mardi 23 avril 2024

Stéphane Guy : « On ne parle pas football de la même façon sur TF1, Canal ou RMC »

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Interview exclusive de Stéphane Guy, six mois après son licenciement de Canal+. Celui qui s’est très peu exprimé dans les médias nous parle librement de son métier, mais aussi de l’actualité…

Six mois après avoir été honteusement viré de Canal+ (lire ici), Stéphane Guy vit « une belle parenthèse » sur RMC (et BFM TV) qu’il a rejoint pour la durée de l’Euro. S’il a préféré ne pas parler de son procès avec la chaine cryptée, pour des raisons évidentes que nous comprenons, celui qui s’est très peu exprimé depuis le mois de décembre, a accepté de nous parler de son métier, et aussi un peu de lui.

Vous êtes sur RMC et BFM TV jusqu’à la fin de l’Euro, c’est un autre métier…

Dans cette période de ma vie c’est une bouffée d’oxygène. Je découvre après Canal une autre maison et surtout un autre média la radio que je n’avais plus fréquente depuis mes débuts à Alençon. C’est une belle parenthèse.

« Pour être un bon commentateur, il faut être bien entouré »

Vous analysez l’actualité, c’est aussi un autre métier …

Je ne commente pas de matchs. J’ai plus un rôle d’éditorialiste, notamment sur BFM TV avant et après les matchs de l’équipe de France, au milieu d’une équipe composée de Sarah M’Barek (ndlr: entraîneur de la section féminine du RC Lens), Jean Michel Larqué et Emmanuel Petit. C’est nouveau pour moi même si j’avais déjà cette étiquette de commentateur-éditorialiste à Canal. Mes différents patrons m’ont d’ailleurs toujours encouragé dans cette voie. 

Justement, parlons du métier de commentateur… C’est quoi pour vous un bon commentateur ? 

C’est évidemment très subjectif. Chacun ses goûts même s’il y a des bases à respecter. Un commentateur est là pour décrire, divertir et informer. Surtout, en télé du moins, on ne peut pas dissocier le commentateur du consultant et du journaliste de terrain qui l’accompagnent. C’est un véritable trio avec une hiérarchie bien établie. Commenter un match, c’est donc aussi savoir tirer le meilleur du consultant qui est à vos côtés. Pour être bon il faut être bien entourés, c’est un sport d’équipe !

Quels sont les consultants qui vous ont marqué ? 

J’ai eu le privilège à Canal de bosser avec des cadors. Partager des matchs avec Aimé Jacquet, Roger Lemerre, Raynald Denoueix, Paul Le Guen ou Frederic Antonetti vous rend infiniment meilleur. Ils ont été mes professeurs de football. Des hommes passionnés et d’une infinie générosité. C’est aussi vrai de Remi Garde, Eric Carrière, Jean Luc Arribart ou Habib Beye avec qui  j’ai toujours commenté en parfaite symbiose. 

Votre rôle était aussi de les mettre en valeur…

Ce n’était pas le plus difficile concernant les hommes précités … J’ai aussi longtemps cheminé avec Marcel Desailly qui a cette qualité de se mettre pendant les matchs dans la peau des acteurs. C’est très rare que les anciens joueurs aient cette capacité à nous faire partager leur ressenti. Ils ont le plus souvent un discours d’entraîneur. Marcel lui savait rester dans le registre du joueur. Il peut être très bon pourvu qu’on soit capable d’activer son mode d’emploi très particulier.

« Johan Micoud (Equipe du soir) fait figure de référence (…) Il parle en homme libre, avec des convictions fortes »

Être consultant ou commentateur sur un match ou se retrouver sur un plateau pour présenter ou analyser l’actualité ce n’est pas la même chose…

Vous avez parfaitement raison. Notre métier a de multiples facettes. Commenter un match en direct ou l’analyser après coup ne nécessitent pas forcément les mêmes qualités. L’exemple le plus frappant pour moi c’est Johan Micoud. Je me souviens du temps où il commentait des matchs sur Canal. Il était bon bien sûr mais on ne le sentait pas forcément dans son registre de prédilection. On ne l’imaginait pas devenir le « number one ». Depuis qu’il est sur le plateau de L’Equipe du Soir il a pris une dimension incroyable et fait figure de référence. Une question de ton, d’esprit, on le sent fait pour ça. Il parle en homme libre, jamais dans la posture, avec des convictions fortes mais en restant toujours très posé, sans céder à la petite phrase ou au bashing…

Le « bashing » justement, on a l’impression que c’est la mode aujourd’hui … Comme si pour exister il fallait dire du mal. C’est notamment le cas à RMC…

Je vous laisse libre de votre jugement! Je crois simplement que chaque média définit sa propre ligne éditoriale et c’est heureux qu’elles soient diverses. Ça nous permet de nous tourner vers tel ou tel en fonction de nos envies et de nos besoins. Il est évident qu’on ne parle pas football de la même façon sur TF1, Canal ou RMC. Après, que, que soit le média, on demande aujourd’hui à n’importe que, intervenant d’avoir des avis tranchés. C’est pour cela que je vous parlais de Micoud. Il n’a pas besoin de hausser le ton, ou de sortir des petites phrases assassines pour se faire entendre…

