mardi 3 décembre 2024

Sidney Govou : « L’OL doit changer et se réinventer »

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Julien Huët
Julien Huët
Journaliste

Devenu l’un des consultants les plus pertinents du football français, Sidney Govou a un œil encore plus avisé quand il s’agit de débattre de l’Olympique Lyonnais, le club avec lequel il a tout gagné. A l’occasion de la sortie de son livre « Gagner ce n’est pas normal », il se confie. Entretien réalisé pour Le Foot Lyon et Le Quotidien du Sport.

Que pensez-vous de la situation actuelle de l’Olympique Lyonnais ? Vous écrivez que « l’OL doit se réinventer du sol au plafond ». C’est-à-dire ?

Oui, je le pense vraiment. Après, « se réinventer » est peut-être un grand mot. Il y a quand même des belles choses à l’Olympique Lyonnais. Mais il y a des choses à repenser.

C’est-à-dire ?

Autant l’OL est en avance dans plein de domaines autant je pense que, niveau football, le club est resté sur un mode de fonctionnement dépassé. Cela a marché pendant un certain temps Mais, dans la vie, il faut changer. Tout évolue : les mentalités, le football… Quand tu vois que cela marche moins bien, plutôt que d’insister sur ce que tu fais, prends le temps de regarder ce que font les autres car il y en a qui bossent très bien et changent la façon de fonctionner, les personnes… Dans la vie, si on veut durer, il faut changer. On ne peut pas rester avec le même mode de fonctionnement pendant vingt ans. Personnellement, je n’y crois pas.

Que pensez-vous de l’éventuelle vente de l’OL ?*

Je ne m’attendais pas à cela, mais c’est un changement et on verra après. C’est un virage. Les nouveaux propriétaires feront-ils ce qu’il faut ? Tu ne peux pas redevenir ce que tu as été, il faut faire changer le mode de fonctionnement afin d’amener le club à regagner.

Pourquoi l’OL a-t-il perdu sa fameuse culture de la gagne ?

Parce que tu étais avant-gardiste, et que tu as fini par stagner, faute d’avoir fait ton auto-critique régulière. Parce que tu as pensé que ton système était toujours le bon, sans voir que ceux d’à-côté l’ont copié et même amélioré. Ça concerne autant les joueurs recrutés que les dirigeants, le fonctionnement du club ou de l’académie. Le club a vécu à un certain niveau et a oublié qu’il fallait avoir une remise en cause, une auto-analyse lucide.

Sidney Govou regrette la stagnation et le fonctionnement de l’OL

Par rapport à votre époque, les liens se sont par exemple distendus à l’OL entre le groupe professionnel et le centre de formation qui ne s’entraînent plus sur le même lieu. Pensez-vous comme certains que c’est problématique ?

Oui. Mon après-carrière m’a amené dans d’autres clubs voir ce qui s’y passe et je pense que le côté humain est primordial. L’OL l’a perdu de vu en voulant être un grand club. Sauf qu’on peut garder ce côté humain en étant un grand club, le Bayern Munich le prouve. Là-bas, il y a une sorte de mélange structuré. Quand les pros sont à huis clos, personne ne les embête, mais il y a d’autres moments de convivialité.

Des clubs y reviennent d’ailleurs comme le PSG où Luis Campos a dit vouloir remettre en place ça. Quand tu as quelqu’un qui travaille pour toi, c’est la base de le connaître. C’est vrai pour l’intendant, pour la femme de ménage, pour le jardinier… Le fait de croiser les gens du plus haut jusqu’à la base, de pouvoir leur dire bonjour, ce sont des petites choses, mais ça contribue à créer une énergie.

A Canal +, vous avez pris du poids en tant que consultant. Sentez-vous que le regard des gens a changé sur vous ?

Quand tu sors d’une carrière de joueur professionnel, les gens ne t’imaginent que faire du football. Ils ne t’imaginent pas faire autre chose. J’ai toujours aimé parler de foot, j’ai toujours eu un avis sur le foot. Je ne le partageais pas car je n’estimais pas avoir à le faire.

