vendredi 19 avril 2024

Didier Mbenga (seul Belge à avoir joué en NBA) : « Il faut oser aller en NBA ! »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Candidat malheureux à la draft, Vrenz Bleijenbergh n’est pas devenu le premier joueur Belge né en Belgique à être drafté et à jouer en NBA. Né au Congo, Didier Mbenga reste donc encore le seul joueur belge à avoir joué en NBA. Il a même décroché deux fois le titre avec les Lakers en 2009 et 2010 ! Rencontre.

Que devenez-vous ?

Je vis entre Dallas et Los Angeles, mais plus à Dallas. Je suis entrepreneur. Je travaille également avec NBA Afrique comme ambassadeur et j’ai une fondation depuis 2005. On s’est occupé d’un peu plus de 3000 enfants orphelins. Je tiens beaucoup à l’éducation. C’est en l’éduquant qu’on peut sauver la nouvelle génération, l’ancienne étant tellement corrompue. On construit aussi des puits pour permettre à la population d’avoir de l’eau potable ou pour irriguer les champs. J’ai également des projets de camps de basket et d’une académie omnisports au Congo. Il y a aussi un projet de livre et de film.

Vous êtes né au Congo, mais vous êtes le seul Belge à avoir joué en NBA. Est-ce une fierté en Belgique ?

Je suis né au Congo, mais la Belgique m’a tout donné et je pense lui avoir bien rendu en jouant pour la sélection. Après, est-ce une fierté pour la Belgique que j’ai joué en NBA ? Je ne pense pas… Paradoxalement, après le premier titre, je n’ai été invité que par la présidence congolaise (rires). Ça tombait pile pour les 50 ans de l’indépendance du Congo. Après, le plus important est que ce pays m’a donné l’opportunité et j’en suis fier. Le reste appartient à l’histoire… Quand j’ai joué les finales NBA, David Stern est venu dans le vestiaire pour me demander quel drapeau il fallait mettre : celui de la Belgique ou du Congo. Je lui ai dit de mettre le drapeau belge. Lui était content qu’un autre Africain que Hakeem Olajuwon aille en finale. Pour la petite histoire, quand je suis arrivé en NBA, j’étais Congolais, je n’étais pas encore belge… (rires) (il a été naturalisé le 20 juillet 2004, Ndlr). Je suis fier d’être Congolais et Belge. Je suis fier de ce que la Belgique m’a offert. Je pense lui avoir renvoyé l’ascenseur.

Y a-t-il des gymnases à votre nom en Belgique ?

Rien du tout. Même à Charleroi avec qui j’ai gagné le titre (en 2004, Ndlr) il n’y a même pas mon maillot. Comment voulez-vous inspirer la jeunesse de demain si vous n’avez pas de modèle ?

Vrenz Bleijenbergh s’est présenté à la dernière draft sans succès. Il aurait pu devenir le premier joueur belge né en Belgique à jouer en NBA…

C’est l’éternel histoire de l’Africain. Pas seulement en Belgique, mais en Europe. Après, qu’il y ait un autre joueur belge en NBA, j’en aurais été le premier content. Moi j’ai osé, ça a marché et j’ai placé la barre plus haute. Il aurait pu m’appeler, je lui aurais donné quelques tuyaux. Il y a une nouvelle génération de coachs en NBA. J’ai joué avec Jason Kidd qui est un ami. J’ai gagné des titres avec Luke Walton. Chauncey Billups est également un ami. Je peux donc toujours aider d’une manière ou d’une autre. Même s’il n’a pas été drafté, rien que le fait d’avoir tenté sa chance, c’est bien. Il a des c…

Comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas eu d’autres joueurs belges en NBA ?

Axel Hervelle avait été drafté (52ème en 2005, Ndlr), il avait le potentiel pour jouer en NBA, mais apparemment il voulait rester en Europe. Moi, si j’avais écouté les gens, je serais resté en Europe et je n’aurais jamais joué en NBA. J’avais des offres de tous les grands clubs européens, mais je voulais aller en NBA. A chaque fois qu’on me disait que ce n’était pas possible, ça me motivait à m’entraîner encore plus pour y arriver ! Il a fallu faire des sacrifices. Je ne suis pas allé en NBA seulement parce que j’avais la taille et le corps pour.

« Même à Charleroi avec qui j’ai gagné le titre il n’y a même pas mon maillot »

Les joueurs belges ont-ils peur d’aller en NBA ou n’ont-ils tout simplement pas le niveau ?

Certains comme Eric Struelens ou Jean-Marc Jaumin ont joué dans de grands clubs européens. Etaient-ils satisfaits d’être là où ils étaient ? N’ont-ils pas osé ? Se sont-ils trouvés des excuses ? Je ne sais pas. Moi je voyais plus loin. Il faut aussi quelqu’un qui croit en toi. C’est là où Bouna Ndiaye a joué un grand rôle. A chaque match en Belgique, les GM venaient et je n’arrivais plus à me concentré. Charleroi en avait marre. On a mis en place un plan. Des équipes NBA venaient me voir à Paris juste pour faire un work-out ! Je faisais l’aller-retour et le lendemain j’étais à l’entraînement. J’aurais pu signer en Europe.

