L’ancien demi de mêlée international et consultant pour France Télévisions Dimitri Yachvili livre ses pronostics avant le début du tournoi des 6 nations, dernière répétition avant la coupe du monde, pour des Bleus en quête d’un 2ème grand chelem de suite. Entretien pour Le Quotidien Du Sport et Rugby magazine.
L’Italie a-t-elle fait taire les critiques sur sa place dans le 6 Nations après sa tournée d’automne ?
Depuis son intégration dans le Tournoi en 2000, l’Italie a obtenu 13 victoires, pour 1 match nul et… 101 défaites. Onze fois elle a récolté la cuillère de bois. Mais lors de la dernière tournée automnale elle a obtenu une victoire historique contre l’Australie (28-27). De quoi lui assurer un avenir serein dans le Tournoi alors que la Géorgie pousse fort et que l’Afrique du Sud est candidate ?
L’avis de Dimitri Yachvili : « Je pense qu’il va falloir en faire un peu plus. Mais ils montrent des signes de progression. Il y a cette belle victoire contre l’Australie. On se souvient aussi de leur belle victoire contre le Pays de Galles lors du dernier Tournoi (22-21 à Cardiff, Ndlr). Cela prouve qu’ils progressent. On va voir comment ils vont réagir sur la longueur pour confirmer sur le Tournoi 2023 leurs résultats de 2022 ».
Si la France, grande favorite de la Coupe du monde, ne réalise pas le doublé, cela serait-il inquiétant avant le Mondial ?
Les Bleus foncent vers la Coupe du monde organisée en France en 2023. En 2022, ils ont réalisé le Grand Chelem dans le Tournoi, le premier depuis 2010. S’il y avait défaillance dans l’édition 2023, y aurait-il panique à bord avant l’échéance mondialiste ?
L’avis de Dimitri Yachvili : « Non ce ne serait pas inquiétant car réaliser ce type de doublé n’est pas arrivé très souvent. Tout dépend à quelle place on va finir le Tournoi. Les années impaires sont toujours délicates puisqu’il y a trois déplacements contrairement à la période où on a reçu trois fois. Alors même si cette équipe de France nous réserve de belles surprises et nous surprend de match en match, cela reste un Tournoi compliqué en 2023. Ajouté à cela que les Tournois lors des années Coupe du monde sont toujours ardus à gérer en termes d’effectif, de physique et de mental ».
« Surtout qu’on va commencer par deux déplacements en Italie et en Irlande, avant de recevoir les Ecossais, puis de se déplacer en Angleterre et finir par le Pays de Galles. Ce n’est pas un calendrier évident. Donc si on ne le gagne pas, ce ne serait pas inquiétant. Si par contre on finit 5ème ou 6ème, cela le serait davantage. Il y a un juste milieu à trouver. Après son année 2022, je la vois jouer les trois premières places et figurer au moins sur le podium ».
Dimitri Yachvili serein pour le XV de France
En recevant la France et l’Angleterre, l’Irlande est-elle la grande favorite ?
Dans le Tournoi, l’Irlande, c’est un Grand Chelem en 2018. L’an dernier, ils n’ont connu qu’une courte défaite contre les Bleus (au Stade de France, 30-24). De quoi faire à nouveau peur car cette sélection n’est guère chamboulée et reste sur des victoires contre l’Afrique du Sud (19-16) et l’Australie (13-10) après s’être imposée deux fois en NouvelleZélande (12-23 et 22-32).
L’avis de Dimitri Yachvili : « On peut les considérer comme favoris avec ce qu’ils proposent depuis quelques saisons. Certes, leurs joueurs ont pris de l’âge, mais ils ont une grosse expérience et des saisons dans les jambes. C’est une équipe très difficile à jouer, très bien organisée offensivement. Eux comme notre équipe française font partie des favoris en 2023 ».
Avec le départ d’Eddie Jones, l’Angleterre va-t-elle jouer plus libérée avec un jeu moins restrictif ?
Avec seulement 2 victoires pour 3 défaites en 2022, le XV de la Rose a connu un Tournoi décevant (3ème). Depuis décembre, la Fédération anglaise a évincé Eddie Jones. En poste depuis 2015, l’Australien a vécu une année catastrophique. Avec des défaites récentes cuisantes lors de la dernière tournée contre l’Argentine (29-30) ou l’Afrique du Sud (13-27). Le temps presse pour cette sélection. Va-t-elle retrouver du jeu et de l’efficacité avec à sa tête l’entraîneur de Leicester Steve Borthwick ?
