Yannick Noah demeure toujours le dernier Français à s’être imposé à Roland-Garros en 1983. Il attend son successeur qui ne devrait pas arriver de si tôt.
Un moment à part, à jamais gravé dans les mémoires. Yannick Noah bat ce 5 juin Mats Wilander en finale de Roland-Garros en 1983 (6-2, 7-5, 7-6). Sur la balle de match, le retour du Suédois sort en dehors des limites du court. Pourquoi cet exploit reste si grandiose ? Car il s’agit, à ce jour, du dernier tournoi masculin du Grand Chelem remporté par un Français, face au tenant du titre Mats Wilander.
Le natif de Sedan devient ainsi le premier joueur français à s’imposer en simple à Roland-Garros depuis Marcel Bernard en 1946. Une fois le titre acquis, Yannick Noah se précipite dans les bras de son père, offrant au monde entier une image du succès parmi les plus belles que le sport français n’ait jamais connue !
Le propos de Virginie Razzano symbolise et résume à lui seul l’ampleur de l’exploit : « Je suis née en 1983. Mes parents m’ont rappelé que Yannick avait gagné Roland-Garros à ma naissance. Je me suis alors vraiment ersonnage. J’ai suivi sa carrière. Il a fait partie de ces personnes qui m’ont beaucoup inspirée ».
Noah en 1983, un exploit pour Rodolphe Gilbert
Rodolphe Gilbert : « Même avec le recul, sa victoire à Roland-Garros en 1983 reste un exploit retentissant. Yannick figurait parmi les meilleurs joueurs sur terre battue de l’époque. Il faisait partie du gotha sur cette surface, du top 3 mondial, au même titre que les Ivan Lendl, Mats Wilander. Yannick ne débarquait donc pas de nulle part. Auparavant il avait remporté des tournois sur terre battue. Il avait battu de grands spécialistes comme Mats Wilander. En 1983, il était au summum ».
Christophe Roger-Vasselin ne peut pas dire le contraire lui qui avait été laminé par Noah (en ne marquant que trois jeux) au stade des demi-finales :
« Yannick était plus fort tout simplement. Il n’y avait pas photo. Tennistiquement et physiquement, il était le plus costaud. On pouvait de toute façon prévoir sa victoire finale à Roland-Garros car il faisait partie des favoris. Yannick avait le mental pour gérer une finale à domicile avec tout un pays derrière lui.
C’est quelqu’un qui ne craque pas mentalement. Les qualités tennistiques sont importantes, mais si le mental ne suit pas vous vous mettez en danger. Yannick était donc fort sur le plan du tennis, mais aussi psychologiquement.
Sa victoire a été amplement méritée. Il est vrai qu’il n’a pas encore trouvé son successeur. Mais la concurrence est énorme. Il est très compliqué de nos jours de remporter un tournoi du Grand Chelem. Si on regarde bien, peu de pays ont remporté un titre de cette dimension.
Cela souligne la difficulté du défi à relever. Il n’empêche qu’en France on a un bon vivier de joueurs. C’est l’un des pays qui a le plus de représentants dans le top 100 (dix). Ce n’est d’ailleurs pas étonnant qu’on ait gagné la Coupe Davis ».
Le plus fort physiquement et mentalement
Avec Yannick Noah comme chef de file… Mais revenons à 1983. Entre maîtrise totale et moments épiques, Patrice Hagelauer revient sur ce parcours d’anthologie de la part de son protégé. Un exploit minutieusement préparé…
« Je savais que Yannick avait tous les atouts pour y arriver. Il en était convaincu aussi. Quand il était bien physiquement, il savait qu’il pouvait battre n’importe qui. Son physique, c’était la clé.
Une grosse partie de mon travail était axée dessus. Les gens ne se sont jamais rendus compte à quel point il avait travaillé pour en arriver-là. Quand il a préparé Roland-Garros en 1983, il faisait des footings tous les jours au moins une heure. Sans parler des gainages, abdominaux, dorsaux…
Bref, j’y croyais dur comme fer. Même davantage que lui. Je savais qu’il faudrait être très fort pour l’abattre avec ce qu’il avait encaissé physiquement. Je ne redoutais pas du tout la deuxième semaine pour lui. Beaucoup de joueurs n’aimaient pas le jouer. A cette période, Yannick était un bulldozer.
Il servait bien, venait à la volée, il vous « rentrait » dedans ! Il avait une détente incroyable et il était si dur à passer. Surtout avec le matériel de l’époque… Il avait à cette période ce sentiment d’être imbattable au filet. Il ressemblait à un tigre qui bondissait de droite à gauche.
Mais le plus important résidait dans le fait de croire qu’il pouvait battre n’importe qui. Depuis les cadets, Lendl ne lui faisait pas peur. Il a toujours eu un ascendant psychologique sur lui. Je l’invectivais sans cesse à produire un jeu d’attaque, à aller vers l’avant, à jouer long, à varier pour empêcher ses adversaires de développer leur filière.
Sur le court, Yannick était un guerrier et il l’a plus que prouvé en 1983. Tel un boxeur qui vous assénait de coups. Il donnait ce sentiment de ne jamais vous laisser jouer. Et de toute façon il avait gagné avant à Hambourg, avant de s’imposer à Roland-Garros.
Il jouait donc très bien. Puis Yannick en imposait tellement. Il était grand, costaud et si charismatique. Il communiquait bien et passait bien auprès du public. Les gens étaient vraiment derrière lui. Un jour avant son sacre, pendant qu’il s’entraînait au Racing avec moi, un vieil homme d’environ 90 ans s’est approché et lui a dit : « Monsieur Noah, lancez votre balle un peu plus haute au service ! ». On connaît la suite…