Après avoir su faire honneur à son titre de champion de France du contre-la-montre, Rémi Cavagna compte bien faire honneur à sa tunique bleu-blanc-rouge acquise avec brio en 2021 sur les routes d’Epinal même s’il n’a pas participé au dernier Tour de France.
Comment avez-vous vécu vos premières semaines en tant que nouveau champion de France ?
Avec beaucoup d’entraînements (sourire). Je devais me préparer aux Jeux Olympiques et je n’ai pas fait énormément de courses depuis le Tour d’Italie. Je n’avais fait que le championnat de France. J’avais une vraie faim de courses. En juillet, c’était difficile d’enchaîner. Il fallait se concentrer et travailler sérieusement même si cela ne remplace pas la compétition.
D’autant plus qu’avant le mois de juillet vous avez connu une belle récompense…
(Il sourit) C’est une grande satisfaction surtout après la déception du contre-la-montre du jeudi (23ème, Ndlr). Je me suis bien rattrapé en remportant le titre de champion de France sur route. Je porte le même maillot au final que j’ai pu connaître les chronos tout au long de la dernière année. Maintenant, je vais pouvoir le porter toute l’année sur toutes le courses. C’est une belle émotion.
Arrivez-vous à vous faire à l’idée que vous êtes le champion de France pour l’année à venir ?
C’est sympa de rouler avec les couleurs bleu-blanc-rouge. Je suis plus facilement reconnu sur les courses et même à l’entraînement. Les gens sont vraiment adorables. J’ai l’impression que j’ai passé une étape encore dans ma carrière. Forcément, c’est une motivation supplémentaire maintenant que je le porte. C’est un beau maillot que je veux faire briller. J’ai une grande envie de faire gagner l’équipe avec ce maillot et de remporter des courses à titre personnel.
« Sympa de rouler avec les couleurs tricolores »
Comment avez-vous vécu personnellement cet ascenseur émotionnel entre la déception du chrono du jeudi et la victoire de la course en ligne le dimanche ?
Il y avait vraiment une grosse déception après le chrono. C’est vrai que j’ai pris le départ de la course motivé pour aider l’équipe et surtout Julian Alaphilippe ou Florian Sénéchal. Ils étaient en grande condition. Au final, j’ai réussi à être à l’avant. J’avais un coup d’avance. Ça m’a permis d’avoir Julian derrière qui était beaucoup regardé en tant que champion du monde. J’ai pu avoir un certain avantage aussi. A la fin, j’ai pu jouer de cela pour jouer ma carte personnelle. J’ai pu remporter la course. Je ne l’aurais jamais cru au départ. Je n’ai pas réalisé tout de suite.
A quel moment y avez-vous cru vraiment ?
Quand je suis parti, dans la dernière montée. Je me suis retourné et je n’ai vu personne. Je me suis dit que ça pouvait le faire. J’en avais encore sous la pédale. A ce moment-là, je me suis vraiment dit que ça pouvait aller au bout.
En début de saison, notre rédaction avait parié sur le fait que vous garderiez votre maillot tricolore du chrono. Au final, avoir le plus beau des titres nationaux est-ce encore mieux ?
Ça compte aussi même si j’ai toujours affiché ma préférence pour le contre-la-montre. C’est une discipline que j’adore et que j’affectionne. J’y travaille beaucoup à la maison. J’ai fait beaucoup de 2èmes places cette année. Je voulais en gagner un en World Tour. Cela a été fait. Mais je voulais vraiment garder le maillot tricolore. C’est le plus beau maillot du peloton. J’étais fier de courir avec. J’étais déçu de ne pas le conserver, mais c’était avant de récupérer celui de la course en ligne.
Rémi Cavagna a le mailot bleu-blanc-rouge qui lui colle à la peau
Au regard de votre CV, le bleu-blanc-rouge revient toujours que cela soit en universitaire ou en Espoirs…
(Il sourit) J’ai vraiment connu de belles émotions avec le maillot tricolore en jeunes, notamment en U23. Mais le fait de l’avoir l’an passé a été un déclic. Je courrais après depuis mes débuts professionnels. Je ne passais pas loin ou à côté. J’ai connu quelques frustrations avant de finalement le remporter. Donc, le perdre le jeudi, c’était difficile à avaler. Je n’aurais pas misé sur moi le dimanche pour remporter la course en ligne.
Sentez-vous avoir grandi depuis toutes ces années ?
Mon statut a évolué au fil des saisons. Cette année encore plus avec ce maillot. J’ai démontré que j’étais capable de gagner des courses. Pas seulement des contre-la-montre. Remporter le maillot de la course en ligne, ça va me motiver encore plus pour la suite de ma carrière.
Jusqu’où espérez-vous aller après avoir remporté des étapes sur des courses World Tour ou encore des grands Tours comme la Vuelta ?