En vacances à Malaga avec Willy Steveniers qui m’a appris le basket, on s’est rendu à la salle car on pouvait y shooter. Il y avait des joueurs de l’Est également en vacances dont Sabonis de Portland. Il y avait un scrimmage, le coach Maljkovic m’a demandé de jouer. C’était la première fois que je jouais contre un joueur NBA comme Sabonis. Un véritable mur, mais à chaque fois je le bloquais ! Après le match, il me demande où je joue. J’évoluais alors dans la deuxième équipe de Charleroi en 2ème Division. Il hallucinait. Pour lui, ma place était en NBA ! Il voulait que j’aille dans un Collège, mais mon coach a refusé, pensant que je n’étais pas encore prêt. Mais Sabonis a appelé tout le monde aux Etats-Unis ! Les Américains contre qui je jouais en Belgique appelaient aussi. Ça a fait le buzz et tout le monde est venu me voir. On m’offrait même des chaussures signées par des joueurs NBA. Certains faisaient même des vidéos pour m’inciter à venir.

Finalement, vous avez sauté le pas contrairement à d’autres de vos compatriotes.

Il faut aussi dire que le championnat belge n’est plus ce qu’il était. Quand j’y jouais, le niveau était tout autre, avec d’autres moyens, avec des écoles de formation, avec des coachs. Toute ma génération a évolué dans de grandes équipes européennes. Axel Hervelle et Tomas Van Den Spiegel au Real, Dimitri Lauwers en Italie, etc. On était bien formés !

Parle-t-on des basketteurs belges aux Etats-Unis ?

Non. J’étais en formation general manager à Vegas il y a trois ans. Il y avait beaucoup d’anciens joueurs. Un GM explique qu’il a joué dans une Bullshit League (une ligue de m…, Ndlr). Il me regarde et me dit : “Don’t offense to you” (ne sois pas offensé, Ndlr).

N’avez-vous pas envie de vous investir pour aider les basketteurs belges à franchir le pas ?

J’ai ouvert beaucoup de portes à beaucoup de personnes en NBA, même en Belgique. J’ai voulu en faire profiter tout le monde et montrer que c’était possible, qu’il ne fallait pas avoir peur.

« Qu’il y ait un autre joueur belge en NBA, j’en aurais été le premier content. Moi j’ai osé, ça a marché ».

Quel regard portez-vous sur votre carrière NBA ? Malgré deux bagues, vous étiez plus un coéquipier modèle qu’un scoreur, non (234 matches 1,8 point, 1,5 rebond, 0,6 contre en  6,7 minutes entre 2004 et 2011, Ndlr) ?

Si j’étais tombé dans des équipes moins fortes, j’aurais peut-être été dans le cinq et j’aurais eu plus de temps de jeu. Malheureusement ou heureusement, j’ai atterri à Dallas avec Dirk (Nowitzki). Les Mavericks, qui étaient taillés pour gagner le titre, ont fait le choix de faire de moi un défenseur. J’étais un prospect avec Devin Harris. J’étais le premier Big Men athlétique de l’histoire de Dallas. J’étais capable de faire un bloc et d’aller dunker de l’autre côté du terrain en 10 ou 12 secondes ! Contrer, faire des écrans, prendre des rebonds, courir, c’était mon job alors que les premières choses qu’on m’avait apprises en Europe, c’était dribbler, pénétrer et shooter. Je me suis adapté. Quand il y avait des blessés, j’ai montré que je pouvais jouer. En 2006, on va en finale. L’année d’après, je me blesse ; ligaments croisés. Après, je pars à Golden State puis aux Lakers. C’est là que Phil Jackson m’a donné le freedom (la liberté). Il m’a dit de faire ce que je savais faire et j’ai commencé à prendre des shoots et à prendre de la confiance. C’est de là que Kobe m’a donné le surnom de Congo Cash.

Kobe était votre premier fan !

C’était mon gars (sic). Je ne sais pas si je retrouverai un ami comme ça… Dire qu’au début, mon Kobe je ne l’aimais pas. Je le trouvais arrogant. Quand je l’affrontais avec les Mavs, je lui faisais des blocs shoots et lui il aimait qu’on le challenge. Quand je suis arrivé aux Lakers, j’ai rencontré quelqu’un de différent, quelqu’un de très ouvert que les gens ne connaissaient pas forcément. Il était aux JO et moi aux Championnats d’Europe, et on s’appelait dans le vestiaire pour se motiver.

Le public aussi vous adorait.
Il vous adore quand vous leur donnez ce qu’il veut et moi je leur offrais des contres, des dunks, de l’énergie. Dans tous les clubs où je suis passé les gens ne m’ont pas oublié. J’étais ouvert, humble. J’avais cet esprit humanitaire. Il m’arrivait d’aller donner à manger à des sans-abri. Après le titre avec les Lakers, j’étais blessé, mais Pau Gasol et André Bynum aussi. Phil Jackson m’a demandé de jouer. Je l’ai fait et j’ai enchaîné les double-double. C’est aussi comme ça que tu gagnes le respect de tes coéquipiers.

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