qui souhaitaient jouer à Lille car les salles proposées à Paris n’étaient pas assez grandes. En tant que joueurs, on n’a pas eu notre mot à dire. On essaye de voir maintenant comment les équipes de France handball masculine et féminine pourraient quand même avoir une expérience du village olympique à Paris en commençant peut-être la compétition plus tôt pour vivre quand même deux ou trois jours au village. On essaie de se battre là-dessus car la vraie expérience olympique, pour les athlètes, c’est le village.

Vous disiez songer à votre après carrière. En savez-vous plus ?

J’ai beaucoup de pistes. Avec mon frère, on a développé des stages dans le handball, les stages Karabatic qu’on avait créés avec mon père et qu’on veut développer. C’est aussi une manière de garder un pied dans le handball. J’ai aussi pour projet de créer un fond de dotation avec mon frère autour du sport, de l’écologie et de la solidarité. Ça nous tient à cœur.

Et entraîneur ?

Non, pas pour l’instant. Mais j’aimerais bien garder un lien avec le PSG en créant des passerelles entre la Fondation PSG et notre fond de dotation. Le club m’a beaucoup apporté et j’aimerais aussi lui rendre.

Votre fils Alek (6 ans) pourrait-il prendre la relève ?

Il aime beaucoup le handball et est fan du PSG. Il joue à Boulogne, à l’ACBB. Il se débrouille bien (sourire). On verra…

Le handball est-il assez médiatisé en France ?

Il faut distinguer l’équipe de France et le championnat. Le nœud du problème, c’est la diffusion. Il y a un partenariat avec beIN SPORTS et certains de nos matches sur les grands championnats sont retransmis sur le groupe TF1 et parfois sur L’Equipe TV. Après, en championnat, on est passé de l’an dernier où tous les matches étaient diffusés sur beIN à seulement deux matches cette année parce que la Ligue des Champions a décidé de jouer en semaine à la demande des Allemands. On peut et on doit faire mieux.

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