A 32 ans, le demi de mêlée de Toulouse, Alexis Balès a décidé de raccrocher les crampons. Si les commotions cérébrales ne sont pas la cause unique de sa prise de décision, elles en sont une. Mais dans cette affaire il en appelle aussi à la responsabilité de chacun.
Pourquoi avez-vous décidé de mettre un terme à votre carrière ?
C’était le moment ! J’ai vécu beaucoup de moments forts que je n’aurais jamais imaginés. J’ai gagné le Brennus et la Coupe d’Europe avec le Stade Toulousain (2021, Ndlr). C’était le Graal. J’avais aussi en tête mon projet d’après-carrière, à savoir monter une agence en vin et champagne. J’ai commencé le rugby à 5 ans. J’avais envie de faire autre chose.
Les entraînements sont également de plus en plus intensifs. Même si je suis encore jeune et sur mes deux jambes, c’était de plus en plus dur de garder un certain niveau. J’ai eu une grosse opération de l’épaule. J’ai toute ma tête. Cependant, j’ai fait pas mal de commotions dans mes trois clubs. Cela a été une des raisons pour laquelle j’arrête. Quand je rentrais sur le terrain, je me posais la question si j’allais m’assommer. Je commençais donc à perdre cette insouciance que j’avais avant.
Le sport de haut niveau se joue sur des détails. Si on n’est pas totalement impliqué, c’est compliqué de performer. On a discuté avec Toulouse pour que je stoppe avant la fin de mon contrat. Je n’ai quasiment pas joué les six derniers mois. Ils font confiance aux plus jeunes derrière Antoine Dupont. Je pouvais le comprendre. Mais repartir sur une saison et s’entraîner dur pour regarder les copains, ce n’était pas mon intention non plus.
« Nous sommes suivis par des neurologues en début de saison »
Quel est votre avis sur ces commotions qui se multiplient ?
C’est un sujet qu’il faut prendre au sérieux. Les instances ont quand même évolué depuis un certain nombre d’années. On est suivi régulièrement par des neurologues en début de saison. On fait un point sur notre concentration et notre cerveau. Personnellement, je suis en bonne santé. Mais le choc dû aux commotions peut être traumatisant sur les semaines et même les mois qui suivent.
Je me rends compte que j’ai des défauts de concentration, de mémoire immédiate. Est-ce dû à ces commotions, c’est compliqué à déterminer. Je ne suis pas docteur ni neurologue. C’est pour cela qu’il faut accompagner ceux qui ont des commotions sur le terrain.
« On est professionnels et maître de notre corps »
Pensez-vous que certains postes soient plus exposés et propices aux commotions ?
Jouant demi de mêlée, j’ai été moins sujet au contact que les avants. Mais on est toujours amené à plaquer. Cela peut arriver très vite. Et même être anodin comme choc. Ce n’est pas forcément un contact virulent qui va faire que vous allez avoir une commotion. Cela peut être une tête mal placée sur un contact, jouer de malchance et prendre une hanche ou un genou de l’adversaire…
180 anciens joueurs ont attaqué World Rugby pour son inaction contre les commotions, qu’en pensez-vous ?
J’ai un peu de mal avec cela. Quand j’ai commencé il y a plus de dix ans, on n’était pas suivi du tout par rapport aux commotions. Cela a fortement évolué. Les clubs font de plus en plus attention. Ils n’hésitent pas à nous laisser une semaine de plus de repos si on ne se sent pas à 100%. Il faut aussi être responsable de soi.
C’est compliqué pour un docteur de savoir si vous avez mal à la tête ou si vous n’êtes pas bien. C’est à vous de ressentir si vous êtes apte ou pas à retrouver le terrain. On est professionnels et maîtres de notre corps aussi. Attaquer nos clubs, nos médecins, nos instances, je ne sais pas si c’est la bonne démarche. Après, je n’ai pas eu énormément de séquelles non plus. C’est peut-être pour cela que je réagis ainsi.