vendredi 24 janvier 2025

Lano Fonua : « Les Tongas ne viennent pas à la Coupe du Monde pour faire de la figuration »

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Lano Fonua est membre de l’équipe technique des Tonga. Attendue à Coupe du Monde 2023 en France, cette sélection est tombée dans la poule B avec l’Irlande, l’Afrique du Sud, l’Ecosse et la Roumanie. Cette petite sélection polynésienne est en pleine restructuration et elle va devoir assumer le rôle de David contre Goliath dans cette phase de poules.

« On reste une équipe qui a basé son jeu sur le physique et la puissance »

Les Tonga sélectionnent de nombreux joueurs issus d’autres sélections océaniennes dernièrement, on pense notamment à Charles Piutau. Y’a-t-il une réelle volonté des ‘Ikale Tahi de se tourner vers leur diaspora ?

World Rugby a des critères d’éligibilité qui s’accordent bien avec la situation des Tonga. Le droit de naissance s’applique sur trois générations (le joueur, ses parents et ses grands-parents, Ndlr). Si l’une des trois est née dans un pays, alors le joueur a le droit de le représenter. On compte ainsi de nombreux binationaux, des Tongiens qui vivent à l’étranger. La plupart sont Néo-Zélandais. Et puis ce qui est aussi important, c’est que ces Tongiens à l’étranger gardent une forte connexion avec le pays. Même quand un joueur est né à l’étranger, ses parents l’ont bien souvent fait grandir dans la culture tongienne et il se sent tongien avant tout. Il garde son héritage, sa langue et la passion avec laquelle il joue.

Même s’ils ont la culture tongienne, ils ont aussi grandi dans des pays où le rugby se joue différemment et il y a de grands noms qui vous rejoignent.  Allez-vous adapter votre approche pour jouer autour de ces éléments qui sortent du lot ?

Il est vrai que ces apports vont ajouter des qualités exceptionnelles et différentes à l’équipe, mais cela ne va pas non plus dénaturer notre jeu. On reste une équipe qui a basé son jeu sur la physicalité et la puissance. On joue avec beaucoup de passion et tout est construit autour de ça. Charles Piutau, Pita Ahki ou Vaea Fifita par exemple, ce sont des joueurs talentueux et ils nous offrent de nouvelles possibilités, mais leur présence ne va pas tout remettre en question. Ils apportent du facteur X, de l’imprévisibilité, et on espère qu’ils feront des différences.

« On veut se confronter aux meilleurs afin de progresser »

En plus de ces apports, vous avez aussi un groupe comptant des jeunes prometteurs. Eux aussi ont-ils leur carte à jouer pour s’imposer dès cette Coupe du monde ?

On a des joueurs reconnus et installés, mais aussi des jeunes qui ont mérité leur place, notamment chez nos arrières. Par exemple, Kyren (Taumoefolau) n’a que 20 ans et il joue déjà comme s’il faisait partie de la sélection depuis plusieurs années. On veut leur donner du crédit et de la confiance dans ce qu’ils font et ainsi les accompagner vers le plus haut niveau. Il faut aussi donner du crédit à Moana Pasifika. La plupart des jeunes qui ont été sélectionnés sont passés par là. Il n’empêche que notre projet a pris en densité sur ces dernières années grâce à un noyau de joueurs, en majorité des avants, qui est installé depuis plus ou moins 2019. Nos jeunes sont là pour être eux aussi des facteurs X, mais surtout pour prendre en expérience.

Justement, plusieurs jeunes présents dans le groupe des présélectionnés jouent à Moana Pasifika, la nouvelle franchise de Super Rugby lancée en 2020. Comment est-elle perçue au Tonga ?

On soutient beaucoup le projet de Moana Pasifika. On pense que c’est une opportunité fantastique pour nos jeunes. C’est la première vraie équipe professionnelle qui permet de jouer en Super Rugby pour les joueurs tongiens et samoans. Elle fait quand même partie du système néo-zélandais, mais c’est le concept d’équipe le plus pérenne qui a été mis en place pour nos compatriotes. Je pense que ça crée aussi de l’indulgence envers cette équipe. Personne ne va les pointer du doigt et parler de leur bilan de victoires et de défaites. Il y a un réel équilibre qui a été trouvé entre le financier et le sportif. On a déjà eu des équipes aux Tonga et aux Samoa qui faisaient partie de la ligue néo-zélandaise, mais ils n’arrivaient pas à faire fonctionner l’équipe économiquement. C’est pour cela qu’un projet directement implanté en Nouvelle-Zélande est plus sain. On les suit depuis deux ans et on est impressionné par ce qu’ils font. On a déjà pu voir tous le bien que cela a pu faire à certains jeunes joueurs qui ont eu l’occasion d’être professionnels grâce à Moana Pasifika. C’est une excellente nouvelle pour les jeunes tongiens et la sélection. Cela ouvre de nouvelles perspectives de développement et tout le monde y trouve son compte.

Le tirage des groupes ne vous a pas gâtés. Cette poule B a des airs de groupe de la mort. Pensez-vous pouvoir en tirer votre épingle du jeu ?

On sait ce qui nous attend. On s’est préparé pour ça et on est aussi confiant dans le talent dont on dispose. Comme toutes les équipes qui font la Coupe du monde, on ne vient pas pour faire de la figuration. On va être confronté à trois des cinq meilleurs équipes du monde (Ecosse, Irlande et Afrique du Sud, Ndlr) et on sait qu’ils auront de quoi répondre au défi physique. On ne s’attend à rien de facile et c’est aussi ce que l’on recherche. On veut se confronter aux meilleurs afin de progresser. Personne ne nous donne la moindre chance et on les comprend, mais on sait aussi pourquoi on est là et ce n’est pas la motivation qui manque. On jouera comme on a toujours joué : avec passion. C’est le plus important.

Cette Coupe du Monde 2023 a lieu en France. En 2007, lors de la dernière édition en France et en Grande-Bretagne, de nombreux Tongiens d’Europe étaient venus vous soutenir. Vous attendez-vous à un même enthousiasme cette fois-ci ?

Il y a toujours du monde pour nous soutenir quand on se déplace. L’équipe que l’on avait envoyé en 2007 avait une certaine aura. Elle a gagné sa reconnaissance en jouant contre l’Angleterre et l’Afrique du Sud, les deux futurs finalistes en phase de poules. On avait très bien joué contre eux et on n’était pas loin de renverser l’Afrique du Sud. C’était vraiment une version légendaire des ‘Ikale Tahi et c’est la dernière fois que l’on est allé en France. On sait que l’on a une grande communauté tongienne là-bas. Les Tongiens sont passionnés, autant quand ils jouent que quand ils soutiennent leur pays. On devrait d’ailleurs voir certains supporteurs lors de notre camp de préparation à Marseille et on a déjà prévu d’aller en rencontrer d’autres à La Rochelle. On ne peut que les remercier de vouloir nous soutenir et d’être autant impliqués. C’est eux qui sont venus vers nous en disant à l’Union qu’ils voulaient nous rencontrer. On sait qu’on a de la chance et qu’on leur doit déjà énormément. Cela motive beaucoup les joueurs de savoir que des personnes vont prendre le temps de venir les encourager alors qu’ils sont si loin de chez eux.

Propos recueillis par François Simonin

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