Aujourd’hui, certains me découvrent dans ce métier de consultant. Beaucoup me disent que je suis une bonne surprise. Cela me fait rire et me désole un peu dans la mesure où c’est stupéfiant de juger quelqu’un sans le connaître. Mais bon, c’est la vie. Aujourd’hui, je m’épanouis dans ce que je fais. Je ne me surprends pas et ceux qui me connaissent ne sont pas du tout surpris.

« Je me donne pour objectif d’entraîner un jour »

Dans votre livre, il est souvent question d’un futur comme entraîneur. Est-ce quelque chose qui vous anime vraiment pour les prochaines années ?

Je ne sais pas si ce sera pour les toutes prochaines années mais, forcément, si j’ai passé mes diplômes c’est parce que j’avais envie de le faire. Cette envie s’est développée lorsque j’ai commencé à coacher avec les jeunes. Donc, oui, j’ai envie. Après, je ne vais pas dire que j’ai peur car je pense qu’il faut se lancer dans la vie. Je n’ai pas non plus encore eu l’opportunité. Je fais aussi aujourd’hui un autre métier (consultant) qui me plaît. Ce seront donc des choix à faire un jour dans ma vie. Donc, oui, je me donne pour objectif d’entraîner un jour.

A quel niveau ?

Je ne me donne pas d’objectif de niveau, ni de catégories d’âges. J’ignore si ce sera avec les séniors ou avec les plus jeunes. On me dit souvent que je devrais entraîner. Entraîneur principal, adjoint, en charge des attaquants… Il y a plusieurs possibilités. Aujourd’hui, je me dis que ça arrivera un jour. Le jour où il y aura une opportunité, il faudra que je sois là et que je réponde positivement.

Dans votre livre, on a été interpellé par votre constat sans appel sur le football féminin qui, selon vous, « se pénalise de lui-même en voulant être l’égal du football masculin ».

C’est l’une des choses qui me paraît assez logique. Cela fait un an que je dis que le football féminin a régressé. Je constate aujourd’hui que beaucoup de filles issues du football féminin le disent également… Je me dis du coup que j’avais raison (sourire). En France déjà, le virage de la Coupe du Monde 2019 a été totalement raté par la Fédération. Pendant que toutes les autres nations progressent, la France a stagné.

Plus globalement, quelles solutions préconisez-vous ?

Parmi les choses que j’évoque, une ne fait pas plaisir à tout le monde : la réduction de la taille du terrain et des cages. Ma fille fait du volley, le filet est plus bas que celui des masculins. Je n’invente rien : majoritairement un mec est plus costaud et va plus vite qu’une femme. A la base, le football a été créé pour les hommes avec des superficies de terrain et de cage établis en fonction des caractéristiques physiques des hommes.

Aujourd’hui, si les filles veulent être plus attractives, je trouve que ce serait une solution de changer les tailles du terrain et des cages. Si elles ne veulent pas changer, tant pis, ce sera peut-être très bien en continuant comme ça. Mais je pense qu’il faudrait révolutionner l’histoire pour que ce soit plus attrayant.

Car aujourd’hui, à n’importe quel niveau, il y a une constante : c’est le niveau des gardiennes, ça en devient risible parfois avec des buts casquettes ! Ce n’est pas qu’elles ont un mauvais niveau, mais la cage est trop grande par rapport à leurs aptitudes physiques.

Quand Sidney Govou se livre…

Avec notre confrère Edward Jay (RMC Sport), Sidney Govou s’attarde sur son parcours et tous ses titres gagnés avec l’OL dans les années 2000 : une Coupe de la Ligue, sept championnats et une Coupe de France. Sans trahir de secrets de vestiaire, il nous plonge avec nostalgie dans l’intimité d’un groupe qui gagnait presque tout.

Dans une dernière partie du livre, il s’attarde aussi sur les multiples défis qui attendent le monde du football : les nouvelles technologies, les supporteurs, les clubs-Etats, le racisme dans le football, l’évolution du football féminin… On se régale autant de ses souvenirs qu’on se laisse surprendre par la pertinence de ses réflexions. Gagner ce n’est pas normal, aux éditions Les Passionnés de Bouquins

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