La saison 1970/1971 est une année spéciale dans l’histoire de l’Olympique de Marseille de nouveau champion de France après 23 ans de disette, mais aussi dans l’histoire du championnat de France avec un meilleur buteur, Josip Skoblar, auteur de 44 buts.
Au moment de lancer cette saison 1970/1971, l’AS Saint-Etienne est dans la meilleure période de son histoire. Le club vient de remporter quatre championnats de France consécutifs et c’est devant ce mastodonte composé de joueurs comme Jean-Michel Larqué, Salif Keita ou encore Hervé Revelli que va se dresser une équipe de Marseille qui attend ce titre depuis 1948. Gilbert Gress, l’ange de la Meineau, milieu de terrain de cette équipe marseillaise se souvient :
« J’ai rejoint Marseille entre Noël et le Nouvel An, j’ai été transféré de Stuttgart à Marseille sans que je le sache au départ et, au sein de ce groupe qui n’était par ailleurs pas très nombreux, nous étions 13 ou 14, il régnait une ambiance absolument remarquable et le niveau était exceptionnel. De plus, il y avait un groupe de supporteurs qui était très proche de l’équipe et ça participait à ce climat génial. »
Dans ce groupe au niveau exceptionnel, un homme s’apprête à marquer le championnat de France de son empreinte, Josip Skoblar. Celui qui vient de fêter ses 80 ans n’avait pas son pareil devant le but et, cette année-là, il était purement et simplement en fusion. Gilbert Gress en parle d’ailleurs comme « l’un des meilleurs attaquants européens à l’époque et surtout dans les 16 mètres et cela ne prête même pas à la discussion ».
Skoblar marque l’histoire de l’OM
Jean-Paul Escale, le gardien de cette équipe marseillaise, lui va encore plus loin : « Josip, c’est mon idole en plus d’être mon ami. C’était un monstre, en le côtoyant tous les jours, on ne se rendait presque plus compte, mais on ne pouvait qu’être ébloui par sa classe et son aisance. C’est un Monsieur avec un grand M, il avait tout, pied droit, pied gauche, jeu de tête et je pense qu’à l’heure actuelle s’il avait 25 ans, on parlerait beaucoup moins d’un Neymar ou d’un Mbappé, mais beaucoup plus d’un Josip Skoblar ! »
Une chose est sûre, le record qu’il s’apprête à réaliser en cette saison 1970/1971 est tout bonnement exceptionnel puisqu’il tient encore aujourd’hui. En effet, lors de cette campagne, Skoblar inscrira la bagatelle de 44 buts en 36 rencontres, un total ahurissant. Un quadruplé contre Rennes, 3 triplés et 9 doublés en une seule saison, c’est absolument fou, le tout sans marquer de penaltys ! Dans cet énorme échantillon de buts, deux ont d’ailleurs particulièrement marqué Jean-Pierre Escale :
« Un jour, à l’entraînement, il m’a mis un retourné acrobatique, à la Papin, et le dimanche, à Sochaux, il a mis le même à ce pauvre Elefterios Manolios et, une autre fois, contre Lyon, il a mis un extérieur du pied gauche, et je crois que le ballon a tourné autour du poteau de corner avant de revenir dans la lucarne Yves Chauveau (gardien de l’OL) est resté ébahi, il était sûr que le ballon allait sortir. »
« S’il jouait aujourd’hui, on parlerait plus de lui que de Neymar ou Mbappé »
Preuve de la folie qui entourait cette saison, l’attaquant yougoslave (32 sélections, 11 buts) a dû se battre pour obtenir le titre de meilleur buteur de la saison.
En effet, avant la 38ème et dernière journée, il avait marqué le même nombre de buts que Salif Keita, l’incroyable attaquant de Saint-Etienne. Le Malien, lors de cette journée, n’inscrira qu’un but contre Nantes tandis que Skoblar en marquera lui 3 contre Strasbourg. Score final : 44 à 42 pour le Marseillais pulvérisant l’ancien record du Nantais Philippe Gondet (36 buts en 1965/1966). Ce match contre l’équipe alsacienne était très spécial pour Gilbert Gress :
« Strasbourg était mon ancien club (il l’entraînera également plus tard, Ndlr) il leur fallait un point pour ne pas descendre et nous il nous fallait un point pour nous assurer le titre, mais à la mi-temps nous menions 5-1 et c’était réglé. »
L’OM remporta ses 7 derniers matches ne laissant presque aucune chance aux Stéphanois et, sur cette période, Skoblar inscrivit 15 buts. Ce niveau de performance dans les moments importants n’est pas un hasard. Jean-Paul Escale précise qu’en plus de toutes ses qualités, « il n’avait pas besoin d’armer ses frappes, le ballon lui collait au pied et il dégainait si vite que les défenseurs et le gardien en face ne pouvaient anticiper et étaient toujours surpris. »
Ce record permettra à Skoblar, Olympien à deux reprises (1967 et 1969-1974), d’être le seul joueur de l’histoire à remporter le Soulier d’Or en évoluant dans le championnat de France, il le remporta devant des gros noms comme Eusebio par exemple.
44 buts pour Skoblar, même Zlatan n’a pas réussi à égaler le record
La barre des 35 buts n’a elle plus été atteinte qu’à deux reprises dans l’histoire, Zlatan Ibrahimovic (PSG) et ses 38 buts en 2015/2016 et Edinson Cavani (PSG) et ses 35 buts l’année suivante. Autant dire que malgré les exceptionnels attaquants présents dans notre championnat, ce record semble plus que compliqué à aller chercher.
Si l’on prend d’ailleurs une vue plus large, on peut s’apercevoir que, dans les cinq grands championnats, seuls Cristiano Ronaldo et Lionel Messi (à deux reprises) ont réussi à faire mieux. De quoi classer Josip Skoblar meilleur buteur de D1 durant trois saisons d’affilée (1971, 1972, 1973) en inscrivant 44, 30 et 26 buts (175 buts dont 151 en 1ère division avec l’OM) parmi les plus grands.
Robin Wolff