vendredi 8 décembre 2023

[Hand] Alain Portes ne mâche pas ses mots : « Les entraîneurs français ne sont pas assez audacieux »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Au-delà de son éviction de l’équipe de France féminine en 2016 qui a fait couler beaucoup d’encre, Alain Portes (62 ans) n’en reste pas moins un grand joueur (des quatre titres de champion de France de Nîmes, le seul club de sa carrière), 216 fois international (501 buts) et un entraîneur qui a gagné sur trois continents (la Coupe Challenge avec les filles de Nîmes, la Ligue des Champions d’Asie avec Al-Duhail et deux fois le Championnat d’Afrique avec la Tunisie). Entretien pour Handball magazine et Le Quotidien Du Sport.

Vous avez été des quatre titres de champion de Nîmes, le dernier en 1993. Quel regard portez-vous sur le club aujourd’hui ?

Il a retrouvé une place tout à fait honorable. David Tebib, le président, a mis en place tout ce qu’il fallait pour redevenir ambitieux.

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Vous l’avez connu joueur…

Il jouait en espoir et, de temps en temps, il s’entraînait avec nous. Les espoirs faisaient le championnat de France, se déplaçaient avec nous et faisaient le match en lever de rideau. Il avait des qualités, il jouait ailier gauche, comme moi (sourire), mais il a eu des blessures.

Rêvez-vous d’un nouveau titre de champion ?

Ce sera difficile tant que Paris est armé comme il l’est. Ce serait chouette qu’ils ramènent un jour quelque chose à Nîmes. De là à aller chercher un titre… Montpellier, ça fait 10 ans qu’ils n’ont rien attrapé à part la Ligue des Champions.

Vous avez entraîné Nîmes. Le club ne vous a-t-il pas sondé quand Vranjes est parti ?

J’ai la désagréable impression que depuis que je me défends contre la Fédération, on ne m’appelle pas, en tout cas en France. Mais je ne suis pas trop pour refaire ce que j’ai déjà fait. Sur une autre mission pour le club, pourquoi pas.

Les entraîneurs français ne s’exportent pas beaucoup. Comment l’expliquez-vous alors que vous avez entraîné dans de nombreux pays ?

On s’y prend mal ! Le handball français a quand même des résultats. Il y a aussi la moitié des entraîneurs de LNH qui sont des étrangers, notamment des Espagnols. Eux, comme les ex-Yougoslaves, sont solidaires. Quand un Espagnol s’en va, c’est souvent un Espagnol qui lui succède.

Nous, les Français, quand il y en a un qui réussit, on ne le met pas en avant. J’en sais quelque chose. J’ai gagné deux Coupes d’Afrique, la Coupe d’Asie des Clubs Champions. Le syndicat des entraîneurs n’a pas communiqué dessus… Il y a aussi le fait que, pour nous Français, partir à l’étranger, ce n’est pas une démarche anodine. On a quand même un petit confort au niveau de la Sécurité Sociale. Quand on part à l’étranger, on se met en danger. Il faut une petite dose de courage. Tout le monde ne l’a pas.

« A part Canayer, les entraîneurs français manquent d’audace »

Ceux qui ne connaissent pas forcément votre carrière de joueur et d’entraîneur, s’arrêtent à ce qui s’est passé avec l’équipe de France féminine.

Ça m’a fait beaucoup de mal. C’est pour ça que je me suis défendu.

Quand l’équipe de France féminine a décroché l’or olympique, ne vous êtes-vous pas dit que vous auriez pu en être ?

Je m’en fous. Ça m’indiffère, même s’il y avait 12 joueuses que j’avais lancées. J’ai gagné des choses ailleurs qui étaient peut-être plus difficiles. Je ne regarde même pas leurs matches depuis que j’en suis parti.

N’avez-vous jamais été approché pour entraîner l’équipe de France masculine ?

On ne me l’a jamais proposé ouvertement. Je sais qu’au moment de la succession d’Onesta, des noms circulaient, j’étais cité puisque j’étais en Tunisie où ça se passait bien. A ce moment-là, l’équipe de France avait les meilleurs joueurs du monde à tous les postes. Claude Onesta avait mis en place un fonctionnement où les joueurs fonctionnaient beaucoup en auto-gestion, prenaient beaucoup de décisions.

