Considéré comme la plus farfelue de l’après-guerre, l’édition 1950/1951 du championnat de Ligue 1 (Division 1 à l’époque) a livré son verdict à la moyenne de buts (et non au goal-average comme aujourd’hui), favorable aux Niçois (1,587) face aux Lillois (1,326), alors que les cinq premières équipes se tenaient en un petit point !
Et pourtant, tout avait bien mal commencé. Après sept journées de championnat, l’imprévisible onze niçois ne comptait qu’un petit point, et occupait la dernière place du classement, neuf points derrière Rennes, le Racing et Strasbourg.
Au seul nul obtenu face aux Verts de Saint-Etienne (0-0), s’ajoutaient six défaites (Bordeaux 0-2, Rennes 3-6, Sochaux 2-3, Reims 1-2, l’OM 0-3, Le Havre 1-4 et Lens 0-2) qu’on aurait pu croire rédhibitoires. Champion d’automne, Le Havre semblait avoir des arguments supérieurs avec son buteur, Saunier, juste devant le champion en titre, Bordeaux et son artilleur Henri Baillot.
Nice en feu après la guerre en Ligue 1
Face à ces valeurs sûres, Nice avait des allures de véritable tour de Babel. Les locaux Bonifaci, Rossi (qui deviendra entraîneur dans les années 70), Pedini ou Fassone côtoyaient des Nord-Africains; Firoud (Ahmed, le frère du Nîmois, Kader), Ben Tifour ou Ben Nacef, des Suédois; Bengtsson, Hjalmarsson ou Samuelson, un Brésilien; Amalfi et des Français recrutés aux quatre coins de l’hexagone, le Normand Carré, le Berrichon Mindonnet, le Lyonnais Belver, les Parisiens Courteaux et Germain.
Le tout coaché par le très rigoureux Elie Rous qui n’allait pas résister à cette mauvaise entame, remplacé par Jean Lardi en novembre après un Racing-Nice pourtant victorieux (3-0) après… quatre penaltys !
Parce que le rationnel ne semblait pas faire partie de l’adn de cette équipe, c’est avec un autre entraîneur, le très atypique Numa Andoire, que les coéquipiers de l’international Bonifaci allaient effectuer leur belle remontada. Pittoresque, astucieux et fin psychologue, Andoire avait participé comme joueur à la première Coupe du Monde 1930 en Uruguay sans jouer une seule rencontre. Les dirigeants étaient allés le chercher à Antibes où il avait été entraîneur-joueur juste après la guerre.
Ils avaient senti que son tempérament et ses méthodes pouvaient s’adapter au profil d’une équipe aussi hétérogène.
En redonnant d’abord confiance au Brésilien Amalfi, inexistant avant son arrivée, il relançait une nouvelle dynamique avec le net succès face au leader, le RC Strasbourg (4-1) en fin d’année, qui portait largement la marque du fantasque brésilien, buteur et trois fois passeur décisif pour l’inévitable Courteaux (27 buts au total, deuxième meilleur buteur de D1 derrière Piantoni).
Amalfi, le fantasque brésilien fait des merveilles
Yeso Amalfi était un spectacle à lui tout seul, capable de monter à pieds joints sur le ballon pour mettre ses mains en visière et regarder à qui faire la passe, élégant et fin technicien, son sens de la provocation balle aux pieds, sa fantaisie en faisaient une vraie vedette du championnat. S’il ne resta qu’une saison à Nice (20 matches, 5 buts), avant de partir en Italie et de revenir terminer sa carrière sur Paris, sans lui, le titre de 1951 n’aurait pas fini par tomber dans l’escarcelle niçoise.
A force d’exploits (3-1 à Lille, 4-1 au retour, 4-2 à Reims, 5-1 face au Stade Français, 3-0 face au Racing), l’OGC Nice remontait un à un tous ses concurrents pour prendre la tête du championnat lors de l’avant-dernière journée… à égalité de points avec Le Havre, Lille et Nîmes, mais devant à la moyenne de buts inscrits.
La victoire sur Nîmes 2-0 (deux fois buteur, merci Amalfi !) offrait une finale au Stade Français pour une dernière journée dantesque où huit matches sur neuf avaient un impact direct sur le titre et la descente. Grâce à Carré, Hjalmarsson deux fois et Courteaux, le 4-0 suffisait pour maintenir les quatre autres postulants à distance et fêter le premier titre de champion de l’histoire du club. Un peu fou et très imprévisible.
Tom Boissy