Je n’ai pas de limites maintenant. Chaque victoire me booste. Il y a deux ans, sur la Vuelta, je n’aurais jamais cru pouvoir le faire. Je pense qu’à partir de là j’ai pu remporter des courses sur le plat ou du dénivelé. Pas encore en haute montagne. On verra à l’avenir. J’ai encore plein d’objectifs et de belles choses à faire. Et avec ce maillot cela ne peut être que le cas.
« Le maillot tricolore, le plus beau maillot du peloton »
Donc on oublie l’Alpe-d’Huez comme objectif…
(Il rigole) On verra, mais pourquoi pas accrocher une étape dans le même genre. Faire une échappée et résister au peloton comme peut le faire Wout Van Aert qui a gagné sur le Ventoux. Si je perds quelques kilos, je m’en pense capable. Sur une échappée, pourquoi ne pas le faire.
Surtout que la gestion de l’effort, vous connaissez…
(Il coupe) Sur le contre-la-montre, c’est un peu pareil. Après, il y a le poids qui rentre en compte. Mais gérer son effort pendant une heure, je sais le faire. C’est un peu naturel chez moi. Avant les épreuves, j’avais beaucoup de stress. Maintenant, je pars décontracté. La gestion de l’effort est différente. Je travaille beaucoup à l’entraînement avec mon vélo. Je fais beaucoup d’efforts sur des distances de contre-la-montre.
Depuis le début de saison, êtes-vous satisfait de ce que vous avez fait jusqu’à présent ?
Ma victoire sur le chrono du Tour de Romandie m’a fait du bien. J’étais passé pas mal de fois à côté, avec des 2èmes places, que ce soit sur Paris-Nice, le Tour de Catalogne ou le Tour d’Italie. Le fait de gagner au Romandie, c’était top, devant un beau plateau. C’était enfin la récompense de tout mon travail.
Avez-vous refait, dans votre tête, le dernier virage du contre-la-montre qui clôturait le Giro et qui vous a empêché de remporter cette ultime étape ?
Je l’ai refait beaucoup de fois. Mais c’est la course. Celui qui gagne, Ganna, a eu une crevaison. Moi je tombe. Cela aurait été l’écart à l’arrivée si on n’avait pas connu ces infortunes. Je ne m’en veux pas. Le meilleur à gagner ce jour-là. Sans la chute, il y aurait eu une chance, mais il y aura d’autres occasions, notamment sur les grands Tours. Mais je compte encore remporter de beaux chronos.
Rémi Cavagna impressionné par Julian Alaphilippe
Quels sont vos prochains objectifs maintenant ?
Après une belle médaille aux JO, pourquoi pas gagner avec le maillot bleu-blanc-rouge, notamment lors des prochains Mondiaux sur route. Le contre-la-montre est mon objectif de fin de saison. Et puis pourquoi pas rêver d’une belle classique avec ce maillot tricolore et simplement gagner des courses, sur des grands Tours.
Qu’avez-vous pensé de vos coéquipiers sur le dernier Tour de France ?
C’était impressionnant de voir Julian gagner avec le maillot de champion du monde pour ensuite avoir le maillot jaune derrière. Cela démontre quel champion il est. L’un des plus grands. C’était beau à voir. Il y a Mark qui enchainait les étapes. C’était beau aussi. Etre à 34 victoires, tout comme Eddy Merckx, ça parle. Et ce n’est pas encore fini cette année.
La Deceuninck Quick-Step, une équipe unie
Cela démontre-t-il la force du Wolfpack de la Deceuninck-Quick Step ?
C’est le secret de l’équipe. Une force mentale incroyable qui nous unit. Tout le monde s’entend bien dans l’équipe. Il y a une superbe ambiance. Tout le monde sait ce qu’il doit faire. On a tous un rôle précis. On a de grands leaders mais, sur une course, on peut tous avoir notre mot à dire pour gagner. Ça aide. On a de grands coureurs dans l’équipe. Le train de Mark (Cavendish) en est la preuve avec Asgreen, Morkov,… C’est le meilleur du monde.
Le fait de voir justement Mark Cavendish redevenir le meilleur sprinteur du monde est-ce impressionnant ?
Je n’avais pas commencé le vélo qu’il gagnait déjà des étapes sur le Tour de France. C’était mon sprinteur préféré quand je regardais le Tour à la télé. Je voulais toujours le voir gagner. C’est fou de le voir de nouveau être aussi fort alors que beaucoup pensaient qu’il en avait fini, que c’était la fin de sa carrière. Mais il a retrouvé un second souffle. Revenir chez Deceuninck-Quick Step, c’est la meilleure chose qu’il ait faite.
Est-ce un exemple pour vous ?
Les efforts payent toujours. C’est la vraie leçon. Il y a des années difficiles dans une carrière, mais il faut toujours y croire et ne jamais abandonné. Un jour tout peut basculer et changer. C’est le vélo. La roue tourne. Mark l’a démontré au public et même à ses coéquipiers.