Dans ma façon d’aborder l’entraînement, c’est aussi d’apporter quelque chose aux joueurs, de leur apprendre des choses, au moins d’en avoir l’ambition. Or, avec cette équipe-là, je ne me voyais pas me faire plaisir à leur transmettre quoi que ce soit vue leur organisation, leur niveau. Je ne voyais pas trop quel plaisir je pouvais prendre. Il y a la gloriole d’entraîner l’équipe de France, de gagner des titres, mais ce n’est pas ma priorité de me construire un palmarès. Je ne cours pas après.

Auriez-vous réagi de la même façon si on vous avait proposé le PSG et toutes ses stars ?

Le PSG, c’est différent (sourire). C’est un club, on a beaucoup les joueurs, on peut être actif. On peut proposer des formes de jeu, on a du temps. Ce sont des joueurs très talentueux donc adaptables. C’est un challenge complètement différent. L’équipe de France, les avoir 15 jours avant une grande compet, ils arrivent fatigués, il faut plus gérer les organismes que construire un projet de jeu riche et varié. Ça ne m’intéressait pas du tout.

Alain Portes critique le style des entraîneurs français

Le meilleur club français est entraîné par un Espagnol…

Ça rejoint ce que j’ai dit, on ne met pas assez en avant la qualité de certains entraîneurs français. C’est peut-être aussi de notre faute. Quand je vois jouer les clubs entraînés par des Français, je vois souvent le même style. On manque d’audace sur les aspects tactiques.

Les mouvements d’attaque ne sont pas super variés, les systèmes de défense sont souvent les mêmes. C’est assez lisible, mais c’est peut-être lié à la formation en France. Globalement, on manque d’imagination. Patrice Canayer en a beaucoup, mais ce n’est quand même pas le plus jeune. Quand je vois jouer Montpellier, il se passe quelque chose. Mais ils ne sont pas assez nombreux à être audacieux.

Avez-vous des contacts ?

Dernièrement, j’ai eu pas mal de contacts à l’étranger pour des clubs en Arabie Saoudite, au Qatar, en Tunisie, pour une équipe nationale d’un pays du Golfe, les Emirats. Chaque fois, je réfléchis, mais je n’ai pas eu le coup de cœur.

Et en France ?

Non, mais ça ne me surprend pas. Il y a des gens qui me savonnent les planches…

« Je suis en paix maintenant à la Fac de Montpellier »

Songez-vous à prendre votre retraite ?

Je suis prof de sport à la fac de Montpellier. Je fais ça avec le plus de sérieux possible et avec pas mal d’enthousiasme. Autant quand je suis parti au Qatar, j’avais ce besoin de me reconstruire et de montrer aux gens qui j’étais vraiment, autant désormais je suis en paix depuis que j’ai eu quelques décisions favorables en termes de justice.

Vous n’aimez pas qu’un adjoint prenne la succession d’un entraîneur qui ait viré. C’est ce qu’a fait Guillaume Gille en équipe de France suite à l’éviction de Didier Dinart…

Un adjoint doit être solidaire de son entraîneur principal ou alors il faut avoir tiré la sonnette d’alarme avant. Ce n’est pas quelque chose que je trouve très correct, ce n’est pas très cool vis-à-vis de Didier Dinart même si je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants. Parfois, ça se fait parce que c’est programmé. Par exemple, Erick Mathé a été adjoint de Canayer et va lui succéder à Montpellier.

Si, aujourd’hui, un club français osait vous contacter, seriez-vous prêt à replonger ?

Je réfléchirai. Je ne ferme jamais la porte. Mais je ne sens pas les clubs français m’appeler… Ils ont peur de représailles de la part des gens qui sont toujours en poste à la Fédération. Moi j’ai eu des soupçons quand je suis allé à Besançon. J’ai trouvé qu’on n’était pas très bien traité…

À LIRE AUSSI : l’interview de Canayer

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