L’avis de Dimitri Yachvili : « On va bien voir s’ils vont enfin se réveiller. Depuis 2019, on n’a pas l’impression que ces Anglais évoluent rugbystiquement. Ils vont quand même recevoir trois fois en 2023 (Ecosse, Italie, France, Ndlr) contrairement à nous. On peut se poser la question si Eddie Jones n’était pas devenu effectivement le point faible de cette sélection. Depuis un certain temps, l’Angleterre n’a pas de match référence ni de réel plan de jeu. Ils sont davantage restés sur un rugby très basique avec de la conquête, du jeu au pied et une grosse pression tout en jouant des ballons de contre. Avec le départ d’Eddie Jones, c’est le point d’interrogation ».
« On ne sait pas encore comment la sélection va jouer. Le sélectionneur suivant va devoir proposer autre chose. Il va devoir innover. On peut quand même imaginer qu’ils vont avoir un jeu un peu moins stéréotypé en prenant davantage l’initiative du jeu et en se montrant plus offensif au lieu de rester sur les acquis du jeu au pied et du défi physique ».
Le Pays de Galles moins bon que la France
Warren Gatland revient-il au Pays de Galles dans la peau d’un sauveur ?
Après l’éviction du sélectionneur Wayne Pivac, Warren Gatland est de retour à la tête du Pays de Galles. Le Néo-Zélandais a déjà été le maître d’oeuvre des Gallois entre 2007 et 2019 avec quatre titres dans le Tournoi dont trois Grands Chelems. Alors après une année très difficile pour le Pays de Galles, cela repart-il de plus belle avec Gatland ?
L’avis de Dimitri Yachvili : « Les Gallois, je les sens un peu en-dessous. Il y a eu défaite contre la Géorgie (12-13, Ndlr) lors de la tournée et contre l’Italie lors du Tournoi dernier aussi (21-22, Ndlr). Cela n’a pas été une bonne année 2022 pour le rugby gallois. Maintenant, on sait qu’ils ont des ressources, pas vraiment en termes d’effectif, mais plutôt au sein de leur propre collectif, de leur équipe même. Ils sont parfois capables de créer la surprise sur certains Tournois. Il faut quand même faire attention à eux ».
« Mais, contrairement à la France, ils ont un effectif beaucoup plus réduit en qualité. L’année 2022 leur a mis un coup sur la tête. On va voir comment ils vont aborder 2023 et le prochain Tournoi. Je ne les sens pas aptes à remporter cette compétition. Avec Gatland de retour, on fait du neuf avec du vieux. Il a été sélectionneur du Pays de Galles pendant X années. Va-t-il innover avec des joueurs qu’il connaît déjà très bien ? Je crains surtout pour eux qu’il n’y ait pas un effectif très conséquent. C’est un autre point d’interrogation. On va évaluer comment Gatland en un an va ou peut changer la face de cette sélection galloise ».
L’Écosse, l’équipe surprise du Tournois des VI Nations 2023
L’Ecosse peut-elle créer la surprise elle qui n’a plus gagné le Tournoi depuis 1999 ?
Certes, cela fait longtemps que les Ecossais n’ont pas remporté une victoire finale de prestige dans le Tournoi. Cela étant, ils ont toujours quelque chose d’alléchant à proposer. Parler de Grand Chelem serait exagéré, mais que leurs adversaires se méfient, la sélection au Chardon peut piquer…
L’avis de Dimitri Yachvili : « Il faut toujours se méfier de cette équipe écossaise qui joue très bien au rugby. Elle va recevoir aussi trois fois (Pays de Galles, Irlande, Italie, Ndlr). Ils peuvent créer une surprise car ils ne sont pas favoris. Donc s’ils gagnent ils la créeront (sourire). Ils jouent de manière très offensive. Leur effectif n’a pas beaucoup bougé. L’alchimie est bonne entre les joueurs expérimentés et les jeunes joueurs ».
« Maintenant je ne trouve pas que cette sélection a l’envergure pour remporter cinq matches de haut niveau d’affilée pour gagner le Tournoi. Il leur manque un peu de puissance au niveau du paquet d’avants et une conquête un peu plus conquérante aussi. Après, ils ont tout : une excellente 3ème ligne, Finn Russell est à haut niveau, et cela va très vite. Cependant, cela pêche encore un peu sur quelques points. Ils vont aussi tomber sur la France, l’Irlande, l’Angleterre… Contre les Anglais, c’est toujours un match délicat. Même si l’Ecosse est devenue la bête noire des Anglais depuis quelques années ».