Seul chef à obtenir une troisième étoile en 2021 pour son restaurant AM à Marseille, Alexandre Mazzia a joué au basket à un bon niveau. Mais quand il a fallu choisir entre la balle orange et la cuisine, il a opté pour cette dernière.
Vous venez de recevoir votre 3ème étoile pour votre restaurant « AM par Alexandre Mazzia ». C’est le Hall of Fame pour un cuisinier !
C’est encore plus fort qu’un titre NBA ! Vous rentrez dans la légende. Il y a très peu de restaurants trois étoiles. Ça fait toujours plaisir de marquer l’histoire en seulement six ans. Personne ne l’a jamais fait. Cette distinction est improbable. Je ne sais pas si des basketteurs jouent pour être MVP. Nous, on ne l’a pas fait pour les titres, et c’est encore plus valorisant.
Que pouvez-vous rêver de mieux désormais ?
On va continuer à faire ce que l’on sait faire. On ne va pas changer. Ce qui m’anime, c’est la matière et la fibre. La cuisine, c’est ma vie. C’est juste le regard des gens qui va changer. Moi je ne me pose pas de questions. Les seules que je me pose, c’est sur ma cuisine que j’élabore tous les matins.
Quel a été votre parcours de basketteur ?
Sélection des Hauts-de-Seine, cadets de l’Europe avec les potes Giffa, Steve Bourgeois, Vincent Masingue, Thierry Zig. Je suis arrivé juste après Mous Sonko. Entraînement à Versailles en Nationale 3. Après, je suis allé en Espoirs Pro B à Poissy-Chatou avec Sylvain Lautié. J’ai été prêté en N1 pendant deux ans à Salins-les-Bains. Ensuite N2 à Meilhansur-Garonne, Buzet-sur-Baïse, Marseille au SMUC, Avignon. Au final, à part trois ans en Espoirs Pro B, j’ai surtout fait de la N1 et de la N2.
Alexandre Mazzia, la cuisine c’est sa vie
Auriez-vous pu percer si vous aviez continué ?
Ce n’était pas ma volonté. Je faisais d’ailleurs les deux, basket et cuisine. J’avais même réussi à avoir une bourse pour aller à Villanova. J’étais alors à New York et on m’a appelé pour me dire qu’une place se libérait chez Fauchon place de la Madeleine. J’y suis allé direct ! Des potes m’ont dit que j’aurais pu réussir en NCAA, mais je n’ai aucun regret. Je ne suis pas un basketteur qui a fait de la cuisine, mais un cuisinier qui fait du basket !
Les salaires pratiqués en NBA ne vous donnent-ils pas des regrets ?
Je suis propriétaire de mon restaurant et j’ai 24 salariés, mais l’argent ne m’a jamais animé. Gagner 15 millions de dollars par an comme certains basketteurs, ça fait réfléchir, mais ça n’a jamais été ma préoccupation. Tout n’a pas été facile, je me suis retrouvé à dormir dans une voiture, mais je le répète l’argent n’a jamais été mon moteur.
Jouez-vous toujours ?
Oui avec mon fils qui joue au basket en benjamins au SMUC. Il a 12 ans, il est grand, il fait presque 1m80, il est doué, facile, avec un bon état d’esprit. On est mercredi. Je vais le récupérer à 16h30 et on va aller au playground faire des shoots au bord de la mer. On a joué l’an dernier notre premier deux contre deux ensemble. C’était sympa. Après, il fera ce qu’il aime, je ne le forcerai pas.
« Je ne suis pas un basketteur qui a fait de la cuisine, mais un cuisinier qui fait du basket ! »
Marseille, où vous avez installé votre restaurant, ce n’est pas vraiment une ville de basket…
Marseille n’a jamais été une terre de basket, mais de foot. Tous les projets qui ont essayé d’être menés n’ont jamais abouti. La ville est en train de changer. Peut-être que les choses vont évoluer. Mike Pietrus essaye de faire une fondation à la NBA avec le SMUC. Ils m’ont sollicité pour que j’explique aux jeunes que la passion est plus forte que tout. J’insisterai aussi sur l’adresse, le cheminement psychologique et mental pour le shooteur : ne pas penser au shoot que l’on rate, mais au prochain.
Le basket vous aide-t-il en cuisine ?
Oui, ne serait-ce que dans la façon de manager. J’ai un management différent d’un restaurant 3 étoiles. Il y a une hiérarchie, mais l’esprit est de gagner ensemble.
Vous étiez un meneur-arrière, le capitaine de vos équipes, comme en cuisine…
Oui, mais je suis plutôt d’un tempérament timide. Le basket m’a donné de la confiance. En tant qu’entraîneur, vous devez tout contrôler. Cela demande de la concentration, de la minutie. La cuisine de haut niveau demande encore plus de préparation mentale et physique que le sport de haut niveau. Il y a 8 services par semaine, ce qui équivaut à 8 matches par semaine ! Aucun joueur n’en fait autant.
Avez-vous reçu des basketteurs dans votre restaurant ?
Oui, notamment Mickael Pietrus et Ronny Turiaf. Alain Weisz vient souvent fêter son anniversaire de mariage. Sylvain Lautié est venu, Lassana Sylla, un ancien coéquipier également ou Rémi Giuita, le coach de Fos sur Mer qui fait une belle saison.
Alexandre Mazzia rêve de recevoir Michael Jordan dans son resto
Pas LeBron James ?
J’espère qu’il viendra un jour ! Mais celui que je rêverai de recevoir, c’est MJ, Michael Jordan !
Quels joueurs appréciez-vous aujourd’hui ?
Je regarde la NBA avec mon fils. Moi je suis un fan des Bulls, mais des Bulls des années 90. Le basket devient de plus en plus comme le foot, les équipes font venir des stars et constituent de gros cinq majeurs. Ce qui se passe à Brooklyn où c’est une bande de potes qui font leur équipe, c’est marrant, mais j’espère que le basket va garder de l’authenticité et du suspense car là on peut presque dire quelles équipes vont disputer les finales de Conférences.
Avez-vous, outre le SMUC, d’autres projets liés au basket ?
On m’a sollicité pour faire des tuttos pour les joueurs NBA pour se préparer à manger seul ils n’ont pas tous la chance d’avoir un chef cuisinier chez eux pour manger des choses saines quand ils sont seuls à l’hôtel par exemple. Les joueurs commandent tout sur des applications, mangent beaucoup de saumon, de poissons pas bons.