Né à Lannemezan le 15 novembre 1996, Antoine Dupont a grandi au pied des Pyrénées dans un village de moins de 1000 habitants, entre les tables de l’hôtel-restaurant de ses grands-parents, à Castelnau-Magnoac, qui n’en a pas fini de célébrer l’enfant du pays.
En 2019, quelques jours à peine après avoir fêté son premier titre de champion de France, c’est à Castelnau-Magnoac et nulle part ailleurs, qu’il a ramené le Bouclier de Brennus. Plus précisément à l’hôtel-restaurant Dupont de ses grands-parents, Pierre (l’ancien maire) et Alice, place de l’Estelette, repris par Jo Do Carmo, un ancien employé qui racontait l’anecdote dans Sud-Ouest :
« Je vois une voiture qui arrive devant le bar, c’était Toto. Il avait mal au dos. Il me dit : « Jo, j’ai un truc dans le coffre de la voiture, il faut que tu ailles le chercher. » C’était le Bouclier. Il est resté au bar, prendre quelques photos avec les clients. Parfois il revient même s’entraîner avec le club du village. » Vingt ans ont passé et c’est comme si Toto n’était jamais parti. Lui qui a débuté le rugby à 4 ans, en même temps que son frère aîné, Clément, qui en avait 7.
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« Il a tout de suite été attiré par un sport où il pouvait se dépenser, se mesurer aux autres et dépenser sa grosse énergie », nous dit le frangin. « Ils jouaient tout le temps sous la tonnelle de l’hôtel-restaurant, poursuit Jo. Et ça finissait mal en général (rires) ! » Car le petit n’aime pas perdre, qui refuse de s’arrêter de jouer tant qu’il est mené. Ce tempérament, Toto l’exprime au sein de l’école de rugby du village, à peine créée par Jean-Philippe Guerrero qui a vite vu qu’il tenait là un sacré numéro.
Dans Midi Olympique, il évoquait une génération 95-96 de très bonne qualité avec, au milieu, le petit Antoine qui « avait des capacités physiques dignes d’un jeune homme de trois ans de plus que lui, minimum. Même avec les générations au-dessus, la différence était énorme. »
A 6 ans, il est élu meilleur joueur d’un tournoi en marquant 12 essais
Sous les yeux de ses grands-parents, de sa mère Marie-Pierre, de son père Jean, et d’un frère qui faisait contre mauvaise fortune bon cœur pour maîtriser son énergie débordante, les premiers pas d’Antoine révèlent un potentiel hors norme. A 6 ans et quelques mois, son premier moment de gloire dans un tournoi disputé avec Castelnau lui vaut les honneurs d’un article de presse dans La République des Pyrénées. Elu meilleur joueur après avoir inscrit 12 essais, il marque les esprits pour la première fois. Paradoxalement, cette trop grande facilité à faire la différence le navre un peu.
Tout ça manque un peu de panache pour le gamin déjà très lucide sur ses performances. En manque de challenges motivants, il a même pensé arrêter le rugby pour rejoindre d’autres potes qui avaient préféré le foot. Un comble pour le futur meilleur joueur de la planète, un moment charnière certainement que ses éducateurs de l’époque ont bien appréhendé.
Pour lui compliquer la tâche, et éviter qu’il traverse le terrain avec le ballon sous le bras, ils ont imposé un nombre de passes obligatoires avant de tenter l’action individuelle. Et ça a marché, Toto s’est repris au jeu et est resté un licencié assidu et plus déterminé que jamais du petit club où son père, Jean, était entraîneur.
Jusqu’à 14 ans et son départ vers Auch, il a grandi sous le regard protecteur des gens qui l’aimaient et qu’il aimait. Ceux qu’il n’a pas oublié et qui ne cessent de vanter sa gentillesse et sa disponibilité, son humilité face au destin hors norme qui lui colle aux basques.
Antoine Dupont reste humble
Vingt ans après, Castelnau-Magnoac est toujours le même petit village du piémont pyrénéen, entre Tarbes au sud et Auch au nord, emblème d’une France rurale qui défend, avec fierté, les valeurs de l’ovalie et qui s’arrête de vivre à chaque match du XV de France pour suivre les exploits de l’enfant du pays. Le tout avec reconnaissance car, depuis Antoine, la France du rugby sait désormais où se situe le Pays de Trie et de Magnoac.
Depuis Antoine, le club local, le Magnoac FC, n’a jamais été aussi attractif, pour des licenciés et des résultats en hausse, davantage de partenaires désireux de s’associer au premier club du capitaine de l’équipe de France. Il n’est ainsi pas rare de voir des voyageurs s’arrêter sur la place centrale, chercher le stade municipal, interroger les passants, curieux de découvrir quel était l’environnement du triple champion de France.
Depuis Antoine, la France du rugby sait où se situe Castelnau-Magnoac
Sans aller jusqu’à créer un circuit touristique qui se proposerait, à l’instar de ce qu’a fait Bergues dans les Hauts de France après le succès de « Bienvenue chez les Ch’tis », il est possible d’orienter les recherches vers le Domaine de Barthas. A quelques encablures de la place de l’Estelette, les frères Dupont ont en effet retapé la ferme familiale, la métairie Dupont, pour ouvrir un lieu convivial et accueillir baptêmes, mariages, séminaires d’entreprise et réunions familiales ou sportives.
Baptisé « Serment de frères », le projet s’est concrétisé en 2021 qui permet à Antoine de s’ancrer encore un peu plus profondément dans une histoire familiale douloureusement marquée en 2023 par le décès de son père, Jean, après des années de vie végétative sur un lit d’hôpital.
De cette épreuve autrement plus difficile qu’un plaquage à retardement, Toto est aussi sorti plus fort. Perpétuer l’héritage hôtelier des Dupont autant que partir à la conquête d’un premier titre mondial est sa manière à lui de rester fidèle à ses origines et de rendre hommage à celui qui a accompagné ses premiers pas de rugbyman et n’a jamais cessé de le soutenir.