Préférant plutôt jouer à fond la carte collective que personnelle, l’Australien, Rohan Dennis pourtant vainqueur d’étapes sur les trois grands Tours, entend se livrer corps et âme pour son leader slovène (NB : entretien effectué avant le départ du Tour).
Pourquoi avoir choisi de signer chez Jumbo-Visma plutôt que de prolonger chez INEOS Grenadiers ou même d’aller chez UAE Team Emirates ?
Il y a plusieurs raisons. Jumbo-Visma est une équipe de pointe sur le plan de ses équipements, sur la nutrition et sur le management. Cela aurait été totalement stupide de ma part de passer à côté de cette opportunité.
Comment vous sentez-vous désormais dans cette équipe ?
Mon adaptation a été excellente et très facile. Il y a eu une très bonne communication dès le départ. Ici, le recrutement des coureurs ne tient pas uniquement à leurs résultats. On sent un projet solide qui s’est construit depuis 2015, et ce sur plusieurs années basé entre cinq à sept ans.
N’est-ce pas parfois frustrant d’être un professionnel de grand talent comme vous et de devoir se mettre au service d’un leader ?
Je me suis déjà essayé à des classements généraux par le passé. Ce n’était pas pour moi. Cela s’est vérifié récemment sur le Tour de Romandie. Je ne me suis pas imposé (l’Australien a terminé 8ème, Ndlr). Et quand j’ai eu le champ libre sur un chrono à Paris-Nice en particulier (entre Domérat et Montluçon, Ndlr), j’ai été battu par mes deux équipiers (Van Aert et Roglic, Ndlr). Travailler pour un leader que ce soit sur des courses d’une semaine ou dans des grands Tours ne me pose donc aucun problème. Et plus vous vieillissez et plus vous devenez mature. Vous comprenez davantage de choses aussi.
« Je vais devoir être bon sur 21 jours et pas un seul »
Votre début de saison correspond-il à vos attentes ?
Relativement oui. C’est ce que j’attendais. J’ai commencé assez fort la saison en gagnant le championnat d’Australie du contre-la-montre. Paris-Nice s’est assez bien passé tout comme le Tour de Romandie (8ème, Ndlr). Quels sont vos grands objectifs pour cette deuxième partie de saison ? De tout donner pour mon équipe et l’aider à gagner un ou deux grands Tours. C’est un grand objectif pour Primoz dans le Tour et donc pour moi de tout faire pour l’aider à gagner. Il y a aussi prochainement les championnats du monde en Australie.
Avez-vous encore un rêve de carrière à atteindre ?
Je n’ai jamais obtenu de médaille d’or aux Jeux du Commonwealth ni de médaille aux Jeux Olympiques. Sans pour autant penser à gagner absolument, j’aimerais au moins être acteur dans ce genre d’épreuves. Mais la jeune génération pousse très fort derrière.
Quel va être votre objectif personnel sur le Tour de France ?
Déjà si je fais bien mon travail pour Primoz ce sera très bien. Cela ne me laissera probablement que peu de place pour penser à moi et mes visées personnelles dans ce Tour. Pour gagner une épreuve aussi sélective que celle-là, vous devez impérativement mettre tous vos œufs dans le même panier. Au risque de connaître un jour ou deux compliqués…
Rohan Dennis dans la roue de Roglic
Pensez-vous néanmoins pouvoir porter le maillot jaune en gagnant le chrono de la 1ère étape à Copenhague ?
Je ferai vraiment mon maximum. Mais au-delà de cela pour que notre équipe remplisse ses objectifs, il me faudra être surtout plus efficace en montagne. Si je suis en bonne forme dans ce registre, je pourrai alors être bon sur le chrono en fin de Tour (le 23 juillet à Rocamadour, Ndlr). On verra bien si mon corps ne sera pas trop détruit d’ici là (sourire).
Les deux chronos peuvent donc me convenir. Mais si je réagis uniquement ainsi ce serait assez égoïste de ma part. Cela voudrait dire que je négligerais mon rôle d’équipier en montagne. Donc si je devais m’imposer en chrono ce serait super. Sinon je n’en pleurerai pas. Je devrai être surtout bon pendant 21 jours et pas seulement un ! En 2015, vous avez gagné une étape du Tour à Utrecht en chrono.
Qu’a-t-elle représenté dans votre carrière ?
Elle a marqué un énorme changement. Remporter un tel succès avait surpris beaucoup de monde. Cette victoire m’a donné énormément de confiance. Elle a accéléré le cours de ma carrière. Sur le Tour, toutes les attentions de l’équipe seront tournées vers Primoz Roglic.
A-t-il plus de chances de s’imposer cette année ?
Un Tour de France peut se perdre dès la première semaine. Malheureusement pour lui l’an dernier on n’a pas pu le voir beaucoup à l’oeuvre en montagne en raison de sa chute (3ème étape, Ndlr). Ce serait stupide de ne pas penser qu’il soit capable de combattre Pogacar. On n’a pas encore vu quelque chose aller de travers pour Pogacar dans le Tour. Mais je ne retire en rien à ses deux victoires (en 2020 et 2021, Ndlr) non plus.
L’avis de Laurent Jalabert
« C’est la grosse formation, mais avec quelles ambitions. Roglic a toujours une épine plantée dans le pied quand il vient sur le Tour. C’est l’équipe la plus homogène et efficace sur tous les terrains, mais ils ont Pogacar en face. Jumbo-Visma sera une équipe qui va peser forcément sur la course du début à la fin. Wout Van Aert aura peut-être l’opportunité de remporter le maillot vert. C’est même certainement le favori. »