Vainqueur de la 2ème étape du Tour de France, Victor Lafay (27 ans) est la nouvelle coqueluche du cyclisme français. Entretien réalisé pour Cyclisme Magazine et Le Quotidien du Sport.
Ce n’est pas votre première victoire d’étape en grand Tour (il avait gagné la 8ème étape du Giro en 2021, Ndlr). Mais celle-là a-t-elle changé votre vie ?
C’est clair, c’est le Tour de France ! Pour les Français, c’est encore plus important. La médiatisation sur le Tour, c’est un truc de fou. C’est dingue de voir tous les gens, que ce soit dans les aires de départ ou pendant le parcours. Quand je passe, quasiment tout le monde dit : « Allez Victor ! ». Avant, ça m’arrivait de temps en temps, mais souvent, on me disait : « Allez Guillaume ! » comme on a tous les deux les cheveux longs avec Guillaume Martin. La plupart des gens ne me connaissaient pas. On m’avait dit qu’il y aurait un avant et un après et je m’en rends compte.
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Une réaction vous a-t-elle surpris ?
Déjà, dans le peloton, il y a beaucoup de grands champions qui sont venus me féliciter. Ça fait un peu bizarre et c’est flatteur. Et après, même en dehors, des mecs qui ont des carrières énormes, que ce soit en trail ou dans d’autres sports, m’ont félicité. Je me sens presque gêné parce qu’eux, ils ont fait une carrière exceptionnelle. Dans le trail, je discute pas mal en ce moment avec Thibaut Baronian. Michel Lanne m’a aussi envoyé un message vraiment sympa. L’ex-footballeuse Laure Bouleau était là au départ d’une étape et m’a félicité. Je ne me rends peut-être pas encore compte de ce que j’ai fait…
Les stars du peloton vous calculent davantage ?
Disons qu’avant, j’étais un jeune comme un autre. Mark Cavendish est venu me féliciter, Pedersen, même Pogacar qui m’a tapé la main et m’a dit bravo. J’ai discuté avec Julian Alaphilippe. C’est une reconnaissance assez folle.
Comment gérez-vous cette nouvelle popularité ?
Je ne sais pas si ça fait partie de mon éducation, si c’est ma personnalité, mais je ne suis pas quelqu’un qui se prend la tête. J’espère que ça va rester comme ça et pas changer. Après, certains disent que je ne suis pas conscient de mes capacités mais, au final, je pense quand même en avoir conscience.
« Dans le col des Aravis, j’ai mangé une tomme et ça m’a boosté ! »
Cette victoire vous donne-t-elle des perspectives différentes pour l’avenir ?
J’avais vraiment en tête d’essayer de gagner une victoire sur le Tour, mais je pensais plus en échappé pas forcément avec les favoris. Les deux premières étapes, je ne pensais pas que je pouvais avoir ce niveau-là, que je pouvais les accompagner aussi longtemps.
Je savais que c’était des étapes qui me convenaient, mais à ce point-là, j’ai été agréablement surpris. Donc c’est sûr que ça donne de la confiance pour l’avenir. Quand je serai en forme, je n’aurais pas de complexes à nourrir, à me dire que je peux batailler avec les meilleurs sans forcément essayer de trouver une combine pour partir en échappé ou essayer de faire un truc spécial pour gagner.
Après avoir gagné une étape sur le Tour, quel est le prochain objectif ?
Il y a quelque chose qui me fait vraiment rêver, ce serait de participer aux Jeux Olympiques. Je n’ai encore jamais fait l’équipe de France, et à l’avenir, que ce soit là, en 2024 ou même plus tard, c’est quelque chose que j’aimerais bien faire au moins une fois dans ma vie.
Quelle course rêvez-vous de gagner ?
La course qui me fait rêver et que j’ai vraiment envie de gagner, c’est la Flèche Wallonne. C’est vraiment une course où j’aimerais vraiment performer et la mettre à mon palmarès. C’est une course dédiée aux puncheurs.
Lafay admiratif d’Alaphilippe
Vos coéquipiers disent que vous êtes un peu atypique, un peu un ovni. Votre modèle, c’est plutôt Peter Sagan ou Julian Alaphilippe ?
Julian, c’est sûr que c’est un modèle. Ce qu’il a fait ces dernières années, c’est incroyable, que ce soit sur le Tour de France, sur les championnats du monde ou la Flèche Wallonne. C’est un peu une idole entre guillemets parce qu’on a un peu le même profil, mais lui, il a accompli des trucs de fou. Peter Sagan aussi. Il est fun. Ça donne une image vraiment rafraîchissante au cyclisme et ça fait du bien. Les gens, c’est ça qu’ils ont envie de voir. Ils n’ont pas forcément envie de voir des mecs hyper sérieux tout le temps. Un Tadej Pogacar l’a bien compris car il est toujours là à s’amuser et à faire le pitre.
En 2018, sur le Tour du Savoie-MontBlanc, vous vous étiez arrêté pour acheter un saucisson !
Cette année, lors de la 15ème étape du Tour, j’ai un copain qui m’a donné un morceau de tomme dans le col des Aravis. Je ne jouais pas la victoire, j’étais dans le grupetto. J’ai pris le morceau de tomme et je l’ai mangé. Ça m’a redonné un coup de force. Du coup, après, avec Brian Coquard, on a attaqué sur le sommet, on a fait la descente à fond, on est rentré sur le groupe de devant !
Sur le Tour, vous avez également dormi avec la Cofidis à l’hôtel de votre père !
C’était le soir du 14 juillet, après le Grand Colombier, on a dormi à Findrol, dans le Campanile de mon père. Il a pu organiser une petite réception avec les amis, la famille qui voulait me féliciter, puis m’encourager pour la suite. C’était vraiment agréable. Il y a plein de gens que je ne m’attendais pas à voir. Ça fait du bien de se sentir soutenu.
Victor Lafay dans le flou pour la suite de sa carrière
Vous êtes en fin de contrat. Dans quelle équipe serez-vous l’année prochaine ?
Je ne sais toujours pas. Pour l’instant, rien n’a été signé.
N’avez-vous pas le sentiment d’avoir fait le tour de Cofidis où vous évoluez depuis 2017 ?
Pas forcément, puisque l’équipe est en plein développement depuis quelques années. Justement, on progresse bien, que ce soit dans le matériel ou dans l’approche de la performance. On met beaucoup de choses en place. En plus, quand tu vois comment j’arrive à progresser au sein de l’équipe, je ne peux pas dire que j’en ai fait le tour.
On voit qu’INEOS s’intéresse à vous. On imagine qu’ils vont vous proposer un tout autre salaire….
Pas forcément, justement, parce que des grosses équipes vont parfois payer moins comme elles sont attractives. Financièrement, parfois, c’est beaucoup mieux de rester là où tu es.
Christophe Laporte a pris une autre dimension chez Jumbo-Visma. Vous, vous pensez qu’on peut gagner en restant chez Cofidis ?
Je montre aussi qu’on peut être très performant en restant chez Cofidis et Ion (Izagirre) l’a montré aussi. On a une équipe qui s’impose de plus en plus dans le World Tour et on continue de grandir.