Depuis vos débuts à Canal Plus, la façon de commenter les matchs à changé …

Il y a tellement de commentateurs, tellement de consultants, tellement surtout de matchs diffusés qu’on a désormais l’embarras du choix. Ce qui a surtout changé me semble t’il depuis 25 ans que je suis dans le circuit c’est le métier de consultant. C’est précisément devenu un métier alors qu’il y a 30 ans c’était plus un hobby pour footballeur avec belle carte de visite mais en mal de reconversion. Le niveau d’exigence n’était pas très élevé… Il l’est devenu. La concurrence est devenue terrible. Vous pouvez avoir joué en équipe de France, si vous ne continuez pas à suivre le foot et ses évolutions de près, si vous vous contentez d’un discours plat et convenu vous ne résisterez pas longtemps. 

« Pour un fanatique, un commentateur n’est jamais assez favorable à ses couleurs »

Revenons au commentateur que vous étiez sur Canal Plus. Comment avez vous appris votre métier?

Je ne l’ai pas vraiment appris. Il n’y a pas d’école de commentateurs. Au début on agit par mimétisme. On fait comme on imagine qu’il faut faire. Moi je cherchais tout simplement à copier ceux qui avaient nourri ma vocation, à commencer par les deux Thierry, Roland et Gilardi. Petit à petit, avec l’expérience, on peut se faire plus confiance, créer son propre style. La chance de notre génération c’est qu’il y a un nombre quasi infini de matchs à commenter. Ça permet d’apprendre plus vite. Quand je suis arrivé à Canal il y avait autour de la table Thierry Gilardi, Christophe Josse, Denis Balbir, Gregoire Margotton, Philippe Doucet, Éric Besnard, Cyril Linette, David Berger et bien d’autres… Je me disais intérieurement : « je ne commenterai jamais un match… ». Mais les besoins n’ont fait qu’augmenter et un jour la porte s’est entrouverte…

Le métier évolue bien selon vous ? Que pensez vous de la relève ?

Il y a beaucoup de talents un peu partout. Je suis par exemple bluffé par le niveau général des commentateurs de RMC durant cet Euro. C’est une radio dont à mon avis la force centrale réside dans la maîtrise des directs. Je suis d’autant plus épaté qu’ils sont pluridisciplinaires. Le spécialiste du judo est par exemple un excellent commentateur de football. 

Les supporters, notamment sur les réseaux sociaux, aiment bien coller des étiquettes aux commentateurs, « pro OM », « pro PSG », « pro OL »… C’est un problème ?

C’est le jeu avec une règle de base : pour un fanatique, un commentateur n’est jamais assez favorable à ses couleurs. Même les anciens joueurs des clubs qu’ils supportent ne trouvent pas grâce à leurs yeux. Je crois surtout qu’il ne faut pas prendre ce que vous lisez sur les réseaux sociaux pour argent comptant, ni pour un sentiment général. Ça ne reflète en rien la réalité. C’est juste un défouloir…

En ce qui vous concerne, on vous a affublé l’étiquette de « pro PSG » (surtout les Marseillais), autant que d’ « anti PSG ». C’est paradoxal ?

Je m’en fiche un peu pour être franc. Ça n’influence pas ma manière de faire mon travail. Quand vous commentez par exemple un OM-OL vous savez que vous aurez devant le poste 10% de fanatiques lyonnais et 20% de fanatiques marseillais car ils sont à l’évidence un peu plus nombreux, mais votre métier c’est de vous adresser à 100% du public et donc d’abord et surtout aux 70 % qui sont là par amour passion du football plus que par parti pris. Personnellement mon cœur penche vers le club de ma région, le Stade Malherbe de Caen mais je n’ai pas vraiment l’âme d’un supporter…

Le moindre commentaire positif ou négatif en faveur d’une équipe ou d’une autre est interprété comme une prise de position …

C’est le risque du métier. Mais il faut s’affranchir de ces craintes et en ce domaine comme en bien d’autres retenir le conseil du Général De Gaulle à son petit fils : « il faut être contagieusement libre ». Moi je suis un Normand, qui vit à Paris, dont la sœur est à Lyon et dont les parents habitent près de Marseille. Je me sens bien partout !

« Pour Amazon, la Ligue 1 à ce prix là, c’est cadeau ! »

Votre contrat avec RMC se termine à la fin de l’Euro. Après on vous voit bien sur Amazon qui a récupéré les droits de la Ligue 1…

L’avenir pour moi est un grand mystère et mon futur professionnel est en suspens*… 

La Ligue 1 sur Amazon, ça vous inspire quoi ?

La Ligue 1 à ce prix là pour un géant comme Amazon, c’est cadeau ! Je continue de penser que le (re)développement de notre championnat passe par une relation constructive et apaisée avec son diffuseur historique. Ça me semble incontournable.

*Dans un entretien accordé à nos confrères de l’Equipe, Stéphane Guy a clairement expliqué qu’il souhaitait être réintégré à Canal+ car il estime n’avoir fait aucune faute professionnelle.

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